Le pouvoir judiciaire, législatif, et exécutif des juridictions administratives

Le pouvoir judiciaire, législatif et exécutif des juridictions

Le lien qui doit se manifester entre les trois pouvoirs s’opère par des organes dépendants du pouvoir exécutif qui est au cœur de l’organisation constitutionnelle. De ce simple fait, il est possible qu’on trouve du droit administratif dans le fonctionnement des autres pouvoirs.

Sous-section 1 : Le pouvoir judiciaire

— Le pouvoir qui est reconnu à l’ordre de juridictions judiciaires. On va donc s’intéresser à la présence du droit administratif dans le fonctionnement des juridictions judiciaires.

§1 : La participation du pouvoir exécutif au pouvoir judiciaire

— Dans toutes les grandes théories de la séparation des pouvoirs il n’y a pas forcément eu mention du pouvoir judiciaire. En France on considère qu’il y a trois pouvoirs pour une raison simple : Montesquieu était magistrat.

— Le pouvoir judiciaire n’est qu’une « autorité » selon le texte de la Constitution de 1958. Les juges judicaires sont tenus de faire respecter les règles de droit en vigueur (Lois et règlements) et de trancher les litiges au regard de ces règles. Ils leur sont soumis, donc on voit poindre une certaine subordination. Dans la Constitution il y a un élément immédiat du rattachement au pouvoir exécutif (ARTICLE 64 de la Constitution : Le Président de la République est le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Il existe un ministère de la justice et il arrive que les magistrats judiciaires aient des fonctions administratives dans des AAI, autorités consultatives etc.).

  • 2 : La répartition des compétences à l’égard du pouvoir judiciaire

A)L’organisation de la justice judiciaire

— Tribunal des conflits PREFET DE LA GUYANE 27 novembre 1952 : L’organisation du service public confiée aux juridictions judiciaires est une activité matériellement administrative dont le pouvoir exécutif a la charge. Dès lors, tout ce qui attrait à ces questions d’organisation de la juridiction judiciaire relèvent du droit administratif et donc du juge administratif en cas de litige.

Activités d’organisation de la justice judicaire : Prévoir la localisation des Tribunaux judiciaires (Les modifications de la carte judiciaire sont faites par décret qui peuvent faire l’objet de recours devant le juge administratif : CE MOLLINE 19 février 2010), la désignation des membres du Conseil Supérieur de la Magistrature (Les recours contre ces actes de désignation sont portés devant le Conseil d’Etat CE FALCO VIDAILLAC 17 avril 1953. Cela peut posé problème car le CSM est un organe disciplinaire pour les juges judiciaires), décisions de nomination ou de promotion des magistrats judiciaires, donc tout ce qui touche à leur carrière, ainsi que le contentieux des sanctions prononcées contre les magistrats judiciaires (CE STILINOVIC 20 juin 2003 : Un juge d’instruction avait été négligent dans l’affaire des disparus de L’Yonne. Il a contesté sa sanction devant le CE).

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B)Le fonctionnement de la justice judiciaire

1-Le principe de la compétence judiciaire

— Ces juridictions judiciaires sont compétentes pour les contestations qui concernent les domaines relevant du fonctionnement judiciaire, mais il y a d’autres choses : Opérations de police judiciaire (Qui est un des éléments de la procédure judiciaire : CE CONSORT BAUD 11 mai 1951), les décisions du ministère public qui décide de déclencher une procédure pénale contre quelqu’un ; idem lorsqu’on conteste le jugement rendu.

— Questions qui touchent à l’organisation judiciaire mais qui sont considérées comme le fonctionnement : Répartition des affaires par le Président d’une juridiction, la formation de jugement. Les juges administratifs seront donc incompétents dans ces cas là.

2-La compétence d’exception des juridictions administratives

— Lorsque sont contestées des mesures prises en marge du fonctionnement judiciaire. Sont en cause les mesures prises pour l’exécution des décisions des juridictions judiciaires. Il s’agit de décisions prises après la décision du juge judiciaire.

Ex : On obtient une décision du juge judiciaire, tendant à l’expulsion d’un locataire ne voulant pas quitter les lieux. On signifie la décision au locataire qui refuse de s’en aller. On s’adresse au préfet pour lui demander le concours de la force publique. Le contentieux de cet octroi du concours de la force publique est un contentieux administratif (CE COUITEAS 30 novembre 1923)

— Le juge administratif est également compétent à l’égard du contentieux des mesures d’amnistie (Décision du législateur qui efface la condamnation pénale). En revanche, la grâce relève du seul pouvoir du Chef de l’Etat, relève du juge judiciaire car il s’agit juste de dispenser de l’exécution de la peine, sans remettre en cause la sanction.

