Le Premier ministre engage la responsabilité du gouvernement (article 49-3)

L’article 49-3 où le Premier ministre engage la responsabilité du gouvernement

L’article 49 alinéa 3 est un article de la Constitution qui donne au Premier ministre la possibilité d’engager la responsabilité de son Gouvernement devant l’Assemblée Nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale.

Il peut aussi le faire une fois par session parlementaire pour un autre projet de loi (loi à l’initiative du gouvernement) ou une autre proposition de loi (loi à l’initiative des parlementaires). La loi Macron étant un projet de loi, Manuel Valls a tout à fait le droit de recourir à cet article.

Il doit cependant le faire après délibération du conseil des ministres.

L’Article 49-3 est le plus connu de la constitution. C’est un article intéressant qui n’est pas une invention de la Vème république mais de la IVème: idée qui figurait dans le projet de révision constitutionnel. Cependant le temps est allé plus vite que le projet. Cette dernière chance n’a pas été saisie.

Ce projet n’a jamais été examiné. Mais a été repris dans la Vème république.

Section 1. Le mécanisme de l’article 49-3

Consiste à lier la législation et le contrôle. La fonction de législation et la fonction de contrôle: que faire la loi et contrôler le gouvernement sont deux procédures différentes. Ici les deux procédures se réunissent. Le Premier Ministre dit à l’assemblée nationale: ou bien on prend le texte et toi, ou bien on rejette les deux.

Idée : éviter la censure détournée. Résultat: adopter une loi sans la voter.

Sous-section 1. Eviter la censure détournée

La motion de censure a été une conquête progressive: avant d’avoir ce droit on a essayé d’inventer des moyens pour la censure sans en avoir le droit: par exemple le refus de concours. Les parlementaires n’avaient pas les moyens de forcer le gouvernement à partir mais refusaient d’adopter les principaux textes, ou de voter le budget. Le gouvernement était alors conduit à démissionner. Après l’introduction de la motion de censure il a continué à exister.

Cet article garantie au gouvernement le texte législatif qu’il considère comme essentiel afin que sa survie ne fut pas inutile. Ça empêche les parlementaires de procéder à une censure détournée qui consiste à rejeter tous les textes du gouvernement. => éviter la censure détournée.

Mais cette volonté se traduit par un schéma dans lequel une loi peut être adoptée sans jamais avoir été votée.

Sous-section 2. Adopter la loi sans la voter

Article 49 al 3: quand il l’estime nécessaire, après délibération du Conseil des ministres, on peut l’utiliser. C’est une délibération, sans forcément qu’il y ait autorisation.

Le conseil des ministres peut faire un communiqué ou encore le passer sous silence. Ainsi le Premier Ministre peut dégainer quand il le souhaite: il prononce la formule « j’engage la responsabilité de mon gouvernement sur tel texte »: le débat prend fin.

Un délai de 24h est ouvert, au terme duquel 2 constats sont possibles: une motion de censure a été déposée: alors on passe à l’application de l’article 49 al 2.

Deuxième hypothèse: si aucune motion de censure n’a été déposée alors le texte est considéré comme adopté sans que le parlement ait voté.

Si un motion de censure est déposée, il y a deux sous-hypothèse: 1) elle est adoptée ==> le gouvernement est renversé. Le Premier Ministre cesse d’être Premier Ministre. Le texte disparait avec lui. 2) elle n’est pas adoptée.==> le texte est considéré comme adopté. Là non plus le texte n’a pas été voté mais est adopté.

Cet article 49 al3 présente des avantages pour le gouvernement: il porte sur le texte que le Premier Ministre choisit. (projet, proposition de loi, pour une partie du texte, ou la totalité du texte). Il précise s’il y a lieu quels amendements seront intégrés au texte. Il choisit lui-même la rédaction du texte sur lequel il est responsable). c’est donc une facilité extrême pour le Premier Ministre. En même temps elle a comme conséquences de changer la nature du débat. Parmi les deux fonctions principales quoi y a celle du parlement: il y a légiférer et contrôler. La procédure commence dans la législation et finit dans le contrôle.

Cet article a fait l’objet d’abus c’est pourquoi en 2008 le législateur a décidé d’en limiter l’usage aux:

=> projet de loi de finance

=> projet de loi de financement de la sécurité sociale

=> projet ou proposition par cession

+ restriction quantitative.

