Qu’est-ce que le blanchiment d’argent et ses éléments constitutifs?

Qu’est ce que le blanchiment d’argent et ses éléments constitutifs? :

Le terme de blanchiment d’argent est mentionné pour la première fois en 1973, États-Unis., aux à propos de l’affaire du Watergate. Cette affaire avait permis de révéler le président américain, Richard Nixon avait ordonné le blanchiment de dons pécuniaires anonymes interdits, afin de financer sa réélection.

  • 1°)- Les éléments constitutifs :
  • L’article 222-38 du code pénal défini le blanchiment comme « le fait, par tous moyens frauduleux, de faciliter la justification mensongère de l’origine des ressources ou des biens de l’auteur de l’une des infractions de trafic établies aux articles 222-34 à 222-37 ou d’apporter sciemment son concours à toutes opérations de placement, de dissimulation, de conversion du produit d’une telle infraction. »
  • Le Petit Robert donne sa définition du blanchiment d’argent : « le blanchiment est une opération qui consiste à donner une existence légale à des fonds dont l’origine est frauduleuse ou illicite ».
  • Dans Le Petit Larousse, le blanchiment est « l’action qui fait subir à des fonds diverses opérations à la suite desquelles toute preuve de leur origine irrégulière ou frauduleuse peut être dissimulée. »
  • 2°)- Les éléments constitutifs :

CODE PÉNAL ; ARTICLE 324-1 et 222-38 définissent en réalité deux délits, qui sont très proches, à la fois des caractères des éléments matériels et moral.

A)- Les éléments constitutifs communs :

Les deux délits de blanchiment sont tous deux des infractions de conséquence, qui supposent une infraction antérieure, dont la criminalité, le caractère répréhensible, se répercute sur l’acte matériel du blanchiment.

1°)- L’existence d’une infraction réelle :

Il faut une infraction antérieure, dont un produit est issu et dont le blanchiment va consister à dissimuler l’origine criminelle ou délictuelle.

Les liens entre cette infraction antérieure et le blanchiment sont tout à fait comparable au recel avec l’infraction antérieure.

Il est nécessaire que l’infraction antérieure soit punissable, objectivement constitué. Mais l n’est pas nécessaire que l’infraction antérieure ait été punie, selon la jurisprudence : il suffit que les juges du fond constatent l’existence de cette infraction antérieure.

2°)- La connaissance de l’infraction antérieure :

C’est l’élément intentionnel du blanchiment : il est impératif que l’auteur sache que les fonds proviennent d’un crime ou d’un délit, à défaut imprudence ou négligence.

La caractérisation de cette connaissance soulève les mêmes difficultés qu’en mati de recel.

Les actes matériels du blanchiment ne sont pas des actes dont la matérialité est intrinsèquement coupable, ce sont des actes présentant une totale normalité.

Très tôt, comme en mati de recel, la jurisprudence a admis que cette caractérisation puisse procéder de circonstances.

Ex : dissimulation, complexité des opérations financières, importance inhabituelle des sommes remises, ou falsification des pièces remises.

Crim ; 7/12/1995: notaire condamné pour blanchiment, élément intentionnel caractérisé par les circonstances prouvant que le notaire connaissait le passé judiciaire de son client, certaines des pièces fournies étaient fausses etc.

Cette façon de caractériser le blanchiment est légitime dans les textes internationaux, directive de 1991 : l’élément intentionnel peut être prouvé à partir de circonstances extérieures.

Cet élément de connaissance est l’élément déterminant, à savoir que dès lors qu’il est acquis que l’individu savait l’activité criminelle ou délictuelle. Le caractère volontaire sera systématiquement déduit.

B)- Les éléments spécifiques :

Les deux délits se séparent quant à la matérialité de l’acte puni et quant à son objet.

1°)- L’acte matériel de blanchiment :

Les articles 222-38 et 324-2 al1er : le blanchiment est le fait de faciliter par tous moyens la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci, un profit direct ou indirect.

Schéma a priori d’infraction matérielle « tous moyens » et résultat : justification mensongère.

On peut néanmoins nuancer ce schéma par le fait que le moyen lui-même n’est pas identifié, permettant de s’appliquer à n’importe quel procédé, par conséquent l’exigence est vidée de sa substance : le procédé devient indifférent.

Elle n’est pas punissable au titre du recel, c’est une infraction autonome : ce qui est punit, c’est l’assistance véritable à l’auteur de l’infraction d’origine, après la commission de cette infraction, sans qu’il n’y est ni détention, ni utilisation des biens ou des produits issus de cette infraction d’origine.

La justification mensongère n’implique pas le fait de détenir matériellement la chose ou d’en profiter.

Le blanchiment va punir tous les actes qui sont susceptibles de donner une apparence légale à un bien ou à des revenus criminels ou délictuels.

Ce sont tous les actes peuvent être incriminés sur le critère du résultat, effet justificateur.

Ex : fausse facture, faux bulletin de salaire, faux gains, fausse rémunération, contrats de prestation de service de complaisance.

Le problème est de pouvoir utiliser pleinement leur gain.

