Recevabilité des recours devant la juridiction administrative

La recevabilité des recours : les conditions relatives au requérant

Il s’agit de la capacité pour agir, et de l’intérêt donnant qualité pour agir.

Le requérant doit avoir la capacité d’agir en justice, ce qui est le cas d’une personne morale et d’une personne physique majeure non incapable. La personne physique incapable ne peut agir que par son représentant légal.
Le requérant doit avoir la qualité pour agir : par exemple le maire d’une commune ne peut agir en justice que s’il est habilité à le faire par le conseil municipal.
Le requérant doit avoir un intérêt pour agir.
Le requérant peut présenter une requête collective. Les conclusions d’une requête collective, qu’elles émanent d’un requérant qui attaque plusieurs décisions ou de plusieurs requérants qui attaquent une plusieurs décisions, sont recevables dans leur totalité si elles présentent entre elles un lien suffisant (C.E. 30 mars 1973, David).

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  • &1 : Capacité pour agir

Pour agir devant une Juridiction Administrative, il faut être capable, au sens du CC, et avoir la personnalité juridique.

A) Capacité des personnes physiques

Pour pouvoir agir par soi-même en Justice, il faut être majeur et capable, les mineurs et majeurs incapables ne pouvant agir que par l’intermédiaire d’une tierce personne les représentant. Néanmoins, cela n’empêche pas qu’une personne capable puisse désigner une autre personne pour agir en son nom. La capacité n’est pas liée à la nationalité. Un étranger remplissant les autres conditions pourra parfaitement agir. La capacité ne dépend pas non plus du lieu de résidence du requérant. Le placement d’office en établissement de soins n’emporte pas automatiquement incapacité. L’incapacité pour condamnation à une peine infamante a disparu. Le mineur pourra être représenté par ses parents, le majeur incapable par son tuteur / curateur.

Un majeur capable peut fort bien être représenté par quelqu’un d’autre, un mandataire, qui sera souvent son avocat. Mais il est d’autres cas où une personne peut être représentée par une autre personne. On admit par le passé dans la Jurisprudence que le mari pouvait agir pour le compte de son épouse, notamment en cas d’intérêt relatif à la communauté des biens. En cas de décès du requérant, celui-ci sera représenté par ses héritiers s’ils acceptent la reprise d’instance.

B) Capacité des personnes morales

Les groupements de personnes n’ont capacité d’agir en Justice que si elles ont la personnalité morale. Sera irrecevable, le recours d’un groupement n’ayant pas la personnalité morale. Une UFR n’a pas de capacité juridique ; c’est l’Université qui, en sa qualité d’Établissement Public, a la personnalité juridique. CE, CRC d’Ile-de-France, 10/01/1986 : la juridiction n’a pas la personnalité morale ; il s’agit d’un organe de l’Etat. Il existe certaines exceptions. CE, Syndicat de Défense des Canaux de la Durance, 31/10/1969 : les associations non déclarées peuvent néanmoins se prévaloir d’un pouvoir légal pour agir en Justice. Une association dissoute a capacité pour agir contre la décision qui la prive de PJ. Il arrive parfois qu’une société en formation se voit admettre la possibilité de contester, par ex, sa non admission à une DSP.

  • &2 : Intérêt pour agir

Toute personne saisissant un Juge Administratif doit justifier d’un intérêt pour voir son droit reconnu. Selon Chapus, l’intérêt est le titre juridique qui habilite la personne à saisir le juge. Cette formule découle de la vieille présentation des légistes de l’AR : Pas d’intérêt, pas d’action. Dans le contentieux de l’excès de pouvoir, bien qu’objectif, il faut un intérêt à agir. Il n’y a pas d’actio popularis. On réserve la possibilité d’introduire un recours contentieux à certaines personnes, à qui la décision illégale doit faire grief, porter atteinte aux droits et intérêts. Mais le législateur peut en disposer autrement. Le préfet n’a pas à justifier d’un intérêt pour agir dans son déferré. L’intérêt a plusieurs caractéristiques complexes à cerner.

A) Caractères de l’intérêt pour agir liés à la personne du requérant

Pour que le recours soit recevable, le requérant doit démontrer un intérêt à agir dont la réalité est appréciée par le juge en fonction de la situation dans laquelle il se trouve par rapport à l’objet du recours. Le requérant doit pouvoir invoquer un intérêt personnel, légitime, et matériel ou moral.