Or dans une situation de minorité gouvernementale il a besoin d’utiliser cet article. ==> limite

Ainsi cependant ce mécanisme fait en sorte que soit on fait démissionner le gouvernement, soit accepter le texte. Les parlementaires sont conduits par un choix simple.

==> arme de dissuasion massive.

Reste alors à en voir les logiques.

Section 2. Les logiques de l’article 49-3 de la constitution

Soit d’imposer des délais ou des politiques.

Sous-section 1. Imposer des délais

=> l’opposition se livre à une opération d’obstruction. Le Premier Ministre peut calculer le temps que dure l’obstruction, et utiliser le 49. 3 permet de faire adopter le texte au bout de 3 jours. Si on redoute que l’obstruction dure plus de 3 jours à faire ceci.

Par hypothèse l’obstruction est menée par l’opposition et ça contrebalance ses excès. Aujourd’hui l’hypothèse a pratiquement disparu: le temps législatif global qui permet d’enfermer les débats dans une durée rend l’obstruction impossible et donc sans objet l’utilisation de cet article pour y faire face.

Cependant il pourra continuer pour imposer des politiques.

Sous-section 2. Imposer des politiques

Dans le premier cas, c’est contre l’opposition. Ici, c’est utilisé par le Premier Ministre contre sa majorité. S’il n’a pas de problèmes avec sa majorité, il n’aura pas de raison d’utiliser le 49-3. En revanche quand il n’a pas de majorité cet articule est très utile. (majorité divisée, anarchique…).=> il a été fait pour ça. À regret les parlementaires se résignent à ce que le texte soit adopté. Jusqu’à aujourd’hui le 49-3 a toujours fonctionné.

Cependant il est considéré comme un signe de totalitarisme, d’impuissance (on n’a pas réussit à convaincre sa propre majorité parlementaire).

Les autres Premier Ministre qui avaient derrière eux une majorité soudée et qui ont utilisé le 49-3 l’ont fait par maladresse ou par incapacité: Pompidou, deux reprises (62, 67), Fabius, Mauroi, alors qu’ils avaient une écrasante majorité. En 86 Chirac l’a utilisé 5 fois en 7 mois. De tous les Premier Ministre c’est apparemment Michel Rocard qui l’a le plus utilisé (sur une douzaine de textes).

Cependant une douzaine de textes sur 3 ans alors qu’il n’avait pas de majorité est un très faible nombre, au contraire de Chirac qui lui avait une majorité.

Un Premier Ministre qui a une majorité et qui a besoin du 49-3 est mauvais.

C’est la raison pour laquelle la limitation quantitative est critiquable: si le Premier Ministre a une majorité il n’a pas besoin du 49-3. En revanche un Premier Ministre qui n’en a pas en aurait beaucoup plus besoin.

Cet article n’existe qu’à l’Assemblée Nationale et non pas au Sénat. Le Premier Ministre peut demander au Sénat d’approuver une politique générale. Mais ça n’emporte aucune conséquences.

=> moyen de contrainte puissante

Vraie différence entre le parlement français et les étrangers: une certaine culture parlementaire imprègne les relations entre le pouvoir législatif et exécutif.

Allemagne: on essaie de rechercher un consensus aussi large que possible entre majorité et minorité, si on ne le trouve pas la majorité tranche, l’opposition essaie d’être constructive.

Grande Bretagne: Culture majoritaire. On respecte les groupes d’opposition.

France: culture caporaliste, autoritariste: le gouvernement domine. LE parlement doit faire ce que le gouvernement lui demande. Souvent le gouvernement n’essaie même pas de convaincre. Les parlementaires eux-mêmes sont assujetis à cette culture: ils trouvent ça normal.

Ils doivent faire des choses qui ne leur plaisent pas: c’est pourquoi il y a un taux élevé d’absentéisme.

Auparavant les Premier Ministre acceptaient beaucoup plus qu’aujourd’hui l’autonomie parlementaire: l’Assemblée Nationale était un lieu de débat et d’un intérêt réel. Trois traits qui semblent avoir déserté le parlement. Pour remédier à ce déséquilibre, pénalisant pour le fonctionnement de la démocratie: il faut ramener les députés à l’Assemblée Nationale alors le gouvernement ne se permettra plus de les maltraiter.

Par contrecoup l’équilibre des institutions sera amélioré.