Le second délit du blanchiment est défini comme « le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation, ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit ».

C’est le délit qui tend à s’appliquer au blanchiment aux moyens d’opérations financières, et à leur utilisation aux fins de blanchiment.

a)- L’objet du blanchiment :

Il vise trois opérations distinctes :

  • – le placement
  • – la dissimulation
  • – la conversion.

Ces opérations renvoient aux opérations classiques d’un processus de blanchiment en matière de circuits financiers.

Une opération de blanchiment est un processus qui se réalise par trois phases successives : le prélavage, le lavage et l’essorage (placement, dissimulation, conversion).

Placement:

1ère phase du processus de blanchiment, phase impérative.

Elle consiste à essayer d’introduire des fonds de provenance criminelle ou délictuelle dans les circuits financiers.

Ex : dépôts sur comptes, opérations de change, transformation possible du bien : achat d’objets.

Cette phase donne lieu à la transformation des fonds, destinée à donner une apparence de légalité et à éloigner le bien de l’infraction dont il est issu.

C’est aussi la phase qui est suit l’infraction d’origine.

La proximité entre cette phase et l’infraction d’origine en rend la découverte beaucoup plus facile, les personnes susceptibles d’intervenir sur les biens, sont soumises à des obligations de vigilance qui font courir le risque de révélation de la provenance des fonds.

C’est pourquoi ce processus ne s’arrête pas là.

La dissimulation:

C’est une phase qui va porter sur le produit transformé.

Elle suit la 1ère phase, matériellement elle va donner lieu soit à une transformation du bien déjà transformé soit/ et à une circulation du bien dans les circuits financiers internationaux (bien transformé en titre financier, fonds, écriture bancaire), et surtout à travers des établissements financiers internationaux.

Matériellement, les actes de cette phase peuvent être identiques à la première phase.

Dissimulation, parce que la finalité est axée sur l’éloignement des produits de leur lieu d’origine, le blanchisseur vise à faire circuler les produits pour les éloigner de leur lieu d’origine, pour leur en faire perte leur trace, origine criminelle.

Les investigations sont plus compliquées sur le plan international, notamment lorsque le processus de blanchiment est passé par des zones offshore ou des paradis fiscaux, la remontée jusqu’aux sources est plus complexes.

En matière de blanchiment la coopération internationale fonctionne assez bien.

La conversion:

Cette phase ne correspond pas matériellement à des actes, opérations résolument différentes des deux précédentes.

Opérations de placement, terminant le processus, les biens ont acquis leur transformation définitive : les biens ont acquis une certaine sécurité, sûreté.

Fonds convertis dans des titres financiers, de sociétés, biens immobilier, fonds de commerce, où il n’y a a priori aucun soupçon d’illégalité.

Plus il y a d’opérations plus les investigations vont être difficiles.

Le volet préventif est extrêmement important, il a une origine communautaire et est applicable dans tous les pays européens, même en Suisse.

L’article 324-1 n’exige pas un processus complet, il y a blanchiment alors même que le processus est arrêté au placement, ou à la dissimulation. Dès lors qu’il y a une opération de placement de fonds provenant d’un crime ou d’un délit, il y a opération de blanchiment.

b)- L’élément matériel :

Il est défini comme l’apport d’un concours, acte par lequel l’auteur participe à une opération financière, s’entendant d’une contribution à l’opération financière.

Quid de l’abstention :

Affaire encore pendante : poursuites pour blanchiment engagées contre des établissements bancaires au motif qu’ils n’avaient pas respecté plusieurs de leur obligation, en matière notamment de prévention du blanchiment, mais aussi de contrôle de la régularité formelle des chèques.

La jurisprudence devra donc se prononcer sur cette question.

Certes, l’expression « apport de concours » semble renvoyer à une action, connotation positive.

Pour autant, deux éléments permettent d’affaiblir cette position :

  • – la faible valeur de la distinction infraction de commission / d’omission, pour les juges, surtout pour la doctrine.
  • – la proximité de définition de l’élément matériel de 324-1 al2 et celle jurisprudentielle de l’aide et de l’assistance en matière de complicité : l’apport d’un concours s’apparente à l’aide ou l’assistance, en matière de complicité.

La jurisprudence juge constamment que l’assistance peut résulter du manquement à une obligation professionnelle.

Si la personne a pu aider l’auteur en s’abstenant de faire un acte obligation : le plus important est l’aide, le concours.

2°)- l’objet blanchiment :

Il va varier en fonction des deux délits :

  • – 324-1 al1 : l’élément matériel ne donne pas lieu à une opération sur le produit de l’infraction d’origine, qui est extérieur à l’agissement de l’auteur.
  • – 324-1 al2 donne lieu à un agissement sur le produit de l’infraction principale. Cette notion de produit est extrêmement large, s’appliquant aux biens issus de cette infraction, et aux biens dont il a fait l’objet.

Peu importe son caractère corporel ou incorporel, toutes les dématérialisations du bien sont visées, mais aussi peu importe son caractère mobilier ou immobilier.