Produits défectueux : preuve, causes d’exonération, prescription

La mise en œuvre de la responsabilité du fait des produits défectueux

Les dommages causés par les produits défectueux sont des Dommages de masse causés à un très grand nombre de personne, ces dommages peuvent porter atteinte à la sécurité d’une partie de la population.

  1. A) Définition de la responsabilité du fait des produits défectueux

Ce régime a son origine dans une directive communautaire du 25 juillet 1985. C’était une directive sur la responsabilité du fait des produits défectueux. Elle devait être transposée avant le 25 juillet 1988. En France les choses ont trainées. La nouvelle directive laissait sur certains points l’appréciation aux États membres. Elle a été condamnée plusieurs fois pour manquement. Voici les articles du code civil relatifs aux produits défectueux :

  • Article 1245 Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime.
  • Article 1245-2 Est un produit tout bien meuble, même s’il est incorporé dans un immeuble, y compris les produits du sol, de l’élevage, de la chasse et de la pêche. L’électricité est considérée comme un produit.
  • Article 1245-3 Un produit est défectueux au sens du présent chapitre lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre. Dans l’appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation. Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu’un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation

  1. B) la mise en œuvre de la responsabilité du fait des produits défectueux

La Loi de 1998 va déroger au droit commun car elle va prévoir des règles spécifiques. Le Législateur a prévu un système original car il indique que ce régime spécifique de Responsabilité n’est pas exclusif de l’application des règles de la Responsabilité contractuelle ou délictuelle.

La victime pourrait choisir entre la loi de 1998 et les fondements du droit commun qui seraient pertinent. Toutefois CJCE a précisé dans 3 arrêts du 25 avril 2002 que la directive exclu l’application d’un régime de Responsabilité du producteur qui repose sur le même fondement que celui mis en place par la directive, ce n’est donc pas un régime exclusif. Responsabilité fondée sur un défaut de sécurité, la victime ne peut pas se tourner vers elle, et cela exclu le terrain de la Responsabilité du fait des choses. La Responsabilité mise en place est de plein droit du producteur (ne pourra pas prouver son absence de faute).

Selon l’Article 1245-9 du code civil, «Le producteur peut être responsable du défaut alors même que le produit a été fabriqué dans le respect des règles de l’art ou de normes existantes ou qu’il a fait l’objet d’une autorisation administrative». Autrement dit, le producteur même s’il respecte les règles de l’art ou les normes, ça ne l’exonère pas de sa Responsabilité.

3 questions se posent : que devra prouver la victime pour bénéficier cette Responsabilité de plein droit ? Que peut invoquer le producteur pour s’exonérer de cette Responsabilité ? Dans quel délai la victime pourrait-elle agir.

  1. Les preuves devant rapporter la victime

La Loi est très claire, l’article 1245-8précise que le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.

Mais le lien causalité est difficile à prouver, la Loi de 1998 ne prévoit aucune règle spécifique concernant le lien de causalité. En conséquence on va se tourner vers le droit commun. Dans certaines situations, il pourra être délicat de rapporter la preuve de la défectuosité ou qu’il est dû à un produit.

A partir de quand, un produit est considéré comme intrinsèquement défectueux ? Plusieurs préoccupations importantes

Sur le terrain scientifique, il faut prendre en compte les évolutions scientifiques: les vaccins permettent d’enrayer des maladies, il y a aussi la volonté d’indemniser la victime, préoccupation de santé public.

Sur le terrain juridique on est sur un problème de causalité et de preuve. Prouver le lien de causalité entre le dommage et le produit revient à dire que le produit est défectueux. La jurisprudence a évolué : le juge peut-il présumer un lien de causalité juridique en l’absence de preuve scientifique ? La Cour de cassation avait lié les 2 donc il ne pouvait pas y avoir de lien de causalité mais ensuite la cour de cassation a distingué causalité juridique et scientifique et a admis que le lien de causalité pouvait résulter de présomption simple grave précises et concordantes=12/11/2015. Cour de cassation a entériné cette jurisprudence =relève absence de certitude scientifique=1ère ch.civ 10/07/2013. Désormais le juge doit se former sa conviction à partir de présomptions de faits rapporté par le demandeur (nombre d’injection, absence d’antécédents). L’appréciation de la force probante a été abandonnée par la cour de cassation, ce sont les juges du fond qui vont apprécier les présomptions. Ça a été critiqué car ça peut aboutir à une casuistique. La Cour de cassation relève les éléments relevés par les juges du fond. Contrôle de la motivation des juges du fond exercé par la cour de cassation.

