La Convention Européenne des Droits de l’Homme

Les objectifs et les caractères essentiels de la Convention Européenne des Droits de l’Homme?

La Convention européenne des droits de l’homme appelée aussi «Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales« , signée à Rome le 4 novembre 1950 et entrée en vigueur le 3 septembre 1953, s’est inspirée de la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 10 décembre 1948. Sa genèse répond au souci d’asseoir définitivement les valeurs démocratiques dans un continent durement éprouvé par le totalitarisme Nazi. Elle garantit les droits civils et politiques les plus fondamentaux. La Convention a pour objectif premier de permettre l’application concrète de la Déclaration universelle des droits de l’homme, proclamée par l’assemblée des Nations unies le 10 décembre 1948. Elle institue une procédure juridique qui permet aujourd’hui à tout citoyen d’un État membre du Conseil de l’Europe de déposer une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme contre l’État dont il estime qu’il viole les droits qui lui sont garantis par la Convention. Un État peut également déposer lui-même une requête.

La convention européenne est l’instrument constitutionnel de l’ordre public européen. Ce caractère énoncé par la cour EDH dans l’arrêt du 23 mars 1995 « Loïzidou contre Turquie » souligne l’autorité de la convention européenne. Elle incorpore l’ensemble des règles perçues comme fondamentales pour la société européenne et qui s’impose aux états. Le préambule de la convention marque formellement que les droits de l’homme touchent aux intérêts essentiels de la collectivité humaine.

La convention instaure un système de protection objectif, cela signifie que chaque état s’engage pour lui même à l’égard des individus. Elle est différente des traités multilatéraux classiques car ces derniers imposent des obligations aux états dans leurs relations mutuelles. La convention européenne, elle, impose aux états des obligations à l’égard des particuliers. Ainsi, la règle classique de réciprocité internationale est écartée dans le cadre de l’application de la convention européenne. Plus généralement la non réciprocité est la caractéristique de textes internationaux qui protègent les droits de l’homme. Ceci est rappelé par la convention de Vienne qui codifie les droits des traités internationaux. La mise à l’écart de la règle de réciprocité a été rappelée avec force par la cour EDH dans un arrêt du 18 janvier 1978 « Irlande vs RU ». Selon la cour, la CEDH déborde du cadre de simple réciprocité entre états contractants. Elle créée des obligations objectives qui bénéficient d’une garantie collective.

La convention bénéficie de l’applicabilité directe, c’est à dire que les individus peuvent invoqués les dispositions de la convention directement devant les autorités nationales et notamment devant les juridictions nationales. La convention européenne se distingue donc encore une fois des traités internationaux classiques qui, en principe, créent des droits et des obligations uniquement pour les états contractants et non pas pour les particuliers.

La convention européenne instaure un mécanisme de garantie collective de droits, selon le préambule du statut du Conseil de l’Europe et selon le préambule de la CEDH, le respect des droits de l’homme fait parti du patrimoine commun des états européens et parce qu’il s’agit d’un patrimoine commun, la CEDH charge les états parties de défendre collectivement et solidairement les droits énoncés. L’essence même de la garantie collective est le droit d’action étatique. C’est à dire que tout état contractant peut attaquer un autre état devant la cour EDH pour violation des droits fondamentaux énoncés dans la convention. La convention consacre une forme d’ingérence dans les affaires des états parties mais dans les faits, l’exercice du droit d’action étatique est rare car les états craignent un éventuel effet retour. Il y a cependant quelques exemples de recours étatiques qui s’inscrivent dans le contexte d’un important différend politique qui déborde la seule question des droits de l’homme. Dans les 60’s la tension concernant l’Irlande du nord et le RU a donné lieu à certains recours exercés par l’Irlande contre le RU, arrêt 18 janvier 1978. L’intervention militaire turque dans la partie nord de Chypre en 1974 a donné lieu à plusieurs requêtes déposées par Chypre contre la Turquie, arrêt du 10 mai 2001. Le harcèlement de la population géorgienne immigrée en Russie a conduit la Géorgie à exercer un recours contre la Russie en 2007. Le règlement de ces affaires étatiques s’est généralement opéré dans un cadre diplomatique.

