L’employeur peut-il modifier le contrat sans accord du salarié?

L’EMPLOYEUR PEUT IL MODIFIER LE CONTRAT DE TRAVAIL SANS L’ACCORD DU SALARIE

Évolution d’un élément de la relation de travail. L’employeur peut-il changer cet élément sans l’accord du salarié ? Il faut déterminer si ce changement est constitutif :

– d’une modification du contrat de travail (=> 1134 cciv : accord préalable du salarié)

– ou d’un changement des conditions de travail (=> relève du pouvoir de direction de l’employeur et peut être mis en Âœuvre unilatéralement par l’employeur).

Il convient donc de faire la distinction entre modification du contrat de travail et changement des conditions de travail

On se réfère très rarement à la volonté des parties. La Jurisprudence a dit, par arrêt successifs, ce qui relève du contrat de travail et ce qui relève du pouvoir de direction de l’employeur :

  • 1 – La rémunération

Arrêt de principe : soc 19 mai 1998: la rémunération contractuelle constitue un élément du contrat de travail de même que le mode de rémunération prévu au contrat. Ne peuvent être modifiés sans l’accord du salarié.

== Comment savoir si la rémunération est prévue au contrat ou non ? Cass dit qu’en principe, la rémunération contrepartie du travail résulte du contrat sous réserve du SMIC et des avantages résultant du statut collectif (soc 20 oct. 1998). Donc elle ne peut donner lieu à modification sans l’accord du salarié.

== Il en va autrement si la rémunération est prévue par le statut collectif. Eléments de la rémunération ou rémunération elle-même est déterminée par référence à la CC => cass considère que l’évolution s’impose aux salariés sans qu’ils puissent se prévaloir d’une modification de leur contrat de travail (soc 27 juin 2000)

== Si la rémunération est prévue par un usage ou un engagement unilatéral de l’employeur :

– Si c’est un accessoire de rémunération, l’usage peut être dénoncé donc les salariés ne pourront pas se prévaloir d’une modification du contrat de travail.

– Hypothèse où la rémunération est entièrement déterminée par usage : cass : la dénonciation de l’usage ne constitue pas une modification du contrat de travail. Mais alors, l’employeur ne peut pas fixer unilatéralement la rémunération : elle doit résulter d’un accord avec le salarié ou, à défaut, il incombera au juge de fixer la rémunération (soc 20 oct. 1998).

== Les clauses de variabilité :

Permettent de faire varier la rémunération du salarié : cass : la clause qui permet à l’employeur de modifier unilatéralement la rémunération est nulle (soc 30 juin 2000). Les clauses qui prévoient des variations de rémunération ne sont valables qu’à trois conditions :

– elle doit être fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur (ex : ventes du salarié, chiffre d’affaire de l’entrepriseÂ…)

– elle ne doit pas faire supporter au salarié le risque de l’entreprise : pas de clause prévoyant une diminution automatique en cas de difficultés éco ou de déficit (≠ chiffre d’affaire car chiffre global d’activité)

– il ne faut pas que la clause réduise la rémunération en dessous du SMIC ou des minima conventionnels => le salarié aura forcément droit au SMIC.

  • 2 – La qualification professionnelle du salarié

Dans quelle mesure l’employeur peut-il faire évoluer es fonctions exercées par le salarié sans avoir à lui demander son accord ? Soc : l’employeur peut modifier les fonctions du salarié tant qu’il reste dans le cadre de sa qualification professionnelle.

Qu’est-ce que la qualification professionnelle ? 2 éléments :

– activité, domaine de compétence pour lequel le salarié a été engagé. Ex : cuisinier ne peut pas exercer les fonctions de magasinier

– niveau de responsabilité du salarié : ni augmenter ou baisser les responsabilités du salarié sans son accord.

Mais dans le cadre de la qualification professionnelle, l’employeur peut changer ses tâches (soc 10 mai 1999: ouvrière agricole affectée à al collecte des citrons. L’employeur lui demande d’égrainer les bananes. Cass : changement des conditions de travail. Donc refus = faute justifiant le licenciement.

  • 3 – La durée du travail

Volume de la prestation de travail. Principe : soc 20 oct. 1998: la durée du travail prévue au contrat est un élément du contrat de travail donc ne pouvant être modifié sans l’accord du salarié.

Cass : demander à un salarié de passer d’un temps plein à un temps partiel est une modification du contrat de travail, même si une clause du contrat prévoit cette possibilité soc 29 juin 1999.

Problème au moment du passage de 39 à 35 heures (lois 1998 et 2000). Intervention du législateur : L212-3: la seule diminution du nombre d’heures stipulées au contrat de travail en application d’un accord de réduction de la durée du travail ne constitue pas une modification du contrat de travail. « Seule » donc seulement baisse du volume horaire et pas baisse corrélative de la rémunération. Pour que ce texte s’applique, il faut un AC (=> RTT par acte unilatéral nécessite l’accord du salarié).

