Les règles de compétence territoriale et d’attribution

Quelles sont les règles de détermination de compétence ?

La fonction juridictionnelle est fragmentée entre plusieurs juridictions, par conséquent, lorsqu’une personne veut intenter une action, elle doit rechercher la juridiction compétente pour lui répondre. A cette fin, on a posé des règles de répartition de compétence mais on a aussi élaboré un régime de la compétence qui répond au souci d’assurer un traitement égal à tous et donc d’imposer certaines règles mais aussi un souci de protection des intérêts privés des plaideurs qui parfois sont autorisés à modifier les règles de compétence.

Cette compétence se détermine d’un double point de vue, il faut déterminer quel type de juridiction saisir, c’est la question de la compétence d’attribution. Il faudra également localiser géographiquement la juridiction compétente, c’est la question de la compétence territoriale.

  • &1 La compétence d’attribution :

Elle définit l’étendue des pouvoirs d’une juridiction par rapport à deux critères :

  • Le montant des intérêts en jeu dans une affaire : c’est-à-dire la valeur du litige
  • La nature du litige : c’est-à-dire son objet

A) La valeur du litige :

Effectivement, en principe, le demandeur doit chiffrer sa demande et pour cela on a prévu des méthodes d’évaluation de la demande. Celle-ci est très importante car elle va être comparée à deux taux, le taux du ressort et le taux de compétence qui confère à la valeur du litige une double fonction.

1°) La fonction de la valeur du litige :

Premièrement, la demande évaluée est comparée au taux du ressort. Il s’agit ici de déterminer si le jugement rendu est susceptible d’appel ou ne peut seulement être frappé que d’un pourvoi en cassation. Ici, la valeur du litige remplit une fonction générale puisque la question se pose à toutes les juridictions du premier degré dans toutes les matières. En effet, en dessous d’une certaine valeur, le jugement est rendu en premier et dernier ressort et échappe à l’appel. Au-delà d’une certaine valeur, le jugement est rendu en premier ressort à charge d’appel. On peut constater ici que ce taux du ressort joue le rôle d’un filtre des voies de recours puisqu’il a pour but d’écarter du double degré de juridiction les litiges que la loi qualifie de mineurs. Il convient de préciser que ce taux du ressort si il s’applique à toutes les juridictions n’est pas le même pour toutes les juridictions. D’autre part, il est des matières dans lesquelles la juridiction ne tiendra pas compte de la valeur du litige et rendra toujours un jugement en premier ressort à charge d’appel.

Le taux de compétence : la valeur du litige remplit ici une fonction spéciale puisqu’elle permet de déterminer en matière personnelle et mobilière quelle juridiction est compétente pour connaître du litige. Cette hypothèse, c’est celle qui conduit à partager la compétence entre le TGI qui est compétent pour les litiges d’une valeur supérieure à 7600 alors que le tribunal d’instance est compétent si le litige est inférieur à 7600 et il faudra aussi compter désormais avec la juridiction de proximité qui est compétente pour les litiges inférieurs à 1500 .

2°) Les méthodes d’évaluation de la valeur du litige :

Articles 33 et suivants du nouveau code de procédure civile qui distingue deux situations :

– Une demande unique

– Une pluralité de demandes

Dans le premier cas, c’est celle dans laquelle un demandeur forme une demande unique contre un seul défendeur. La règle dans cette situation, c’est que le montant de la demande doit s’apprécier en tenant compte uniquement du principal sans tenir compte des accessoires.

Un élément de complication lorsqu’un demandeur formule plusieurs prétentions contre le même adversaire dans la même demande. L’article 35 distingue selon que les prétentions sont connexes et dans ce cas on additionne les prétentions ou si les prétentions sont fondées sur des faits différents et bien la compétence et le ressort sont déterminés par la nature et la valeur de chaque prétention émise isolément. Autrement dit, un juge pourra être compétent sur certaines prétentions et pas sur d’autres, il pourra statuer à charge d’appel pour certaines et en premier et en dernier ressort pour d’autres.

Lorsqu’il y a une pluralité de demandeurs contre un défendeur. Une distinction est faite selon que les demandeurs ont un titre commun, dans cette situation, le taux de compétence et le taux de ressort sont déterminés pour l’ensemble des prétentions par la plus élevée d’entre elles. Si au contraire, les demandeurs n’ont pas de titres communs, les prétentions sont alors indépendantes les unes des autres et le taux de ressort et celui de compétence sont déterminés isolément pour chacune d’elles.