  1. Intérêt personnel

C’est la théorie des cercles d’intérêt, l’intérêt personnel étant caractérisé par le cercle le plus proche. CE, Gicquel, 10/02/1950 : le Président Chenot du Conseil d’Etat précise qu’il est impossible d’agir en tant que citoyen contre une décision. « Il faut que les conséquences de l’acte placent le requérant dans une catégorie nettement définie d’intéressés. Il n’est pas nécessaire que l’intérêt invoqué soit propre et spécial au requérant, mais cet intérêt doit s’inscrire dans un cercle où la Jurisprudence a admis des collectivités toujours plus vastes d’intéressés, sans l’agrandir toutefois jusqu’aux dimensions de la collectivité nationale ».

L’action en tant que citoyen, contribuable de l’Etat, parlementaire (CE, Noir, 1987), ne donnera pas qualité pour agir. Ces différentes catégories ne sont, en effet, pas suffisamment individualisées pour constituer un intérêt à agir. Mais il est des cas de recevabilité. CE, Casanova, 1901 : on reconnait à un contribuable communal le droit d’attaquer une délibération du CM augmentant les charges de la commune. De la même façon, un contribuable départemental pourra attaquer une décision du Conseil Général ; un contribuable régional, la délibération du Conseil Régional.

Peut agir contre un permis de construire, le voisin, celui situé dans le cercle le plus proche. C’est la proximité qui donne ici qualité pour agir. Mais cette proximité est variable, et appréciée concrètement, en fonction de l’éloignement, de la configuration des lieux, de la visibilité, de la circulation prévisionnelle… Le Conseil d’Etat a élargi la notion des cercles d’intérêt, de moins en moins personnel ; on réfléchit en fonction des troubles que l’acte peut engendrer pour un certain nombre de requérants.

  1. Intérêt légitime

Pour être recevable, le requérant doit justifier d’un intérêt légitime. « Il ne doit pas agir pour sauvegarder une situation irrégulière ou immorale », selon Chapus. Ex : le recours formé par l’occupant sans titre d’un immeuble contre le permis de construire transformant cet immeuble est irrecevable (CE, SA des Transformations immobilières, 1985). CE, Université de Nancy-II, 1993 : on dénie l’intérêt à agir contre les épreuves de remplacement d’un enseignant ayant systématiquement attribué aux étudiants des notes ne tenant aucun compte de leurs mérites réels.

Un jugement du Tribunal Administratif de Dijon du 22 Avril 2008 Elections Cantonales de Clamecy : est rejeté un recours du Maire de la commune contre les opérations de 1er tour du scrutin relatifs à l’élection d’un conseiller général

– 1er tour n’ayant d’ailleurs pas donné lieu à désignation – sur le fondement de la légitimité. Le Maire se voit refuser l’intérêt à agir car il avait méconnu volontairement ses attributions attachées à ses fonctions de Maire, en refusant de présider le bureau de vote de sa commune et d’organiser un scrutin dans sa commune.

CE, Verbeke et Casablanca, 24/02/2011 : le juge du référé-suspension avait dénié l’intérêt à agir à la propriétaire d’un immeuble qui avait fait des transformations internes dans son appartement, dans la mesure où ces opérations ayant abouti au découpage en deux appartements sans sollicitation de permis de construire. La commune avait, en représailles, refusé le raccordement à l’ERDF. Le recours contre la décision de refus de raccordement avait été rejeté ; mais le Conseil d’Etat censura, conférant un intérêt à agir à la propriétaire contre ce refus. CAA Douai, Société Caudis, 30/03/2006 : le Juge Administratif va regarder et dénier l’intérêt à agir d’une association, personne morale de droit privé, en ce qu’elle était un faux-nez du concurrent commercial.

L’immoralité n’entraine cependant pas ipso facto la dénégation de l’intérêt à agir. Dans l’arrêt Dame Dol et Laurent de 1919, deux péripatéticiennes attaquaient un arrêté préfectoral interdisant le racolage hors de la zone réservée. Leur recours fut jugé recevable, puisqu’elles avaient invoqué leur liberté individuelle d’aller et venir. Auraient-elles, en revanche, été recevables à invoquer leur liberté de commerce et d’industrie ? La question demeure, mais le Conseil d’Etat ne releva en tout cas pas d’office l’immoralité.

L’intérêt peut être, soit matériel, soit moral. L’intérêt matériel sera souvent patrimonial, financier. Le recours du salarié d’une entreprise, rémunéré sur la base des opérations qu’il réalise, pourra attaquer la décision écartant l’E d’un marché. L’intérêt moral est moins aisé à appréhender. Il peut viser l’atteinte d’un acte à un corps ou une institution. CE, Syndicat des Avocats de France et Essaka, 1978 : on reconnait l’intérêt à agir d’une organisation syndicale d’avocats contre une circulaire relative aux droits des étrangers en instance d’expulsion, car elle porte atteinte aux droits de la défense, dont l’exercice est principalement assuré par les avocats.

