Comment concilier 2 libertés contradictoires ?

La conciliation des libertés entre elles

Comment concilier droit à la vie et liberté de la femme de disposer de son corps ? Comment concilier liberté d’expression de la presse et droit au respect de la vie privée ? Les libertés et les droits peuvent rentrer en conflit. C’est une question fondamentale de la théorie des libertés publiques.

Les droits sont potentiellement contradictoires. A partir de ce postulat, comment se résout la contradiction ?

1.    Des droits potentiellement contradictoires

Des auteurs (constitutionnalistes) notaient qu’il existait des droits antagonistes. La réalisation des droits créances imposait un Etat très présent qui nécessairement viendrait limiter les droits et libertés. On a pu discuter la pertinence d’une telle catégorisation. Plus généralement, tous les droits et libertés sont susceptibles de se concurrencer dans certaines situations.

La DDHC de 1789 envisage explicitement cette possible contradiction. Article 4 : la liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. L’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes destinées à assurer à autrui la jouissance des mêmes droits. La Convention EDH dans ses articles 8 à 11 consacre des droits pour lesquels

Dans les paragraphes 2 des articles figurent les motifs des restrictions aux droits reconnus.

2.    Les modes de résolution de la contradiction

Les individus étant égaux devant la loi et égaux en droit, ce n’est pas la qualité du titulaire du droit qui justifie que son droit prime ou au contraire que son droit soit restreint par rapport à celui d’autrui. Sur quelle base s’opère la conciliation ?

Si elle ne repose pas sur l’égalité des titulaires des droits, repose-t-elle sur l’égalité entre les droits eux-mêmes ?

  •     Absence de hiérarchie formelle

Tous les droits consacrés dans le bloc de constitutionnalité ont la même valeur, à savoir la valeur constitutionnelle. Et ce quel que soit leurs sources. En effet le juge n’utilise pas une méthode que certains emploient, qui est la règle selon laquelle la loi la plus récente prime sur la plus ancienne. Cela n’a pas été retenu. Ainsi dans une décision de 82 le Conseil Constitutionnel n’a pas jugé que le préambule de la constitution de 1946 primait sur le texte de 1789.

Cette décision portait sur la loi portant nationalisation.

En outre, le juge ne fait pas prévaloir les normes expressément formulées sur les normes tirées implicitement de certains textes. C’est un moyen de s’intéresser au texte lui-même. Puisque le juge ne se contraint pas par ces méthodes, il va disposer d’une marge d’interprétation très importante pour opérer la conciliation entre les droits et libertés.

  •     Qui assure la conciliation et quelle type de conciliation

La conciliation est d’abord exercée par le législateur. Evidemment il fait cela sous le contrôle du conseil constitutionnel. En tant que juge de la loi il doit déterminer si les termes de la conciliation opérés par le législateur sont conformes à la constitution. Le juge va contrôler la dénaturation des droits et le contrôle des

Contrôle de la dénaturation du droit : le droit de propriété fournit un bon exemple de ce type de contrôle. Il est consacré aux articles 2 et 17 de la DDHC. Le contrôle de la dénaturation est apparu dans une décision de 1984 sur le droit de propriété rendue à propos d’une loi qui limitait les procédés d’exploitation agricoles en mettant en place une autorisation préalable. Le Conseil Constitutionnel a estimé que ces limitations n’avaient pas un caractère de gravité tel que l’atteinte au droit de propriété dénature le sens et la portée de celui-ci et soit par suite contraire à la constitution.

Comment ce contrôle va permettre de concilier droit de propriété et droit à la protection de la santé

Ex : la confrontation et la question de conciliation entre droit de propriété et droit à la protection de la santé. Décision du Conseil d’Etat du 8 janvier Loi Evin elle interdisait la pub en faveur du tabac et de l’alcool, l’objet de la loi était d’interdire la pub pour réduire la consommation de ces produits nocifs. Les parlementaires, auteurs de la saisine du Conseil Constitutionnel ont invoqué le fait qu’une telle interdiction portait atteinte au Droit Patrimonial et à la liberté d’entreprendre dans la mesure où la loi empêchait d’exploiter dans des conditions normales une marque. Le Conseil Constitutionnel répond que le droit à la protection de la santé justifie des restrictions à ses droits dès lors qu’il n’y  Pas d’atteinte à la substance même de ses droits.

Autre exemple de confrontation entre Droit Patrimonial et l’objectif de valeur constitutionnelle de logement décent : l’obtention d’un logement décent a été qualifié en 1995 d’OVC or une décision du 29 juillet  1998 qui est la loi relative à la lutte contre les exclusions. Cette loi comprend un volet concernant le logement. Le législateur a pris un certain nombre de mesure qui sont contesté devant le Conseil Constitutionnel. Le Conseil Constitutionnel estime que pour mettre en œuvre cette OVC de disposer d’un logement décent, le législateur peut apporter au Droit Patrimonial des limitations qu’il estime nécessaires à la condition que ses limitations n’aient pas un caractère de gravité tel que la portée et le sens du droit de propriété soient dénaturés.