Quelle est l’incidence d’une demande incidente sur le taux de ressort et le taux de compétence ? En effet, on peut très bien imaginer que le défendeur fasse une demande reconventionnelle ou qu’un tiers soit à l’origine d’une demande incidente. On a alors quatre situations :

– Lorsque la demande ou les demandes incidentes ne dépassent pas le taux de compétence, l’article 37 pose une règle d’indépendance des demandes incidentes entre elles et par rapport à la demande principale.

– Si les demandes incidentes dépassent le taux de compétence, le juge peut ne statuer que sur la demande initiale et se déclarer incompétent pour la demande incidente.

– Si aucune des demandes incidentes n’est supérieure au taux du ressort, le jugement est rendu en premier et dernier ressort sauf exceptions prévues à l’article 35.

– Lorsque l’une des demandes incidentes est supérieure au taux du ressort, le juge statue sur toutes les demandes en premier ressort à charge d’appel.

On a bien des méthodes d’évaluation mais il arrive que dans certains cas, il soit impossible de déterminer le montant de la demande. Par exemple en matière de défense d’un droit extrapatrimonial. Dans ce cas, le jugement est toujours susceptible d’appel sauf dispositions contraires.

B) La compétence des juridictions en raison de la nature du litige :

Selon l’article 33 du nouveau code de procédure civile, la compétence des juridictions en raison de la matière est déterminée par les règles relatives à l’organisation judiciaire et par des dispositions particulières du nouveau code de procédure civile. Le principe est simple : la juridiction de droit commun est compétente sauf si une disposition particulière attribue spécialement compétence à une juridiction d’exception.

Bref tableau des juridictions d’exception et des juridictions de droit commun :

– les juridictions de droit commun sont les TGI au premier degré et la cour d’appel au second degré : le TGI a une plénitude de juridiction, c’est-à-dire qu’il a une vocation à connaître de tous les litiges tant qu’un texte particulier n’en confie pas la connaissance à une autre juridiction. Il a aussi été doté d’une compétence générale et de compétences exclusives ce qui implique dans ce dernier cas qu’aucune juridiction ne saurait en connaître. Par exemple, en matière d’état des personnes et de matière de famille. La cour d’appel a le monopole de l’appel mais il y a des exceptions ; les jugements des tribunaux de l’incapacité sont portés devant une cour nationale spécialiste du contentieux de l’incapacité. En principe aussi, la voie d’appel est ouverte en toute matière contre tous les jugements de première instance à moins qu’il en soit disposé autrement ; en principe, la cour d’appel a une compétence générale pour statuer sur les appels, néanmoins, certaines cours d’appel sont dotées de compétences spéciales. C’est le cas de la cour d’appel de Paris qui peut seule connaître des décisions du conseil de la concurrence.

– Les juridictions d’exception : le tribunal d’instance qui a une compétence générale pour les litiges en matière personnelle et mobilière et une compétence spéciale dans des matières énumérées à l’article R321-2 et suivants du code de l’organisation judicaire. Il faut ajouter la juridiction de proximité qui a une compétence générale pour les litiges en matière personnelle et mobilière pour les litiges inférieurs à 1500€ et qui s’est vu également attribué des compétences spéciales. Le tribunal de commerce a une compétence générale en matière de litiges commerciaux et une compétence exclusive pour les litiges relatifs aux actes de commerce par leur forme et en matière de procédure collective. Enfin, le conseil des prud’hommes qui connaît du contentieux relatif aux contrats de travail.

  • &2 La compétence territoriale :

Parmi les juridictions de même nature et de même degré, il va falloir choisir celle qui localement peut connaître du procès. Cette localisation ne concerne que les juridictions du premier degré puisqu’en appel, la cour d’appel compétente est tout simplement celle dans le ressort de laquelle se trouve le tribunal qui a rendu la décision attaquée. Ce n’est que par exception que certains recours sont portés par exemple devant la cour d’appel de Paris. Ces règles ont été aménagées dans un double souci, dans celui du plaideur et dans celui du défendeur que l’on veut préserver en lui épargnant un déplacement. Mais souci également d’ordre pratique.