— Au sujet du contentieux de l’application des peines, c’est plus difficile. La jurisprudence est nuancée dans la répartition des compétences entre les deux juridictions. L’application des peines c’est quelque chose qui relève à la fois de la peine elle-même et de l’administration pénitentiaire. Pour déterminer si une mesure relève de la compétence du juge judiciaire ou du juge administratif, un critère est posé par Tribunal des conflits Dame FARGEAUD D’EPIED 22 février 1960 : Si la mesure en cause affecte la nature et les limites de la peine prononcée par le juge judiciaire (Réduction de peine, libération conditionnelle, permissions de sortie etc.), il y a une compétence du juge judiciaire ; en revanche les mesures qui n’affectent pas la nature et les limites de la peine (Cellule de punition, fouilles au corps etc.), c’est la compétence du juge administratif (CE MARIE 17 février 1995)

Sous-section 2 : Les pouvoirs législatif et exécutif

— Etonnement car les juges administratifs sont séparés du pouvoir législatif, ils sont gardiens de la loi et n’ont pas de raison de contrôler le législateur. Mais dans le cadre du fonctionnement du pouvoir législatif il y a des chefs de compétence du juge administratif.

— A l’égard des activités du pouvoir exécutif, on va voir que dans certaines de ses activités, le pouvoir exécutif fait autre chose que de l’administration, et dès lors il n’est pas évident que le contentieux de ces mesures relève de la compétence du juge administratif.

§1 : La compétence à l’égard du pouvoir législatif

— Les juges, qu’il s’agisse du juge administratif ou judiciaire, sont les serviteurs de la loi et ne sont pas sensés contrôler l’activité du pouvoir législatif. Pourtant le juge administratif dispose d’une compétence

A) Les actes législatifs

— La loi est aujourd’hui très contrôlée par les juges ordinaires :

  • Contrôle de conventionalité (CE NICOLO 1898) : Le CE opère un contrôle qui est assez proche du contrôle de constitutionnalité car les principes sont proches (CC° IVG 1975 : Conformité de la loi interdisant l’IVG à la Constitution et à une convention internationale. Le CE a statué sur la conformité à la Constitution. En 1990, le CE a examiné la compatibilité d’une autre loi proche au regard de la CEDH. Les deux solutions ont été similaires).
  • Question prioritaire de constitutionnalité : Le juge administratif peut renvoyer au Conseil Constitutionnel des questions mettant en cause la constitutionnalité de lois promulguées. Le juge administratif doit examiner si la question est sérieuse, c’est une sorte de pré-contrôle

de la loi.

  • Pouvoirs sur la matérialité de la loi :

o Vérifier qu’elle existe (Promulgation etc.)

o Interprétation de la loi

o Vérification de la publication

Il s’agit ici d’aider la loi à déployer tous ses effets donc ça ne surprend pas.

— Le pouvoir législatif a des pouvoirs à l’égard du Gouvernement (Pouvoir politique) ; en créant des commissions d’enquête, en rédigeant des rapports etc. Sur tous ces points, il n’y a aucun contrôle. L’activité politique du Parlement est en cause donc il n’y a aucune raison pour que le juge administratif soit compétent.

B) Les actes des services parlementaires

— Les Assemblées ont des services qui ont une activité matériellement administratives

(Personnel, bâtiments etc.).

Ordonnance du 17 novembre 1958 : Relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, elle a prévu la compétence du juge administratif pour ce type de questions.

⁃ Contentieux de la responsabilité : Il est possible d’attaquer l’Etat devant les juridictions administratives (Ou parfois judiciaires) pour les dommages causés par les assemblées.

⁃Litiges individuels des agents des assemblées : Compétence du juge administratif (On ne parler pas ici des députés ou sénateurs).

CE Président de l’ASSEMBLEE NATIONALE 5 mars 1999 : Attribution d’une compétence au juge administratif pour les litiges relatifs aux contrats administratifs passés par les assemblées. La formulation de l’arrêt ressemble à l’arrêt Préfet de la Guyane et on peut se demander si tout ce qui attrait au fonctionnement des assemblées ne relèverait pas de la compétence du juge administratif, qui serait considérablement élargie.