Le membre d’un organe délibérant justifie d’un intérêt à agir contre les décisions irrégulières prises par cet organe, et par ex le RI de la commune portant atteinte au droit d’expression des conseillers minoritaires. CE, Lemoigne, 1912. Une décision portant atteinte, non plus à une institution, mais à une réputation, peut également entrainer un intérêt légitime à agir contre cette décision. Ex : association d’anciens élèves d’une école qui attaque la décision intégrant irrégulièrement de nouveaux élèves.

La caractérisation de cet intérêt moral n’est pas toujours évidente. CE, Marchal, 1997 : est reconnu le droit aux habitants d’une commune de faire un recours contre la décision qui modifie le nom de leur commune (Châlons-sur-Marne devenant Châlons-en-Champagne). Le changement de dénomination d’une rue donne également intérêt légitime moral à agir à ces mêmes habitants.

B) Caractères liés à la nature de la décision attaquée

L’intérêt pour agir doit, pour justifier la recevabilité, être direct et certain. Le caractère direct impose un lien étroit entre la décision contestée et le grief invoqué par le requérant. Il faut également une certitude marquée pour ce grief. Le juge pourra être souple dans l’appréciation de ces deux caractères.

  1. Intérêt direct

Le caractère direct de l’intérêt est parfois évident, frappant au 1er abord. Ex : le recours de parents d’élèves dans l’enseignement privé attaquant une décision relative à la liberté d’enseignement. Une Jurisprudence des 1930’s admit le recours d’une association luttant contre l’alcoolisme contre une décision ministérielle favorisant la plus grande concentration d’alcool dans les boissons (CE, Ligue Nationale contre l’Alcoolisme, 27/04/1934).

Le Juge Administratif admettra parfois un intérêt dont le caractère direct n’est pas frappant. CE, Damasio, 1971 : on reconnait intérêt à agir d’un hôtelier d’une station thermale contre un arrêté du Ministre de l’Education Nationale fixant la date des vacances scolaires d’une façon telle que la période des cures d’été en sera nécessairement réduite. L’intérêt d’un journaliste chroniqueur judiciaire fut reconnu pour attaquer un décret élargissant les cas dans lesquels les tribunaux peuvent décider de statuer à huis-clos (CE, Dame David, 1974). A contrario, l’intérêt ne sera pas reconnu quand un commerçant attaque un permis de construire accordé à un concurrent en invoquant la liberté du commerce et de l’industrie (CE, Société Albigeoise de Spectacles, 13/03/1987).

  1. Intérêt certain

L’intérêt certain implique que l’annulation de la décision apporte un avantage au requérant. Le Juge Administratif devra là encore apprécier les avantages de l’annulation pour le requérant. Il se contente d’un caractère suffisamment certain. Cela vise donc la probabilité que le requérant tire un avantage du recours formé.

CE, Rodière, 26/12/1925 : le recours contre la promotion d’un collègue à un grade égal ou supérieur à celui du requérant, en raison de la concurrence que cela institue, est admis.

Dans certains cas, le lien entre la décision et la situation du requérant n’est pas forcément évidente ; mais il suffit que l’acte attaqué soit susceptible d’être appliqué au requérant pour que le recours soit recevable.

CE, Abisset, 14/02/1958 : un campeur introduit un recours contre l’arrêté d’un maire interdisant le camping dans sa commune, alors que le requérant n’y a jamais campé, ni même envisagé de le faire. Le juge admet pourtant, au nom de la seule susceptibilité d’y camper au vu de son statut de campeur, l’intérêt certain et la recevabilité du recours.

Le recours d’un travailleur d’origine étrangère contre une circulaire du ministre du travail relative au renouvellement des cartes de séjour et de travail, dont le requérant est titulaire, a un intérêt certain à agir, car la circulaire peut lui être opposée s’il est toujours en France au moment de demander le renouvellement de ces deux cartes (CE, Da Silva, 1975).

Le Conseil d’Etat admet cependant certaines limites. Il rejeta ainsi le recours d’une association de défense contre l’acte accordant à une société immobilière une prime à la construction. Le Conseil d’Etat considère que l’attribution de la prime n’a ni pour objet, ni pour effet d’autoriser la construction, bien que favorisant celle-ci. L’intérêt de l’association est trop incertain pour qu’elle soit recevable (CE, Association du Quartier La Corvée – Roche-au-Fait, 1978).