A) Le principe de la compétence du tribunal du défendeur :

C’est une règle traditionnelle héritée du droit romain qui veut que le demandeur porte son action devant le tribunal du défendeur. C’est à celui qui prend l’initiative du procès d’en supporter la gêne éventuelle et jusqu’à ce que le demandeur ait été déclaré fondé dans son action, le défendeur n’est sensé ne rien lui devoir. Ce principe est repris dans l’article 42 du nouveau code de procédure civile. L’article 43 du nouveau code de procédure civile vient préciser les modalités de ce principe :

Pour la personne physique, le lieu où elle demeure est son domicile ou sa résidence en sachant que la résidence est un lieu plus précaire que le domicile. En l’absence de domicile connu, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure et s’il demeure à l’étranger, il choisira la juridiction qu’il veut. Pour les gens du voyage ou les forains, ils possèdent un carnet d’immatriculation qui nomme la commune à laquelle ils ont souhaité leur rattachement et qui vaut domicile. En cas de pluralité de défendeurs, le demandeur peut assigner devant le tribunal du domicile de n’importe lequel des défendeurs à sa discrétion. En ce qui concerne les personnes morales, on retient le critère du siège social, c’est en général celui inscrit dans les statuts de la société mais il arrive que le siège social réel comprenant les organes de direction diffère du siège social statutaire, dans ce cas là, le demandeur possède une option.

Les plus grandes sociétés avaient leur siège social à Paris pour des raisons de prestige mais leurs activités d’étendaient sur la totalité du territoire par l’intermédiaire de succursales et d’agence, or à chaque fois qu’un accident survenait, il y avait de fortes chances que les affaires remontent devant la juridiction parisienne. Pour contrer cela, la jurisprudence a pris un arrêt des gares principales, en cas d’accident de chemins de fer, le demandeur peut assigner la SNCF devant la gare principale la plus proche du lieu de l’accident. Cette jurisprudence a été étendue à toutes les sociétés ; on peut assigner une banque devant le tribunal d’une agence ou d’une succursale à la condition qu’il y ait dans cette succursale quelqu’un capable d’engager l’établissement et qu’il y ait un rapport entre la succursale et le litige.

B) Les exceptions :

1° Les exceptions absolues :

Ce sont les hypothèses dans laquelle la loi impose au demandeur de saisir un tribunal déterminé à l’exclusion de tout autre. Cette règle tient à la nature de l’affaire ou à des raisons pratiques. Par exemple, en matière réelle immobilière, l’article 44 déclare compétente la juridiction du lieu de situation de l’immeuble. Cette exception est fondée sur la nature des choses, on considère qu’il vaut mieux que ce juge soit compétent, ne serait-ce que pour lui permettre de se rendre sur les lieux ou tout simplement parce que la connaissance des pratiques locales est importante. L’article 45 prévoit que la juridiction compétente est celle du lieu d’ouverture de la succession, c’est-à-dire le tribunal du lieu de décès du défunt. On veut centraliser par là même les opérations de partages de la succession là où l’on va pouvoir trouver tous les titres et biens à partager.

En matière de contrat de travail, une distinction doit être faite selon que le travail a lieu dans un établissement, dans ce cas le conseil des prud’hommes compétent est celui du lieu de cet établissement, dans le cas contraire, il faudra saisir le tribunal du domicile du salarié.

2° Les exceptions relatives :

Ici, il s’agit juste d’une option de compétence ; les articles 49 et 47 demandent au demandeur de choisir au mieux de ses intérêts entre le tribunal du défendeur et une ou plusieurs autres juridictions ; une fois le choix effectué, il est irrévocable. Il en est ainsi en matière de responsabilité contractuelle. Le demandeur peut aussi porter le litige devant la juridiction du lieu de livraison effective de la chose ou devant la juridiction de l’exécution de la prestation de service. De même en matière de responsabilité délictuelle, l’article 46 offre au demandeur le choix entre saisir la juridiction où le fait dommageable s’est produit ou la juridiction où le fait dommageable a été subi. En effet, ces lieux ne coïncident pas toujours comme en cas de pollution d’un cours d’eau. De même en cas d’action contre des gens de justice, le demandeur a la possibilité de saisir la juridiction située dans un ressort limitrophe à celui ou l‘auxiliaire exerce ses fonctions.