La responsabilité du constructeur (délictuelle ou contractuelle)

Les relations Maitre d’Ouvrage / entrepreneurs au titre de la responsabilité de droit commun

il y a 2 types de responsabilités :

  • Responsabilité des constructeurs : 1792 et s. Code Civil
  • Responsabilité contractuelle de droit commun. Nous évoquerons ici la responsabilité contractuelle de droit commun entre maitre d’ouvrage et les entrepreneurs.

La nature de cette responsabilité dans le cadre des relations MO/entrepreneurs. Ce sont des relations contractuelles a priori => la responsabilité qui sera invoquée sera la responsabilité contractuelle.

Mais à côté, une place est faite à la responsabilité délictuelle.

Le plus souvent, cette responsabilité sera une responsabilité contractuelle, mais il y a une place laissée à la responsabilité délictuelle.

A. La responsabilité contractuelle de droit commun

On va d’abord voir les situations dans lesquelles on peut avoir ce type de responsabilité (non exhaustif), puis le régime de cette responsabilité.

1. Hypothèse de l’application de la responsabilité contractuelle de droit commun

a. Réalisation de travaux qui ne relèvent pas de la réalisation d’un ouvrage

Ex : réalisation de travaux de peinture. Ils ne sont pas appréhendés par la RC. Ils relèvent de la responsabilité contractuelle de droit commun, sauf s’ils proviennent de désordres de constructions, et on a vu qu’ils pouvaient alors être traités par la RC.

b. Dommages qui surviennent avant la réception des travaux

S’ils ne sont pas dénoncés avant la réception ou au moment de la réception, et dans ce cas s’appliqueront garantie de parfait achèvement ou responsabilité de droit commun.

c. Désordres ayant fait l’objet de réserves au moment de la réception des travaux

On a le choix entre la garantie de parfait achèvement et la garantie contractuelle de droit commun

d. Les désordres ou dommages intermédiaire

Hypothèse la plus importante en matière de construction. Ce sont les désordres qui ne sont pas suffisamment importants pour justifier l’application de la responsabilité des constructeurs. Par ex ceux qui affectent l’ouvrage, mais qui ne portent pas atteinte à sa solidité, ou ne porte pas atteinte à sa destination (donc la responsabilité décennale ne s’applique pas).

Puisqu’il s’agit de désordre de construction, et la responsabilité des constructeurs est exclusive, cela veut-il dire que si la Responsabilité Civile ne s’applique pas, l’entrepreneur peut échapper à toute responsabilité ?

Cette question se pose depuis la réforme de 1978, depuis le principe d’exclusivité

Arrêt de principe du 22 mars 1995, affaire Maison Enec: on avait des désordres qui affectaient des cloisons et plafonds dans une maison qui venait d’être construite. Ces désordres n’étaient pas apparent au moment de la réception des travaux, mais la CA avait considéré que ces désordres ne relevaient pas de la responsabilité biennale ou décennale. La Cour de Cassation a consacré dans cette affaire la possibilité de mettre en oeuvre la responsabilité contractuelle de droit commun. C’est une responsabilité très calquée sur la responsabilité des constructeurs.

e. Inexécution par l’entrepreneur d’une obligation de conseil ou d’information

Et lorsque cette inexécution n’entraîne pas des désordres permettant de mettre en oeuvre la RC

f. Dépassement des délais par le constructeur

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2. Le régime de la responsabilité contractuelle de droit commun

La responsabilité est une responsabilité objective et l’obligation sera une obligation de résultat.

Sur le terrain de la prescription, elle est de 30 ans en matière contractuelle et peut être abrégée à 10 ans si on utilise les dispositions du code de commerce. La responsabilité contractuelle pourrait être plus intéressante pour la victime.

Dans un certain nombre de cas la responsabilité contractuelle est plus longue que celle des constructeurs.

Cependant on ne peut pas les mettre sur le même pied car ce sont deux responsabilités exclusives.

Cependant si un désordre est traité par la responsabilité de droit commun, ce désordre se trouve favorisé par la responsabilité de droit commun et face à cela, la cour de cassation a réagi à deux niveaux différents pour renforcer l’intérêt de la responsabilité des constructeurs pour renforcer face à la responsabilité de droit commun.

