Les voies de recours devant la juridiction européenne

Quelles sont les voies de recours devant les juridictions de l’Union Européenne ?

L’Union européenne s’est dotée de deux instances judiciaires : la Cour de justice, créée en 1952, et le Tribunal de première instance, créé en 1988, tous deux installés à Luxembourg.

La Cour de justice donne une interprétation cohérente et uniforme du droit communautaire (traités, directives, décisions de la Banque centrale européenne, etc.) et veille à son respect par l’ensemble des États de l’Union et de leurs citoyens.

Les recours de la Cour sont de 4 ordres :

1• Manquement : Sur recours de la Commission européenne ou d’un État membre, la Cour peut constater un manquement et peut demander à l’État incriminé d’y mettre fin sous peine d’amende.

2• Annulation : Sur recours du Conseil, de la Commission, du Parlement, d’un État membre ou de la Cour européenne des comptes, la Cour de justice peut annuler tout ou partie d’une disposition communautaire illégale par rapport aux traités.

3• Carence : Sur recours de la Commission ou du Parlement, la Cour de justice peut constater une carence dans le droit communautaire, et demander au Conseil et à la Commission de combler ce vide juridique.

4• Réparation : La Cour peut déterminer la responsabilité de la Commission pour des dommages causés par les institutions ou leurs agents, et déterminer les éventuelles réparations.

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1 – Le recours en constatation du manquement étatique

La Cour de justice contrôle les états par une procédure typique du contentieux communautaire qui est la procédure de constatation de manquement étatique (arts. 258 à 260 du traité sur le fonctionnement de l’UE). C’est une voie de droit originale parce qu’il n’existe pas d’équivalent sur la scène internationale. Il eut être exercé soit par le Commission européenne soit par un état membre. Cependant, il est rare que les états utilisent cette procédure car ils redoutent s les conséquences politiques de l’ouverture d’un contentieux devant la Cour de justice. (Exemple: Arrêt du 12 septembre 2006 Espagne vs Royaume-Uni qui concernait le droit de vote aux élections européennes des résidents au Gibraltar).

Les particuliers ne peuvent pas exercer ce recours mais ils peuvent informer la Cour des infractions commises par un état. En effet toute personne physique ou morale peut déposer une plainte à la Commission pour dénoncer la violation du droit de l’Union par un état membre. La Commission décidera de façon collégiale et discrétionnaire d’engager ou non une procédure de manquement.

Cette procédure est composée d’une phase précontentieuse et d’une phase contentieuse:

  • la phase précontentieuse: la Commission européenne adresse à l’état membre une mise en demeure d’agir dans un délai raisonnable (fixé par la Commission elle même). Si l’état ne fait rien, la Commission lui adresse un avis motivé, cet avis précise ce qui est reproché à l’état et les mesures que l’état doit prendre pour mettre fin au manquement. Cet avis est important car, par la suite, la Commission ne peut introduire dans sa requête que des moyens qui figuraient dans l’avis motivé. Tout au long de la procédure, la Commission conserve le pouvoir de mettre fin à l’action de manquement qu’elle a engagée. Si l’état ne s’est pas plié à ses obligations, la Commission peut saisir la Cour de justice.
  • la phase contentieuse: une procédure contradictoire se déroule devant la Cour. La charge de la preuve pèse sur la Commission. Le manquement peut constituer en une action positive ou en une omission de l’état, il peut résulter d’un acte juridique mais aussi d’une pratique administrative. Le manquement est imputé à l’état quelque soit l’organe étatique en cause. La constatation de manquement à un simple effet déclaratoire, il n’existe pas en droit de l’Union des mécanismes d’exécution forcée contre les états. Il appartient aux autorités nationales de tirer les conséquences et de prendre toutes mesures nécessaires pour mettre fin au manquement.

Il y a avait un problème d’exécution des arrêts constatant les manquements. Pour y remédier, le traité de Maastricht a introduit une nouvelle procédure (article 260 du traité sur le fonctionnement de l’Union). Si l’état ne respecte pas l’arrêt de constatation de manquement, ma Commission peut saisir la Cour une deuxième fois et lui demander de condamner l’état à payer le montant d’un paiement forfaitaire ou une astreinte. C’est la procédure dite de manquement sur manquement qui donne à la Cour de justice la possibilité de prononcer les deux types de sanctions financières. La première application de cette procédure a été faite contre la Grèce par un arrêt du 4 juillet 2000: non respect d’un règlement relatif à la protection de l’environnement. Puis Espagne qui ne respectait pas des normes européennes de qualité de l’eau dans des zones de baignade. La France en 2006, par un arrêt du 16 mars: non respect de la réglementation communautaire de la pêche de poissons sous une certaine taille (double sanction pécuniaire pour la première fois). Le traité de Lisbonne a introduit deux nouveaux aspects du mécanisme: d’une part, il accélère la procédure de saisine de la Cour puisqu’il supprime, pour la procédure de manquement sur manquement, la phase de l’avis motivé. D’autre part, si le manquement étatique est constitué par l’absence de transposition d’une directive, la Cour de justice peut prononcer des sanctions financières à l’encontre de l’état dès la première condamnation en manquement. Par le recours en constatation de manquement, la Cour de justice contrôle les états. Mais dans le système juridictionnel de l’UE, ce sont aussi les institutions de l’Union qui font l’objet d’un contrôle, notamment par le biais du recours en annulation.

