Les droits et libertés ne sont pas absolus : leur exercice peut, dans certaines situations, entrer en conflit. Deux exemples emblématiques illustrent cette problématique :
Ces conflits posent des questions fondamentales pour la théorie des libertés publiques. Comment résoudre ces contradictions de manière équilibrée et conforme aux principes démocratiques ?
Certains auteurs, notamment des constitutionnalistes, ont relevé l’existence de droits antagonistes. En particulier :
De manière plus générale, tous les droits et libertés sont susceptibles de se concurrencer dans certaines situations concrètes.
La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789 anticipe ces contradictions. L’article 4 affirme que :
« La liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ; ainsi l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance des mêmes droits. »
Ainsi, la liberté de chacun trouve ses limites dans le respect des droits d’autrui. L’équilibre repose sur la réciprocité et la proportionnalité.
La Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), dans ses articles 8 à 11, consacre des droits fondamentaux comme :
Ces articles précisent, dans leurs paragraphes 2, que l’exercice de ces droits peut être restreint pour des motifs d’intérêt général ou pour la protection des droits d’autrui. Par exemple, l’article 10 § 2 de la CEDH prévoit que la liberté d’expression peut être limitée pour protéger la réputation d’autrui, l’ordre public, ou encore la sécurité nationale.
La conciliation des droits et libertés repose sur des mécanismes complexes, en l’absence d’une hiérarchie stricte des droits. Puisque tous les individus sont égaux devant la loi et que les droits fondamentaux ont la même valeur constitutionnelle, aucune primauté générale n’est accordée à un droit sur un autre. Dès lors, la résolution des conflits entre ces droits nécessite une analyse au cas par cas, assurée par les juges, notamment le Conseil constitutionnel.
Une égalité de valeur constitutionnelle
Les droits et libertés consacrés dans le bloc de constitutionnalité (DDHC de 1789, Préambule de 1946, Constitution de 1958 et Charte de l’environnement de 2004) possèdent la même valeur juridique.
Exemple jurisprudentiel :
Dans une décision de 1982 sur la loi portant nationalisation, le Conseil constitutionnel a refusé de donner une primauté au Préambule de 1946 sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789. Les deux textes, pourtant issus de contextes historiques différents, ont la même valeur constitutionnelle.
Une liberté d’interprétation du juge
En raison de l’absence de hiérarchie formelle, le Conseil constitutionnel dispose d’une marge d’interprétation considérable lorsqu’il doit concilier des droits concurrents. Cette liberté lui permet d’adopter une approche pragmatique, adaptée à chaque situation particulière.
La conciliation des droits et libertés fondamentaux est une question centrale en droit public, notamment en cas de conflits entre ces droits. Cette conciliation est d’abord opérée par le législateur, qui a pour mission d’établir un équilibre entre des droits parfois antagonistes. Toutefois, ce travail s’effectue sous le contrôle du Conseil constitutionnel et des juges. Plusieurs mécanismes permettent de vérifier la légitimité des choix opérés par le législateur : le contrôle de dénaturation et le contrôle de proportionnalité.
Le législateur est chargé de définir les règles permettant de concilier des droits concurrents, tout en respectant les principes constitutionnels. Cette mission lui laisse une large marge d’appréciation, mais ses choix sont encadrés et contrôlés par les juges constitutionnel et administratif.
Le législateur ne peut pas porter atteinte au noyau dur des droits fondamentaux, c’est-à-dire leur substance même, qui doit rester inaltérée. C’est cette limite intangible que le Conseil constitutionnel veille à préserver.
Le contrôle de dénaturation permet au Conseil constitutionnel de vérifier si une restriction à un droit fondamental porte atteinte à sa substance même, au point de le dénaturer.
Exemple : droit de propriété et santé publique
Exemple : droit au logement décent et droit de propriété
Le contrôle de proportionnalité est un autre mécanisme majeur qui permet de vérifier que les mesures adoptées par le législateur ou l’administration :
Le Conseil constitutionnel et le juge administratif appliquent ce contrôle différemment selon les cas :
Exemples jurisprudentiels :
Le Conseil constitutionnel joue un rôle central dans la définition des limites de la conciliation :
Le juge administratif suit une logique similaire, notamment dans le cadre des mesures de police administrative. Il vérifie que les restrictions apportées aux libertés sont nécessaires, adéquates, et proportionnées.
Un débat doctrinal
Certains auteurs ont tenté de démontrer l’existence d’une hiérarchie matérielle entre les droits fondamentaux. Ils avancent que certains droits seraient mieux protégés que d’autres dans la jurisprudence constitutionnelle, et formeraient ainsi un « noyau dur » de droits supérieurs.
Cependant, aucune catégorisation universelle n’a été admise :
La relativisation des droits au cas par cas
Plutôt que d’établir une hiérarchie fixe, le Conseil constitutionnel procède à une relativisation des droits en fonction de chaque espèce :
Exemple :
En résumé : La conciliation entre droits fondamentaux repose sur une approche pragmatique, sans hiérarchie formelle ou matérielle entre les droits consacrés. Le Conseil constitutionnel, grâce au contrôle de proportionnalité et au contrôle de dénaturation, assure un équilibre adapté au cas par cas. L’objectif est d’assurer l’effectivité globale de l’ordre constitutionnel tout en respectant le noyau dur des droits fondamentaux.
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