C) Intérêt à agir des groupements

Les personnes morales ont tout autant le droit d’agir en Justice que les personnes physiques pour défendre leurs intérêts, et au 1er chef leur existence (intérêt à agir contre la décision de dissolution). De même s’agissant de la décision expropriant de son patrimoine un de ses éléments. Une organisation syndicale a intérêt à agir contre une décision affectant son fonctionnement, son activité, et par ex contre une décision refusant de la considérer comme représentative.

Mais les groupements et associations ont des statuts définissant leur objet. Ils sont ainsi marqués par le principe de spécialité. La question se pose pour le juge de savoir si, en fonction des statuts qui sont les siens, les mesures affectent son objet social, l’intérêt seul d’un ou de plusieurs de ses membres, etc. La défense d’un intérêt collectif fut reconnue très tôt par le Conseil d’Etat, dans l’arrêt de 1906 Syndicat des Patrons-Coiffeurs de Limoges. Mais le juge estime que les organisations ne peuvent agir que contre les décisions qui touchent à leur objet social. Une association ayant pour objet la défense aux intérêts de ces membres n’est recevable qu’à agir contre les décisions portant atteinte aux intérêts de ceux-ci.

Une association d’anciens agrégés a intérêt à attaquer une décision facilitant le passage de l’examen, l’obtention du titre, etc. de façon générale, tout groupement peut contester une décision en rapport avec sa spécialité, rapport apprécié plus ou moins strictement par le juge. Dans l’arrêt Syndicat des Avocats de France et Essaka, l’appréciation fut assez libre. CE, Comité central d’entreprise de la Société pour l’Equipement de la Navigation Aérienne, 22/12/1982 : on admet le recours du comité de la Société contre des mesures susceptibles d’affecter les conditions de travail du personnel de l’Etat.

En droit processuel, Nul ne plaide par Procureur : un groupement ne peut donc pas, en principe, se substituer à un de ses membres pour la défense d’un intérêt purement individuel. Mais il est possible de donner mandat à un groupement pour agir au nom du requérant, notamment au CPH. Le Conseil d’Etat fait preuve de souplesse face à des unions de syndicats ne défendant les intérêts que de l’un des syndicats qu’elle regroupe (CE, USPAC CGT Syndicat des Affaires Culturelles, 12/12/2003).

L’intérêt sera plus difficilement reconnu en cas de recours formé contre un acte individuel. Des décisions favorables à leur destinataire non membre du groupement peuvent être attaquées par celui-ci ou par ses membres, par ex s’agissant de nomination / promotion dans la fonction publique, effectuée de telle sorte qu’elle porte atteinte aux prérogatives ou à l’image du corps. S’agissant des décisions négatives, en revanche, seul leur destinataire peut en principe agir contre elles.

Néanmoins, dans quelques cas, une décision négative a pu être contestée par une association, lorsqu’au-delà du seul intérêt de son destinataire, elle porte atteinte aux intérêts des membres du groupe, soit que ceux-ci soient directement affectés par la décision en cause, soit « que celle-ci soulève une question de principe ou témoigne d’une pratique administrative qui, si elle se perpétue, risque d’affecter l’ensemble des personnes se trouvant dans la même situation que le destinataire ».

Un arrêt du Conseil d’Etat Société Montalev de 1992 vit un syndicat jugé recevable à attaquer l’autorisation de licenciement d’un salarié protégé, alors que cette autorisation est négative à l’égard du salarié. Il a aussi été jugé dans un ou deux cas exceptionnels qu’un syndicat est recevable à contester une sanction disciplinaire prononcée à l’encontre de l’un de ses membres « en raison de l’intérêt que peut présenter, pour certains de ses membres, la solution de la question de droit posée ».

Si la décision administrative n’affecte pas les intérêts du groupement, celui-ci n’a pas d’intérêt à agir. Une association syndicale de propriétaires entendant attaquer un permis de construire sur une parcelle extérieure au lotissement ne se vit pas reconnaitre d’intérêt à agir, alors que les propriétaires, en leur qualité de propriétaires voisins, auront, eux, intérêt à agir.

Parmi les groupements, on trouve des personnes morales de Droit Public. Elles aussi sont susceptibles d’être lésées par une décision. On aura alors deux personnes publiques, c’est à dire deux types d’IG, qui s’opposeront. Sur ce point, la Jurisprudence, très tôt, a admis le recours d’une personne publique contre un acte d’une autre personne publique. CE, Maire de Néris-les-Bains, 18 Avril 1902 : la commune, à l’époque sous tutelle du préfet, put faire un recours contre la décision de l’autorité nationale de tutelle.