§2 : La compétence du juge administratif à l’égard du pouvoir exécutif

— Le pouvoir exécutif n’a pas que des activités matériellement administratives et n’est donc pas toujours justiciable du juge administratif. Le pouvoir exécutif intervient dans le fonctionnement des autres pouvoirs, dans des conditions parfois plus proches d’un ordre politique qu’administratif (Ex : Compétence pour assurer la collaboration des pouvoirs. Les actes qui sont pris dans ce cadre des rapports entre les pouvoirs publics ne peuvent pas être appréciés par les juridictions administratives, mais ça n’est pas non plus de la compétence du juge judiciaire. En réalité, aucun juge n’est compétent). Ces actes bénéficient d’une immunité juridictionnelle. Ces sont les actes de Gouvernement. Initialement, on mettait en avant le fait que l’incompétence des juges était justifiée par un mobile politique situé dans ces actes. Mais l’arrêt CE PRINCE NAPOLEON 19 février 1875 est venu abandonner la justification par le mobile politique. Aujourd’hui on parle de la fonction gouvernementale, ça n’est pas très convaincant selon M. Seiller.

— Quels sont ces actes de Gouvernement ?

  • Actes que le Gouvernement va prendre dans ses relations avec le pouvoir législatif : Décret du Chef de l’Etat de dissolution l’Assemblée nationale (CE ALLAIN 20 février 1989), décret de promulgation d’une loi, décision de mise en œuvre des pleins pouvoirs de l’ARTICLE 16 (CE RUBIN DE SERVENS 1962) etc.
  • Relations du pouvoir exécutif avec le Conseil constitutionnel: Décret de nomination des membres du Conseil Constitutionnel, saisine du Conseil Constitutionnel par l’ARTICLE 61 al.2 d’une loi ou refus de le faire etc.
  • Décisions qui concernent les relations internes entre les deux responsables du pouvoir exécutif : Refus du 1er Ministre de demander au Président de la République d’enclencher la procédure de révision de la Constitution.

— Néanmoins, le CE dans sa tradition d’extension de son contrôle, réduit cette catégorie, notamment dans la sphère du droit international. Il est aussi présent dans ce qui touche les rapports entre les pouvoirs publics internes (Le 1er Ministre peut charger un parlementaire d’une mission auprès d’une administration. CE 25 MEGRET septembre 1998, le CE a décidé que cette décision était détachable des rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. En conséquence, elle n’était pas un acte de Gouvernement et relevait d’une décision administrative classique. Le juge administratif pouvait donc être saisi d’un recours pour excès de pouvoir à son encontre).

Section 2 : Les pouvoirs méconnus du juge administratif

Sous-section 1 : Le pouvoir fédératif

— John Locke a théorisé la séparation des pouvoirs, mais il remplace le pouvoir juridictionnel par le pouvoir fédératif. C’est un pouvoir qui est tourné vers l’extérieur de l’Etat. Il est chargé d’établir les alliances entre les Etats, de négocier les traités, déclare la guerre ou la paix.

— Du fait de la présence du pouvoir exécutif apparait la soumission partielle du pouvoir fédératif au droit administratif et à la compétence des juridictions administratives.

§1 : La compétence à l’égard des normes internationales

— La compétence pour vérifier l’existence de la norme internationale : Vérifier qu’elle a bien été ratifiée ou approuvée. Le juge administratif a refusé la valeur de la DUDH car elle n’avait pas été ratifiée. Vérification aussi de la régularité de ces actes (CE BLOTZHEIM 1998) ainsi que de la publication de ses actes.

— Le juge administratif ne se prononce pas sur le contenu de la norme, mais vérifie juste qu’elle est bien applicable en droit interne.

— Le juge administratif a la possibilité d’interpréter la norme internationale. Il prend ce pouvoir depuis CE GISTI 1990 (La question préjudicielle au ministre des affaires étrangères perd son caractère obligatoire et conforme). Le juge français est compétent pour interpréter les traités européens mais il y a désormais la possibilité et le devoir d’adresser une question préjudicielle à la CJCE.

— Le CE a reconnu la suprématie de la Constitution dans l’ordre interne (CE 1998 SARRAN), mais en faisant cela, le CE ne se reconnait pas compétent pour s’assurer de la conformité d’un traité avec la Constitution. Il effectue néanmoins la double-translation qui vérifie la suprématie de la Constitution (CE ARCELOR 2007) bien que ça ne soit que théorique.

§2 : La compétence à l’égard des activités du pouvoir fédératif

— Lorsque le juge administratif est confronté à un acte pris dans le fonctionnement de ce pouvoir fédératif, est-il compétent ?

— Le contentieux du pouvoir fédératif ne s’épuise pas dans le contentieux des normes internationales. Il est également compétent à l’égard des organes qui exercent le pouvoir fédératif et de leurs décisions. Difficulté : Présence d’organes d’Etats étrangers ou d’organisations internationales. Elément d’extranéité.