  • 4 – Les horaires de travail

Répartition de la durée du travail. Pour un salarié à temps partiel, la répartition est un élément du contrat de travail.

S’agissant d’un contrat à temps plein, la Jurisprudence est plus souple. Arrêt de principe : soc 22 fév. 2000: le changement d’horaire consistant en une nouvelle répartition au sein de la journée constitue un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l’employeur. Il va falloir regarder l’ampleur du changement.

Journée de travail : 6h-21h : on peut changer les horaires au sein de cette tranche. Sauf si le salarié a réussi à contractualiser ses horaires de travail (rare).

L’employeur peut-il changer les jours de travail, notamment pour faire travailler le salarié le samedi ? Cass : le travail le samedi, qui est un jour ouvrable, est un changement des conditions de travail qui peut être imposé unilatéralement (soc 17 oct. 2000).

En cas de changement plus important, c’est une modification du contrat de travail. Cass : le passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit est une modification du contrat de travail, qui ne peut être mise en Âœuvre sans l’accord du salarié (soc 22 mai 2001).

  • 5 – Le lieu de travail

Soc 4 mai 1999: pour apprécier la nature du changement du lieu de travail, on doit se baser sur des éléments objectifs. Le changement s’apprécie simplement selon les lieux de travail respectifs du salarié.

Ex : un salarié travaille à Paris et on lui demande d’aller travailler à Chartres, on appréciera seulement la distance entre ces deux villes. Pas de prise en compte de la situation personnelle du salarié.

A – Notion de secteur géographique

Cass : le changement de lieu de travail est constitutif d’une modification du contrat de travail quand le nouveau lieu se situe dans un secteur géographique différent du premier.

A contrario, l’employeur peut changer unilatéralement le lieu de travail du salarié à condition de rester dans le même secteur géographique (même arrêt).

Secteur géographique : s’apprécie au cas par cas par les juges du fond mais doit être apprécié de manière objective. Comment apprécier ? Bassin d’emploi, réseau de transportÂ… Ex : dans une zone urbaine, déplacement d’une commune à une autre : même secteur géographique (soc 3 mai 2006).

B – Clause du contrat de travail mentionnant un lieu précis

Quelle est la valeur de la clause mentionnant dans le contrat de travail un lieu de travail précis ? Soc 3 juin 2003: la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d’information : pas de valeur contractuelle, ce n’est pas un élément du contrat de travail. Cass précise qu’il n’en est autrement que s’il est stipulé par une clause claire et précise, que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu. Volonté claire de contractualiser le lieu de travail.

C – Clause de mobilité géographique

Cette clause permet à l’employeur de modifier le lieu de travail de manière unilatérale de façon plus large. Le changement est alors un simple changement des conditions de travail, qui s’impose au salarié. Validité des clauses de mobilités : Jurisprudence a posé récemment des exigences de prévision : soc 7 juin 2006: cette clause doit définir précisément sa zone géographique d’application. On ne peut pas prévoir que l’employeur pourra modifier cette zone unilatéralement. La clause doit être déterminée, limitée. (Ex de zone géographique déterminée : l’ensemble de la France métropolitaine).

D – Déplacements temporaires

On demande au salarié pour quelques jours ou mois d’aller travailler en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement. Le fait que ce soit temporaire permet-il à l’employeur de l’imposer unilatéralement ? Soc 22 janv. 2003: l’employeur peut imposer au salarié un déplacement occasionnel en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement dès lors que la mission est justifiée par l’intérêt de l’entreprise et que la spécificité des fonctions implique de sa part une certaine mobilité géographique (appréciation au cas par cas). En l’espèce : chef de chantier envoyé 3 mois.

E – Le domicile

Question du domicile : est-ce un lieu de travail comme les autres ? Demander au salarié de travailler à domicile en prétextant que son domicile est dans le même secteur géographique ? Ou inversement ? Non, le domicile est le siège de la vie privée du salarié. C’est donc une modification du contrat de travail (soc 2 oct. 2001).

Soc 31 mai 2006: parties avaient convenu que la salarié effectuerait une partie de son travail chez elle. L’employeur lui dit de venir travailler définitivement dans les locaux de l’entreprise : cass : lorsque les parties ont convenus d’une exécution de tout ou partie du travail par le salarié à son domicile, l’employeur ne peut modifier cette organisation contractuelle du travail sans l’accord du salarié.

  • 6 – La mise à disposition

Le salarié va, de manière temporaire, travailler avec un autre employeur, au sein d’une autre entreprise. En réalité, elle ne fait pas changer d’employeur. Le salarié reste subordonné à son employeur, qui le payeÂ…

La mise à disposition ne constitue pas en soi une modification du contrat de travail (soc 1er avril 2003, 15 mars 2005).

A l’inverse, si l’employeur demande au salarié d’aller travailler définitivement ailleurs (autre société du groupe par ex) : cass : le transfert du salarié d’une société à une autre est une modification du contrat de travail, peu important que les sociétés aient à leur tête e même dirigeant : soc 5 mai 2004.