2 – Le recours en annulation

Il est prévu par l’article 263 du traité sur le fonctionnement de l’UE, c’est un instrument de contrôle de la légalité des actes adoptés par les institutions de l’Union. Ce recours a été créé sur le modèle français du recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat. Selon la Cour, ce recours en annulation est ouvert à l’égard de tous les actes pris par les institutions qui visent à produire des effets de droit. La légalité de l’acte est examinée par rapport aux dispositions du droit primaire, dans un arrêt du 23 avril 1986, les Verts vs Parlement européen, la Cour a qualifié le traité de Charte constitutionnelle d’une communauté de droit. Ensuite, elle vérifie la légalité de l’acte par rapport aux dispositions des traités conclus par l’Union et enfin, par rapport aux PGD du droit communautaire.

Il existe d’une part les requérants dits privilégiés, ce sont les requérants qui n’ont pas à justifier de leur intérêt pour agir. A l’origine le requérant privilégié était le Conseil de l’Union, la Commission européenne et les états membres. Le Parlement européen n’était pas mentionné par le traité de Rome dans les institutions susceptibles de formuler un recours en annulation. C’est la Cour de justice qui a reconnu ce pouvoir au Parlement européen dans un arrêt du 22 mai 1990, Parlement vs Conseil. Dans cet arrêt, la Cour de justice a admis pour la première fois la recevabilité d’un recours en annulation introduit par le Parlement européen dans le cas où ce recours vise à sauvegarder les prérogatives du Parlement européen. Cette Jurisprudence a été consacrée par le traité de Maastricht et par le traité de Nice qui a placé le Parlement européen au range de requérant privilégié au même titre que les autres. On trouve ensuite les requérants semi-privilégiés: la Cour des comptes et la BCE, qui peuvent exercer un recours en annulation uniquement pour sauvegarder leurs prérogatives institutionnelles. Enfin, on trouve la catégorie des requérants dits ordinaires, il s’agit des particuliers, c’est à dire des personne physiques ou morales. La recevabilité de leur recours est soumise à des conditions assez strictes, ils sont jugés par le tribunal de l’Union mais la possibilité d’un pourvoi est envisageable devant la Cour de justice. Selon la lettre du traité, toute personne physique ou morale peut formuler un recours contre les décisions dont elle est le destinataire ou contre les décisions qui « bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressé à une autre personne, la concerne directement et individuellement ». C’est l’intérêt individuel tel que défini par la Jurisprudence qui est difficile à démontrer. L’arrêt fondateur en la matière est « l’arrêt Plaumann de la Cour de justice du 15 juillet 1963 ». Selon cet arrêt, les particuliers sont individuellement concernés par un acte s’ils sont affectés en raison de certaines qualités qui leurs sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d’une manière analogue à celle du destinataire d’une décision. Cette interprétation est très restrictive, c’est pour cette raison que le tribunal de l’Union a prôné une interprétation plus souple, plus favorable aux particuliers dans sa « décision du 3 mai 2002, Jégo-Quéré ». De son côté, la Cour de justice a rejeté tout assouplissement en la matière, estimant qu’une telle démarche incomberait aux auteurs du traités: arrêt UPA du 25 juillet 2002. Le traité de Lisbonne répond en partie à l’appel de la Cour de justice, il étend la possibilité pour les particuliers d’exercer un recours en annulation aux actes règlementaires qui concerne les particuliers directement et qui ne comporte pas de mesures d’exécution.

Les moyens d’annulation sont aussi énoncés par le traité: l’incompétence de l’auteur de l’acte, la violation de forme substantielle, le détournement de pouvoir, la violation du traité ou de toute autres règles de droit relatives à son application. Si la Cour de justice retient un de ces moyens, elle annule rétroactivement, cependant, elle a la possibilité de moduler dans le temps les effets de l’annulation.

3 – le recours en carence

Article 265 du traité sur le fonctionnement de l’Union. Il a pour finalité de faire constater les abstentions illégales des institutions de l’Union, c’est un moyen de contrôler l’inaction des institutions européennes. Il est peu utilisé dans la pratique.

Les requérants sont les états membres, les institutions de l’Union mais aussi les personnes physiques et morales mais uniquement si une institution européenne a manqué d’adresser aux particuliers un acte susceptible de créer des effets de droit qui concernent les particuliers directement et individuellement.

4 – le recours en réparation

Article 268 du traité sur le fonctionnement de l’Union. En vertu de cet art., l’UE doit réparer les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions. Conditions d’engagement: les mêmes que celles définies par la Cours pour la responsabilité extra contractuelle des états pour violation du droit de l’Union (violation par une institution de l’Union ou par un de ses agents d’un règle de droit qui confère des droits aux particuliers, cette violation doit être suffisamment caractérisée, il faut un lien de causalité entre la violation et le dommage subit par le particulier). L’alignement du régime de responsabilité de la Communauté sur celui des états membres pour la violation du droit de l’Union a été réalisé par « l’arrêt Bergaderm du 4 juillet 2000 » de la Cour de justice. A la différence du droit français et espagnol, le droit de l’UE ne connait pas la responsabilité sans faute.