La cour de cassation a tendance à considérer que lorsque l’on est dans la période postérieure à la période des travaux, la responsabilité de droit commun est une responsabilité pour faute et non pas une responsabilité objective, et de ce fait la cour de cassation rehausse l’attrait pour la responsabilité des constructeurs.

Certains arrêts affirment que la responsabilité de l’architecte pour ces désordres est une responsabilité de plein droit, jusqu’à la réception des travaux, et après réception la responsabilité devient une responsabilité contractuelle pour faute.

Concernant les délais de prescription :

Cette discordance est soulignée par la doctrine. Même si la doctrine était favorable à ce que la prescription soit ramenée à dix ans après la réception des travaux. Mais pour cela il faudrait une intervention du législateur. Car cette prescription abrégée de dix ans est à l’art 2270 qui ne vise que la responsabilité des constructeurs.

Plutôt que d’attendre une intervention législateur qui n’interviendra jamais, la cour de cassation a limité le délai de prescription à dix suivant la réception des travaux. Et dans cette affaire cela visait tant la responsabilité d’un entrepreneur et celle d’un architecte.

Et donc la cour de cassation a considéré que de manière générale, la responsabilité de droit commun devrait être limité à dix à partie de la réception des travaux.

Tous les aspects intéressants de la responsabilité de droit commun ont été gommés pour assurer la suprématie de la responsabilité des constructeurs .

Délais de prescription : art. 2270

La Cour de Cassation, plutôt que d’attendre une intervention législative pour modifier cet art, a, dans 2 arrêts du 16 oct 2002, limité la prescription dans le cadre de la responsabilité contractuelle de droit commun à 10 ans suivant la réception des travaux.

Dans ces 2 affaires, cela visait tant la responsabilité d’un entrepreneur constructeur que la responsabilité d’un architecte. Cela signifie que la 3ème chambre de la Cour de Cassation a considéré que de façon générale la prescription de la responsabilité contractuelle de droit commun devait être limitée à 10 ans après la réception des travaux. La plupart des auteurs ont accepté cette Jurisprudence, bien qu’elle soit contra légale.

B. La responsabilité délictuelle dans le cadre des relations entre le Maître d’ouvrage et les entrepreneurs

Il est assez surprenant de parler de responsabilité délictuelle s’agissant d’une relation entre co contractants.

Certains cas de responsabilité délictuelle ont existé pendant quelques temps mais on disparu avec la Jurisprudence.

1. La cas de responsabilité pour dol du constructeur

Ce n’est pas le dol dans la conclusion du contrat. C’est plus la faute dolosive du constructeur dans la réalisation des constructions.

Cette faute dolosive correspond notamment à toute faut volontaire de l’entrepreneur qui conduit à une malfaçon dont l’entrepreneur a parfaite connaissance, mais il commet cette faute par souci d’économie.

Ex : il se rend compte dans le cadre d’un marché à forfait que les travaux coûteront plus cher, mais l’entrepreneur a la flegme de négocier avec le Maîtrise d’ouvrage.

Autre hypothèse : avant la réception des travaux, l’entrepreneur constate un certain nombre de désordres, mais les reprises qui devraient être faites prennent trop de temps ou coûtent trop d’argent. L’entrepreneur va donc volontairement cacher ces malfaçons pour qu’elles ne soient pas apparentes le jour de la réception.

Pendant longtemps, la Jurisprudence a considéré que cette faute dolosive, parce qu’elle était particulièrement grave, était une faute qui était extérieure au contrat, et donc = responsabilité délictuelle et non pas délictuelle.

Conséquences sur le MO : 2 problèmes.

1er problème : On a traité le 1er problème avec la loi de 1985 (changement en matière de responsabilité). Délai de prescription de 10 ans à compter de la réalisation du préjudice depuis la loi de 1985. Avant 1985, cela posait moins de difficulté car le délai pouvait aller jusqu’à 30 ans, mais après 1985, le délai de prescription est réduit à 10 ans voire moins => la responsabilité délictuelle était moins favorable à la victime que le délai de la responsabilité contractuelle de droit commun.

