Principe de la responsabilité pénale du chef d’entreprise

Le domaine de la responsabilité pénale dite du fait d’autrui, donc du chef d’entreprise.

La responsabilité pénale des chefs d’entreprises a une importance évidente, notamment quand est survenu un accident du travail dans l’entreprise. Elle a aussi une importance théorique certaine, dans la mesure où elle continue à engendrer une controverse doctrinale.

Comme la responsabilité pénale est engagée pour un acte commis par un de ses préposés, acte qu’il ignorait, certains auteurs soutiennent que l’on serait en présence d’une hypothèse de responsabilité du fait d’autrui. C’est critiquable au regard de l’article 121 – 1 du Code pénal, qui est le caractère personnel de la responsabilité pénale. En réalité, la responsabilité pénale du chef d’entreprise est une application, complexe, de la responsabilité pénale individuelle. On peut délimiter ce domaine de la responsabilité pénal du fait d’autrui.

Voici le plan du cours de responsabilité pénale du chef d’entreprise

  • 1§ Détermination négative du domaine de cette responsabilité.
  • A. Exclusion des cas de responsabilité personnelle directe des dirigeants.
  • B. Exclusion des atteintes aux principes de la personnalité des peines.
  • a. Dans le droit du travail.
  • b. Dans le droit de la circulation routière.
  • 2§ Détermination positive du domaine de la responsabilité pénale.
  • a. Les infractions commises par la voie de la communication.
  • b. L’attribution de la responsabilité pénale par la jurisprudence.

1§ Détermination négative du domaine de cette responsabilité.

A) Exclusion des cas de responsabilité personnelle directe des dirigeants.

Bien souvent, la responsabilité pénale des dirigeants d’entreprise est une responsabilité personnelle au titre d’infraction qu’ils peuvent commettre dans la direction de l’entreprise. Dans ce cas les dirigeants commettent personnellement tous les éléments constitutifs de l’infraction, élément matériel et moral, et ils en seront déclarés responsables, en tant qu’auteur et en tant que complice. C’est ce qui se passe pour de nombreuses infractions de droits commun prévus par le droit pénal. Un chef d’entreprise peut commettre une escroquerie, un abus de confiance (314 – 1), un faux ou usage de faux (341 – 1). Par ailleurs les dirigeants d’entreprises sont concernés par les infractions relevant du droit pénal des affaires, notamment le droit pénal des sociétés. L’incrimination la plus connue est l’abus de bien sociaux prévu par l’article L 241 – 3 quatrièmement du code de commerce. Ce texte s’applique aux dirigeants de certaine société, et ils s’appliquent aux dirigeants qui auront fait des biens ou du crédit de la société un usage qu’il savait contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés. Cette infraction est commise dans tous les éléments par le chef d’entreprise.

B) Exclusion des atteintes aux principes de la personnalité des peines.

Il n’y a pas responsabilité du fait d’autrui, il y a atteinte au principe de personnalité des peines. Deux illustrations.

  • a) Dans le droit du travail.

Le texte prévoit que lorsqu’un manquement aux règles d’hygiène et de sécurité à provoquer un incident corporel, le tribunal peut compte tenu des circonstances de fait et des conditions de travail de l’intéressé, décider que le paiement des amendes prononcer et des frais de justice sera mis en totalité ou en partie à la charge de l’employeur.

  • b) Dans le droit de la circulation routière.

Article L 121 – 1 al 2 du code de la route. Le tribunal peut pareillement mettre à la charge de l’employeur le paiement des amendes relatives aux infractions commises par un préposé dans la conduite d’un véhicule. Dans ces deux cas il y a atteinte au principe de la personnalité des peines. Le paiement de l’amende, l’exécution de la sanction pénale est reportée sur un tiers. Il n’y a pas responsabilité pénale du fait d’autrui. Dans ces hypothèses, l’employeur n’est ni auteur ni coauteur, ni complice, il n’est pas condamné pénalement. On lui fait supporter la charge financière des amendes et des frais de justice.