  1. Les causes d’exonération

Elles font l’objet de 3 dispositions=article 1245-10, 1245-12 et 1245-13. Le producteur est Responsable de plein droit sauf s’il prouve une cause d’exonération. La Loi de 1998 prévoit 2 grands types de causes d’exonération.

  1. Les causes d’exonérations du droit commun
  • Faute de la victime : la loi prévoit expressément cette cause d’exonération, la Responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée :
  • exonération totale si présente caractère de force majeure et partiel si non.
  • Si le dommage causé à la victime résulte d’une faute d’une personne dont elle est responsable on pourra le lui opposer pour réduire ou exclure son indemnisation.
  • Force majeur : la loi est silencieuse cependant il faut l’admettre car la loi ne l’exclut pas expressément.
  • Fait d’un tiers : la loi s’est expressément exprimée dessus. Selon l’article 1245-13, le fait d’un tiers qui a concouru au dommage ne permet pas de réduire la Responsabilité du producteur.
  1. Les causes d’exonération spécifiques

Il existe 5 causes d’exonérations spécifiques communes à tous les producteurs et 5 autres causes mais seulement ceux d’une composante. On les retrouve à l’article 1245-10 du Code civil:

  • Le producteur ne peut s’exonérer s’il n’a pas mis le produit en circulation.
  • Le producteur peut prouver que le défaut n’existait pas au moment où le produit est entré en circulation. Ça laisse présumer que le produit est défectueux lors de la mise en circulation, la victime doit prouver la défectuosité mais pas le moment de la défectuosité. C’est un renversement de la charge de la preuve. Il n’appartient pas à la victime de prouver que le produit est défectueux au moment de la mise en circulation mais que le produit est défectueux.
  • Le produit n’a pas été destiné à la vente ou autre forme de distribution : c’est l’hypothèse du prototype.
  • Le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d’ordre législatif ou réglementaire. Le producteur ne peut pas se prévaloir qu’il a respecté une réglementation. La seule réglementation qu’il peut invoquer est la réglementation impérative.
  • Le producteur est exonéré s’il prouve que les connaissances scientifiques et techniques, au moment où le produit est mis en circulation, ne permettaient pas de déceler le défaut ; on parle d’exonération pour risque de développement.

Cette exonération pour risque de développement a suscité des discussions. La question est de savoir qui doit supporter le risque de l’inconnu, celui qui innove ou la victime ? L’exonération va concilier la Responsabilité avec les progrès scientifiques, celui qui innove sera exonéré seulement si l’état des connaissances scientifiques ne permettait pas de déceler les défauts.

La CJUE a retenu une conception stricte de la notion d’état de connaissance scientifique et technique : CJUE 29/05/1997 a retenu que cette notion doit pas être appréciée par rapport au producteur (elle doit être objective) et les connaissances auquel il faut se référer ne sont pas seulement celles du secteur concerné, il faut prendre en considération l’ensemble des connaissances scientifiques et techniques disponibles. Cette cause d’exonération se révèle être un compromis législatif qui résulte de groupes de pression. Les Laboratoires pharmaceutiques vont avancer le fait qu’ils seront Responsables 10 ans, que ces médicaments sont là pour guérir et qu’avec le corps humain on ne sait pas toujours les conséquences, et qu’on découvre des choses au fur et à mesure. Ils laissaient entendre que l’absence de cette exonération serait un frein à l’innovation ou la recherche.

Cependant les producteurs peuvent invoquer le risque de développement sauf si le dommage a été causé par un élément du corps humain ou par les produits de celui-ci. La législation française a fait une exception pour les produits de santé qui proviennent du corps humain. Au moment où est discuté la loi, on sort du scandale du sang contaminé, donc on ne permet pas aux producteurs d’invoquer le risque de développement dans ces cas-là.

  1. La prescription de l’action en responsabilité

La Loi du 19/05/1998 prévoit 2 délais :

  • Un délai de forclusion : L’article 1245-15 énonce que, sauf faute du producteur, sa Responsabilité est éteinte 10 ans après la mise en circulation du produit, la victime ne peut pas obtenir réparation sauf si le producteur a fauté.
  • Un délai de 3 ans : L’article 1245-16 du code civil = Le délai de 3 ans court à compter du jour où le demandeur a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance soit du dommage soit du défaut soit de l’identité du producteur.