Le recours en sens descendant est également possible : une autorité centrale peut déférer au contrôle du préfet un acte d’une autorité décentralisée, ne disposant pas elle-même d’un pouvoir d’annulation. Le déferré préfectoral est assimilé à un Recours pour excès de pouvoir. Certains actes sont transmis obligatoirement, en effet, au préfet, lequel effectue son contrôle de légalité ; cela n’empêche pas celui-ci de déférer tous les actes des Collectivités territoriales, de faire un recours gracieux auprès de la Collectivité Territoriale, etc., dans les mêmes délais que les particuliers pour les actes non soumis à transmission obligatoire. Le Maire n’est cependant pas recevable à attaquer un acte du pouvoir central, pris dans une matière où il agit en tant qu’agent de l’Etat. CE, Ville de Thionville, 1961.

D) L’appréciation de l’intérêt par le juge

Le juge doit se placer à la date de l’introduction à la requête, se référer aux conclusions relatives à celle-ci, au dispositif de la décision attaquée, et à la nature de l’intérêt invoqué par le requérant.

  1. Appréciation de l’intérêt à la date d’introduction du recours

Le juge regardera l’intérêt à la date d’introduction de la requête, et non pas à celle de signature de l’acte. La disparition de l’intérêt en cours d’instance n’aura aucune incidence, de même que le décès du requérant alors que l’affaire est en état d’être jugée. Le changement de l’objet social d’un groupement n’a pas d’effet s’il est postérieur à l’introduction du recours (CE, Commune de la Tour-du-Nex, 1994).

En revanche, dans certains cas, des évènements postérieurs à l’introduction de la requête peuvent priver celle-ci d’intérêt, par ex lorsque la décision attaquée est retirée, lorsque le requérant obtient satisfaction en cours d’instance, lorsqu’intervient une loi d’amnistie ou encore de validation, ou encore si la déchéance quadriennale est valablement opposée, s’il y a caducité ou péremption de l’acte attaqué…

  1. Appréciation au regard des conclusions de la requête

C’est le requérant qui fixe le cadre du litige, ce qui est attaqué. Il faut déterminer si l’on attaque, par exemple, la totalité du PLU, ou sur une partie de la commune seulement. Le juge ne statuera pas ultra petita, et statuera sur l’intérêt à agir uniquement au regard de ce qui est demandé dans les conclusions, et non dans les moyens. Les moyens sont séparés des conclusions par la formule par ces moyens…, qui introduit les conclusions.

  1. Appréciation au regard du dispositif de la décision attaquée

Seul le dispositif de la décision, ce qu’elle décide, et non ses motifs, peut être attaquée. CE, Mme Allard-Latour, 1986. Une décision injurieuse dans les motifs, mais ne faisant pas grief, car favorable au requérant, ou ne le concernant pas, ne peut être attaquée, de même qu’une décision que le requérant a cru défavorable à son égard, mais qui est en réalité favorable. C’est alors que se pose la question de la divisibilité de l’acte.

S’il y a indivisibilité, il faut attaquer l’acte en totalité, sans quoi sera prononcée l’irrecevabilité. Le juge serait contraint de statuer ultra petita. Le requérant est en revanche recevable à demander l’annulation le partielle d’un acte dont les dispositions sont divisibles. CE, Plunian : le Juge Administratif a admis la divisibilité entre les dispositions financières d’un permis de construire et ses autres dispositions.

  1. Appréciation au regard de l’intérêt invoqué par le requérant

Le requérant devra agir avec la qualité requise pour agir en l’espèce. Libre à lui de choisir l’intérêt qu’il invoque si plusieurs intérêts peuvent valablement être invoqués à l’appui d’un recours. Le juge ne substituera pas d’office un intérêt à un autre. La prudence pousse ainsi à invoquer plusieurs intérêts à agir, à titre principal puis subsidiaire, par ex en tant que maire, puis qu’habitant. Une fusion de différentes communes emporta création d’une mairie déléguée, dépourvue de la plupart de ses prérogatives, dont la maire mit en place une pétition afin d’obtenir la défusion et le retour à une commune de plein exercice. Elle contesta l’arrêté préfectoral refusant la dé-fusion en sa qualité de maire déléguée. Son adversaire argua du fait que la décision du préfet n’était pas défavorable, puisque la confortant dans sa fonction de maire déléguée. Le moyen ne fut cependant pas reçu.

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