Détermination positive du domaine de la responsabilité pénale.

Ce sont la loi et la jurisprudence qui attribue cette responsabilité pénale aux dirigeants en leur qualité de chef d’entreprise.

De nombreux textes désignent comme responsable de l’infraction l’employeur, le dirigeant de droit ou de fait, la personne qui est en charge de la direction, de la gestion ou de l’administration de l’entreprise. Dans tous ces cas, c’est le chef d’entreprise qui est visé. Ces textes qui instituent une responsabilité pénale du fait d’autrui, on les trouve dans les domaines les plus divers mais deux textes méritent de retenir plus particulièrement l’attention en raison de l’importance de leur champ d’application.

A) Les infractions commises par la voie de la communication.

Cela concerne la presse écrite ou la presse audiovisuelle. Dans ce domaine, en application de la vieille loi de 1881, sur la liberté de la presse, et en application de la loi du 29 juillet 82, sur la communication audiovisuelle, joue une responsabilité en cascade. En effet pour ces infractions, l’auteur prioritairement désigné est le directeur de publication. C’est la personne qui est chargée de décider ou nom un article ou une émission. Mais ces textes prévoient une cascade de responsabilité, c’est-à-dire à défaut de publication, l’auteur de l’article, à défaut l’imprimeur ou le producteur, à défaut les vendeurs…Cette responsabilité pénale en cascade a connu une double évolution ces dernières années, pour l’adapter à l’évolution du monde contemporain.

Une première évolution porte sur ces infractions concernées par ce mécanisme. Au départ cette responsabilité ne concernait que les délits prévus par la loi de 1881.

Le nouveau Code pénal a étendu ce mécanisme à de nombreuses infractions qu’il édicte, comme la provocation au suicide par voie de presse, la publication qui porte atteinte à la représentation de la personne, les provocations de mineurs. Le législateur a précisé que lorsque le délit a été commis par la voie de la presse écrite ou audio visuelle les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.

Les infractions commises sur internet.

Une loi du 23 juin 2004, loi pour la confiance dans l’économie numérique est venue prévoir dans son article 6 – 3 un régime spécifique de responsabilité pénale pour les hébergeurs. Ils peuvent voir en raison des informations stockées s’ils n’ont pas connaissance des informations ou activités illicite, que s’ils ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible dès le moment ou ils en ont eu connaissance.

L’hygiène et la sécurité du travail dans l’entreprise, article L 263 – 2.

D’après ce texte les chefs d’établissement directeurs gérants qui par leur faute personnelle ont enfreins ces dispositions sont punis d’une amende. Ces dispositions sont importantes car le manquement à l’hygiène et à la sécurité du travail a provoqué un accident du travail et donc un délit d’homicide ou de blessures involontaires.

L’amende peut être appliquée autant de fois qu’il y avait de salariés de l’entreprise concernés par l’infraction.

B) L’attribution de la responsabilité pénale par la jurisprudence.

Cette attribution s’est faite à partir de la seconde moitié du 19e. À cette époque la jurisprudence rappelait le principe selon lequel nul n’est punissable qu’en raison de son fait personnel. Mais parallèlement elle affirmait que la responsabilité pénale peut naître du fait d’autrui dans les cas exceptionnels ou certaines obligations légales imposent le devoir d’exercer une action directe sur les faits d’un auxiliaire ou d’un subordonné.

On dit alors que l’infraction, qui a été commise par un préposé, fait remonter la responsabilité pénale au chef d’entreprise. C’est la formule que l’on trouve dans un arrêt de la chambre criminelle du 28 février 1956. Aujourd’hui cette responsabilité pénale du fait d’autrui est retenue par la jurisprudence, essentiellement dans deux grandes séries d’hypothèses. Tout d’abord elle l’applique quand il y a eu violation de la réglementation spéciale de l’entreprise.