Effectivement il y a une contrariété entre Droit Patrimonial et cette mesure mais estime que le législateur a fait une conciliation satisfaisante car il n’y a pas d’atteinte aussi grave de sorte que le Droit Patrimonial soit dénaturé. Cette jurisprudence de 1998 a été repris dans le cadre d’une QPC Conseil Constitutionnel 30 septembre 2011 Consorts M et autres : le requérant invoquait que l’article 40 du code civil (relatif au droit de propriété) était contraire aux droits et libertés que la constitution garantit. Si il appartient au législateur de mettre en œuvre l’OVC qui est de disposer d’un logement décent, et qu’il peut à cette fin limiter le droit de propriété, il rappelle que ses limitations ne doivent pas avoir un caractère de gravité.

C’est au législateur d’établir la conciliation entre des droits de l’homme concurrents avec comme limite une sorte de « noyau dur » de ses droits fondamentaux qui doit rester inaltéré. Cela donne un pouvoir, une large marge d’appréciation au Conseil Constitutionnel parce que la conciliation se fait sous le contrôle du Conseil Constitutionnel et le juge ne définit ce qu’est le « noyau dur » du droit.

Le contrôle de proportionnalité : le juge contrôle à la fois la nécessité et vérifie si la mesure choisit par l’autorité de police est bien adéquate à la finalité poursuivie : c’est la proportionnalité. Le choix de la mesure relève là aussi du législateur mais le Conseil Constitutionnel développe son contrôle et comme le Juge Administratif il ne fait pas toujours le même type de contrôle. Parfois il se contente du contrôle de l’erreur manifeste ; en cas d’erreur grossière, il laisse la encore un grand choix au législateur. A côté il y a le contrôle de proportionnalité et une partie de la doctrine dit qu’il réserve ce contrôle pour les Droits  et Libertés les plus essentiels.

Loi en 2010 destiné à renforcer la lutte contre les violences pratiquées en groupe, loi soumis au Conseil Constitutionnel et donne lieu à une décision du 25 février 2010. Cette loi prévoyait la possibilité pour les proprios d’un immeuble, placé sous vidéo surveillance privée, de transmettre à la police des images lorsque ses images permettaient de voir les évènements ou les situations justifiant l’intervention de la police. Le Conseil Constitutionnel déclare ses dispositions inconstitutionnelles dans la mesure où les garanties nécessaires à la protection de la vie privée n’ont pas été prévues par le législateur —>  disproportion du choix fait le législateur, le moyen choisi est une méconnaissance pure et simple du droit au respect à la vie privée.

Décision du 10 juin 2009 sur la loi HADOPI :  le législateur intervient avec la première version de la loi HADOPI, inconstitutionnelle car le Conseil Constitutionnel dit « eu égard à la nature de la liberté garantie par l’article 11 de la DDHC de 1789 c’est-à-dire la liberté d’expression, le législateur ne pouvait pas quel que soient les garanties encadrant le prononcé des sanctions confier de tels pouvoirs à une autorité administrative dans le but de protéger les droits des titulaires du droit d’auteur. » Le but est légitime mais on peut avoir une autorité administrative qui porte une telle atteinte à la liberté d’expression —>  disproportion là encore de la mesure décidée par le législateur.

Le Conseil Constitutionnel a  quand même un éventail de contrôles qui permet de s’intéresser aux choix opérés par le législateur.

  •      Absence de hiérarchie matérielle

Y a-t-il des droits qui primeraient toujours nécessaires sur d’autres droits ? Ceci est débattu en doctrine. La doctrine des libertés fonda ou du Conseil Constitutionnel,  s’est penché sur cette question et a essayé de voir en examinant la jurisprudence du Conseil Constitutionnel en matières de droits et libertés fonda s’il ne se dégageait pas une forme de hiérarchie matérielle. Il st fréquent de lire dans la doctrine que certains droits fondamentaux sont effectivement mieux protégés que d’autres et donc ils seraient au sommet d’une hiérarchie matérielle qui existerait. Pour autant, l’ensemble des auteurs n’aboutissent jamais à la même catégorisation il n’y pas d’auteurs qui s’accorder sur les droits qui formeraient le niveau supérieur de la hiérarchie. La liste des droits ne coïncident pas d’un auteur à l’autre donc on peut douter de la pertinence de cette analyse. L’analyse du doyen Vedel, selon laquelle l’examen de la jurisprudence constitutionnelle ne permet pas de déceler certains droits systématiquement sacrifié sur l’autel de la conciliation. Car quand le Conseil Constitutionnel a ce souci de concilier plusieurs libertés, il va s’efforcer de retenir dans ce cas particulier la solution assurant l’effectivité globale la plus forte de l’ordre constitutionnelle. Il n’existe donc pas de hiérarchie donnée une fois pour toute mais une relativisation des droits et libertés propres à chaque espèce.

On a vu le rôle important joué par le juge en particulier le juge constitutionnel. Ceci nous montre que pour qu’un droit reconnu par des textes soit effectif il va valoir autre chose, une intervention du juge qui en garantisse le respect. On se pose la question de la justiciabilité des droits de l’Homme et donc de son rôle. Il faut des garanties et là la question du juge se pose d’où la question de la justiciabilité.