— Les personnes publiques étrangères sont recevables à agir devant le juge administratif : Il faut qu’une décision nuise à ses intérêts.

— Il y a néanmoins le principe d’immunité juridictionnelle des Etats étrangers : On ne peut pas attaquer un Etat étranger devant une juridiction administrative française, sauf lorsque celui-ci a le comportement d’un simple particulier mais c’est rare.

— Hypothèses dans lesquelles le pouvoir exécutif français va prendre des décisions qui sont intimement liées au pouvoir fédératif. Le juge administratif n’est pas pour autant compétent. Il y aurait une atteinte à la séparation des pouvoirs si le juge administratif se disait compétent. Le juge administratif décline souvent sa compétence en sous-entendant qu’aucune autre juridiction n’est compétente. Ces actes sont donc des actes de Gouvernement (Exemple : Lorsque les représentants de l’Etat vont négocier des conventions dans des négociations internationales CE COPAREX 1979 Idem pour la décision de refus d’accréditation d’un ambassadeur étranger, de nomination d’un ambassadeur, reprise des essais nucléaires : CE CREENPEACE FRANCE 1995)

— Pour ce qui concerne ce pouvoir fédératif, le CE est de plus en plus vigilent avant d’admettre qu’il est en présence d’un acte de Gouvernement. Il a admis la recevabilité de recours contre des actes pris par l’exécutif, qui touchent à la conduite des relations internationales (Pouvoir fédératif), mais dont il estime qu’ils se détachent de ce pouvoir. Ils sont donc susceptibles de recours.

Exemples : Concernant la demande d’extradition formulée par un Etat étranger (Un refus d’extradition est susceptible de recours CE KONE 1996), lorsqu’un ressortissant français souhaite bénéficier de la protection diplomatique (Le refus du Gouvernement est considéré comme un acte détachable de la conduite des relations internationales), ou alors concernant des décisions qui veillent à appliquer dans le droit français des actes internationaux (CE GISTI 1992)

— Lorsque la mesure prise par le Gouvernement est exclusivement destinée vers l’ordre interne, il y aura acte susceptible de recours, mais dès lors qu’il y a un lien étroit avec la conduite des relations internationales, il y aura souvent acte de Gouvernement.

Sous-section 2 : Le pouvoir de suffrage

— C’est le pouvoir que le peuple va exercer en votant, soit pour désigner ses représentants au sein des autres pouvoirs, soit en exerçant un pouvoir de décision (Référendum).

— Hauriou a identifié ce pouvoir en le qualifiant de droit d’assentiment. Il consisterait selon lui à accepter ou à ne pas accepter une décision prise par un autre pouvoir.

— Il est des élections politiques pour lesquelles le CE est compétent (Pour l’organisation) : Loi du 7 juillet 1977 (Elections européennes)

— Il y a d’autre scrutins (Présidentiel, sénatorial, législatif etc.) pour lesquels c’est plus compliqué : Le Conseil Constitutionnel a voulu faire une lecture stricte de sa compétence. Il a estimé qu’il n’avait pas compétence pour connaitre du contentieux des actes préparatoires à ces opérations électorales, mais il se déclarait compétent pour les opérations de vote en elles-mêmes.

— Conséquence immédiate : Une autre autorité devait être compétente pour les actes préparatoires. Le Conseil d’Etat s’est déclaré compétent pour ces actes (Façon dont va se dérouler la campagne électorale, déroulement du vote etc.)

— Mais au début des années 1980 (Arrêt car juge électoral Conseil Constitutionnel DELMAS 1981), le Conseil Constitutionnel s’est rendu compétent pour les actes préparatoires des élections parlementaires. Il a été plus lent à transposer cette avancée pour les deux autres types de scrutin : Elections présidentielles et référendum (Arrêt Conseil Constitutionnel HAUCHEMAILLE 2000 pour le référendum et Conseil Constitutionnel

HAUCHEMAILLE 2001 pour les élections présidentielles). Mais il maintient quand même l’idée que cette compétence ne lui est pas attribuée par les textes, il en donne donc une compétence a minima. Il y a des conditions restrictives : Les actes préparatoires ne doivent porter que sur un scrutin déterminé (Pour les actes permanents le CE sera compétent) ; un refus de connaitre ce recours doit compromettre gravement son contrôle ultérieur sur les opérations électorales (Il ne s’occupe que des vices graves pour lesquels l’urgence est grande. Comme cette question est subjective, il vaut mieux saisir le CE en même temps. Quand l’une n’est pas compétente, c’est l’autre qui l’est).

— Il y a donc une activité administrative même au sein de ce pouvoir de suffrage.