2ème problème : sur le régime de la responsabilité. La Responsabilité Civile est de nature contractuelle, donc si on se place sur le terrain de la responsabilité délictuelle, i.e. on exclut la responsabilité contractuelle de droit commun et la RC. Problème si on a un problème qui pouvait être appréhendé par la Responsabilité Civile et qu’on exclut cette RC, on squeeze en même temps l’assurance obligatoire des constructeurs. En matière délictuelle, l’assurance peut avoir été prise par l’entrepreneur, mais ce n’est pas nécessairement le cas. Finalement la victime sera défavorisée paradoxalement.

La Jurisprudence de la Cour de Cassation qui retenait la responsabilité délictuelle était très critiquée par la doctrine.

La Cour de Cassation a conservé cette Jurisprudence jusqu’à 27 juin 2001 (3ème civ): « le constructeur, nonobstant la forclusion décennale, est, sauf faute extérieure au contrat, contractuellement tenu à l’égard du Maître d’ouvrage de sa faute dolosive lorsque de propos délibérés, même sans intention de nuire, il viole par dissimulation ou par fraude ses obligations contractuelles ».

Conclusion :

Définition de la faute dolosive : avant cet arrêt, la faute dolosive était entendue de façon restrictuve par le juge. Dans la définition de la faute dolosive, on avait la nécessité de prouver l’intention de nuire de l’entrepreneur. Cet arrêt donne une nouvelle définition plus large, qui exclut la nécessité de prouver l’intention de nuire de l’entrepreneur. La Cour de Cassation nous dit que la fraude de la part de l’entrepreneur ou la dissimulation suffit pour établir la faute dolosive.

Cet arrêt nous dit aussi que même s’il s’agit d’une faute dolosive, il y a maintien de la responsabilité contractuelle, sauf faute extérieur (i.e. on maintient cette idée pour le principe, pour ne pas contredire le passé, mais cette faute extérieur = faute qui n’a aucun lien avec l’exécution du contrat, est vidé de son contenu).

Logique : l’intérêt de la victime sort renforcée.

En outre l’arrêt précise « nonobstant la forclusion décennale », i.e. comme c’est une faute particulièrement grave de la part de l’entrepreneur, on le sanctionne en supprimant le délai de prescription abrégé de 10 ans. Donc finalement pour la faute dolosive le délai de prescription sera de 30 ans. Attention : cette suppression jouera tant pour la responsabilité contractuelle de droit commun que pour la RC.

Replaçons cet arrêt dans son contexte, en 2001 : cet arrêt a surtout été rendu suite au rapport du président de la 3ème civ, et annonçait l’application d’un délai de prescription décennale même en cas de responsabilité contractuelle de droit commun (cf. 2 arrêts supra de 2002), mais en 2001, la Responsabilité Civile est aussi visée.

ðconclusion de l’arrêt 2001 : retour à la responsabilité contractuelle de droit commun.

2. Autre question discutée : à propos de l’action subrogatoire ou récursoire du Maître d’ouvrage à l’encontre de l’entrepreneur

L’hypothèse est la suivante :

On a un chantier de construction en cours, le Maître d’ouvrage fait construire sa maison par ex et a conclu des contrats d’entreprise avec des entrepreneurs. Au titre des fondations on doit couler du bêton. Il a un petit terrain et un terrain voisin qui n’est pas sa propriété. Le bêton a rempli la cave du voisinÂ… Le voisin peut intenter une action contre les entrepreneurs (de nature délictuelle) et contre le propriétaire du terrain voisin. Supposons que la Maître d’ouvrage ait indemnisé le voisin, il souhaite donc se retourner contre ses entrepreneurs, ou même s’il n’indemnise pas le voisin il appelle en garantie l’entrepreneur.

L’action en question est-elle une action récursoire ou subrogatoire ?

Si le Maître d’ouvrage est subrogé dans les droits de la victime, il peut donc intenter une action de nature délictuelle. En revanche s’il n’y a pas de subrogation, l’action du Maître d’ouvrage sera de nature contractuelle. LE choix entre responsabilité délictuelle ou contractuelle n’est pas neutre à propos du régime de la responsabilité et des délais applicables.

À ce propos, des arrêts ont été rendus par la 3ème civ de la Cour de Cassation en 1999.

Principe : il n’y a pas de subrogation, donc le recours est nécessairement contractuel.