La convention instaure un mécanisme de protection des droits subsidiaire, il est énoncé par l’arrêt de la cour EDH du 7 décembre 1976 « Handyside c/ Royaume-Uni » « le mécanisme de sauvegarde instauré par la convention revêt un caractère subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de garantie des droits de l’homme ». Cela signifie que l’état dispose toujours d’une certaine autonomie pour assurer le respect des droits établis par la convention, les autorités nationales restent libres de choisir les mesures nécessaires pour la mise en œuvre des droits énoncés par la convention. Aucune uniformité n’est imposée par la convention, elle respecte la diversité de la société européenne. La convention européenne ne vise pas à supplanter le droit interne, elle vise à le compléter où à en palier les défaillances. Dans ce cadre, la cour EDH parle de la marge d’appréciation reconnue aux états dans l’application de la convention. C’est à dire que les états disposent d’un pouvoir discrétionnaire, d’un certain espace de liberté dans la mise en œuvre des droits et des limites aux droits. La marge d’appréciation des états reste sous contrôle de la cour EDH. Elle va examiner, à cet égard, s’il existe ou non un dénominateur commun aux systèmes juridiques des états. S’il y a convergence des droits nationaux, la marge d’appréciation de l’état est réduite, le contrôle exercé par la cour EDH est plus poussé. En revanche, l’absence de dénominateur commun, la divergence entre les droits nationaux accroit la marge d’appréciation de l’état, le contrôle de la Cour EDH est plus limité. On a, ici, une auto limitation de la cour européenne.

Exemples: Certains droits nationaux, notamment les droits belges et français, établissaient des discriminations fondées sur la naissance hors mariage. La Cour va condamner ce type de discrimination en se fondant sur l’argument que la plupart des pays membres instaurent une égalité entre les enfants naturels et les enfants légitimes (arrêt « Marckx VS Belgique » de 1979 et l’arrêt « Mazurek contre France » de 2000). L’arrêt « Odièvre VS France » de 2003 : la législation française qui autorise l’accouchement sous X n’est pas contraire à l’article 8 de la Convention qui énonce le droit au respect de la vie privée et familiale. La jurisprudence de la Cour traduit la recherche constante d’un équilibre délicat entre la définition des standards européens et la préservation des particularités étatiques.

La Convention a pour but de protéger des droits concrets et effectifs. C’est le résultat de l’arrêt « Airey vc Irlande ». Mme Airey n’avait pas les moyens financiers pour s’adresser à un avocat, la Cour Européenne a donc dit que le droit d’accéder au juge et le droit à un procès équitable ne doivent pas être théorique et illusoire mais concrets et effectifs. C’est pour cette raison qu’une obligation pèse sur les états signataires de la convention qui est d’instaurer un système d’aide juridictionnelle. Tout au long de la Jurisprudence de la Cour Européenne on voit sa préoccupation dominante qui est d’assurer l’effectivité des droits. La recherche d’une effectivité maximale se traduit de 2 façon différentes: d’une part la CEDH a très souvent recours aux notions autonomes c’est à dire que les notions utilisées par la CEDH sont interprétés de façon autonome, indépendamment des qualifications données en droit interne. Exemple: l’article 6 de la convention européenne qui l’un des articles le plus invoqué, consacre le droit à un procès équitable, possède un champ d’application limité à 2 types de litiges, d’une part celui de contestation sur des droits et des obligations de caractère civil et d’autre part celui des accusations en matière pénale. La CE a retenu une interprétation très large de ces deux interprétations, elle a estimé que les accusations en matière pénale couvrent non seulement les sanctions pénales mais aussi les sanctions disciplinaires ou encore les sanctions prononcées par des autorités administratives ou encore des sanctions prononcées dans le domaine de la circulation routière. La cour a également interprété de façon large ces interprétations pour couvrir toute contestation faisant l’objet d’une procédure susceptible d’avoir des répercussions sur l’activité économique.

Le développement de la théorie des obligations positives qui peuvent être substantielles ou procédurale, qui pèsent sur les états qui ont ratifiés la convention. Les états n’ont donc pas seulement pour devoir de s’abstenir de porter atteinte aux Droits de l’Homme, ils ont en plus l’obligation positive d’adopter des mesures raisonnables et adéquates d’ordre économique ou social pour protéger les droits énoncés par la convention. Le développement de la théorie des obligations positives constitue un apport majeur de la Cour.

La convention doit faire l’objet d’une interprétation dynamique, téléologique et évolutive: arrêt du 13 juin 1979 « Marckx contre Belgique ». Dans cet arrêt la Cour a montré qu’elle ne se limite pas à une lecture littérale de la convention mais qu’elle applique des méthodes d’interprétation très proches des méthodes utilisées par les Cours suprêmes nationales. Dans cet arrêt la Cour nous dit qu’il y a lieu de rechercher qu’elle est l’interprétation la plus propre à réaliser l’objectif de la Convention. Quant à l’interprétation évolutive, dans le même arrêt, la CE déclare que la convention européenne est un instrument vivant qui doit s’interpréter à la lumière des conditions d’aujourd’hui. C’est pourquoi la Cour adapte constamment l’interprétation de la convention à l’évolution des mentalités et des mœurs.