Exception : il peut y avoir subrogation dans la seule hypothèse où le Maître d’ouvrage a préalablement indemnisé la victime avant de se retourner contre l’entrepreneur.

Le plus souvent, dans les litiges de constructions, étant donné que le procès devient global, il n’y aura pas d’indemnisation préalable du voisin par le Maîtrise d’ouvrage, donc l’action sera nécessairement contractuelle.

3. L’action du Maître d’ouvrage contre le sous traitant

La Jurisprudence dit que dans les relations entre Maître d’ouvrage et sous traitant qu’il n’y a pas d’action directe : l’action est nécessairement délictuelle. On ne peut pas invoquer la Responsabilité Civile contre le sous traitant. L’entrepreneur principal a un contrat d’entreprise avec lui, mais d’après l’art. 1792, l’entrepreneur ne peut pas être considéré comme un Maîtrise d’ouvrage, et donc pas de Responsabilité Civile possible dans leurs relations.

Exception : si c’est un sous traitant fabricant => Responsabilité Civile par le biais de l’art. 1792-4 (si c’est un épers, donc un élément pouvant entraîner la responsabilité solidaire).

Autre exception pour pouvoir réintégrer la responsabilité contractuelle : les chaînes de contrats translatives de propriété, arrêt Besse (Plén. 1991) : un plombier est sous traitant, mais les travaux sont défectueux. Divergence entre 1ère civ et 3ème civ (arrêt Clic Clac Photo…) : 1ère civ favorable à une action directe de nature contractuelle et la 3ème civ plus réticente. Arrêt Besse tranche, visa 1166 Code Civil : l’action est nécessairement délictuelle

Cet arrêt Besse est à mettre en relations avec d’autres arrêts Plén. 1986 : si on a un transfert de propriété d’un bien et que le désordre par la suite affecte ce bien (garantie des vices cachés), la garantie des vices cachées est attachée au bien et l’action demeure de nature contractuelle. Ces arrêts n’ont pas été remis en cause par l’arrêt Besse car c’est un cas particulier.

Cas particulier : l’action directe en paiement depuis une loi.

4. La responsabilité du fait des produits défectueux

Art. 1386-1 Code Civil.

Relation entre le Maître d’ouvrage et un fabricant qui a fourni un bien qui a été incorporé par l’entrepreneur.

Biens meubles incorporés à un immeuble qui présenteraient par la suite des défauts.

1er problème : quand cette responsabilité a été introduite en droit français, c’est une responsabilité objective, donc c’est une super responsabilité contractuelle de droit commun (i.e. Responsabilité Civile > responsabilité contractuelle, mais finalement on trouve maintenant une responsabilité objective très forte). Cette responsabilité est un véhicule intéressant pour les victimes. La loi de transposition française nous dit que cette responsabilité vient s’ajouter à celle déjà existante, se cumuler avec les autres, i.e. ce n’est pas une responsabilité exclusive.

1ère question : la responsabilité du fait des produits défectueux peut-elle se cumuler avec la RC ?

Lorsque le bien est incorporé à l’immeuble, on a voulu préserver l’exclusivité de la RC, donc pas de cumul possible. En revanche cela est possible en cas de responsabilité contractuelle de droit commun ou délictuelle.

La responsabilité du fait des produits défectueux n’est ni contractuelle ni délictuelle et elle vient se superposer aux autres actions possibles de droit commun, tout en sachant que cela a été mis en cause par la CJCE (sur la transposition de la loi française).

Cette responsabilité peut s’appliquer dans le domaine de la construction. C’est une responsabilité objective, sans faute et en outre les délais de prescriptions sont > aux délais de droit commun => avantage. Finalement la responsabilité du fait des produits défectueux pourrait être un moyen de palier l’infériorité de la responsabilité de droit commun par rapport à la RC.

Toutefois, 1386-6.6 du Code Civil: la responsabilité du fait des produits défectueux ne s’applique que dans l’hypothèse où les art. 1792 et s. du Code Civil ne s’appliquent pas, i.e. cette responsabilité est exclue quand il y a RC. C’est donc un moyen prévu par le législateur pour remettre d’aplomb les relations entre responsabilité de droit commun et RC.