La libre circulation des capitaux

La libre circulation des capitaux au sein de l’UE

  • La libre circulation des capitaux est un des grands principes de l’Union européenne, aux côtés de la libre circulation des marchandises, des personnes et de la liberté d’établissement. Selon l’article 63 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), ce principe garantit la liberté des mouvements de capitaux entre les États membres de l’UE. Il couvre une gamme étendue d’opérations financières, incluant les investissements directs et en portefeuille, les transferts de fonds, et divers autres mouvements de capitaux. Les États membres ne sont pas autorisés à imposer des restrictions injustifiées sur ces mouvements, comme les contrôles des changes ou des limitations sur les investissements transfrontaliers.
  • Objectif ? Ce principe vise à éliminer les obstacles au commerce et aux investissements entre les États membres. Ils contribuent à la création d’un marché unique où biens, services, personnes et capitaux peuvent circuler librement, favorisant la croissance économique, la compétitivité et l’harmonisation des réglementations au sein de l’UE.

 

  • La Libéralisation des mouvements de capitaux a débuté dans les années 80, non pas directement par les traités fondateurs, mais plutôt par l’intermédiaire de directives européennes. Cette libéralisation a été renforcée par le Traité de Maastricht en 1992, qui a institué l’Union économique et monétaire, et par la suite par d’autres réformes et actes législatifs.
  • Risques associés : Bien que bénéfique pour l’intégration économique, la libre circulation des capitaux peut effectivement entraîner des risques de déstabilisation des taux de change et d’évasion fiscale. Ces risques sont continuellement adressés par de nouvelles réglementations et coopérations internationales, comme l’échange automatique d’informations fiscales entre pays de l’UE et l’adoption de mesures contre l’optimisation fiscale agressive.
  • Définitions et jurisprudences :
    • Notion de capitaux : La CJUE a établi dans l’arrêt Luisi et Carbone (31 janvier 1984) que les capitaux concernent principalement les placements et les investissements financiers. Bien que la directive du 24 juin 1988 qui listait et libéralisait diverses catégories de capitaux ne soit plus en vigueur, sa classification reste un point de référence, comme indiqué dans l’arrêt Trummer et Mayeur, affirmant la valeur indicative de cette liste pour définir les mouvements de capitaux.
    • Circulation des capitaux : Elle implique un transfert de valeurs ou de monnaies pouvant prendre diverses formes (emprunts, virements, achats de produits financiers…). La condition d’extranéité requise indique que le transfert doit s’effectuer entre personnes de nationalités différentes ou entre personnes de même nationalité mais résidant dans des États différents, franchissant ainsi une frontière.
  • Distinction avec d’autres libertés :
    • Capitaux/Marchandises : Lorsque les pièces de monnaie ont cours légal, elles relèvent de la libre circulation des capitaux; sinon, elles sont considérées comme des marchandises.
    • Capitaux/Liberté d’établissement et Libre prestation de services : Le droit d’établissement et la libre prestation de services sont souvent préalables aux mouvements de capitaux, surtout lorsque ces mouvements sont réalisés par des établissements financiers. La CJUE applique le principe selon lequel l’accessoire suit le principal pour distinguer ces libertés.
  • Champ d’application : La liberté de circulation des capitaux a un champ d’application plus large, s’appliquant à la fois aux relations intra-communautaires et aux relations avec les États tiers.

SECTION 1 : LES DISPOSITIONS DU TRAITE DE ROME

Les traités européens prévoient des dispositions tant sur le plan interne qu’externe, notamment dans les articles 67 à 73 du Traité instituant la Communauté Économique Européenne (TCEE), qui est maintenant remplacé par le Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE).

Volet interne :

  • Article 67 TCEE (maintenant Article 63 TFUE): Les États membres s’engagent à supprimer les restrictions sur les mouvements de capitaux entre personnes résidant dans les États membres. Cette suppression devait être progressive et nécessaire pour le bon fonctionnement du marché intérieur.
    • Une distinction est faite entre les capitaux et les paiements courants, comme expliqué dans l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) dans l’affaire Luisi et Carbone :
      • Les paiements courants concernent les transactions sous-jacentes, telles que les services, les marchandises ou le travail rémunéré.
      • Les mouvements de capitaux concernent le placement ou l’investissement.
    • Les paiements courants sont soumis à la libre circulation correspondante, tandis que les capitaux bénéficient de la libre circulation des capitaux.
    • En 1957, les entraves à la libre circulation des capitaux n’étaient pas totalement interdites par le traité.
  • La période de transition n’était pas clairement définie dans l’article 67, et il y avait des clauses de sauvegarde permettant des exceptions, notamment en cas de crise grave de la balance des paiements.
    • L’article 71 (maintenant Article 64 TFUE) encourageait les États à ne pas introduire de nouvelles restrictions et à ne pas renforcer les réglementations existantes concernant les échanges avec les pays tiers.

En raison de l’absence de clarté, la CJUE, dans l’arrêt Casati du 11 novembre 1981, a jugé que l’article 67 n’avait pas d’effet direct, car il n’était pas suffisamment clair, inconditionnel et précis.

Volet Externe :

  • Article 70 TCEE (également mis à jour dans le TFUE): Celui-ci se concentrait sur la coordination des politiques de change entre les États membres vis-à-vis des pays tiers. La libéralisation des mouvements de capitaux avec les pays tiers a été progressivement étendue par divers règlements et directives suivant l’entrée en vigueur de l’Euro et la création de l’Union économique et monétaire.

Mises à jour et développements actuels :

  • Les articles mentionnés ont été remplacés et intégrés dans le TFUE, qui fait partie des Traités de Lisbonne entrés en vigueur le 1er décembre 2009.
  • Actuellement, le principe de la libre circulation des capitaux est l’un des quatre libertés fondamentales du marché unique de l’UE, et il s’applique tant aux transactions intra-UE qu’aux transactions avec des pays tiers.
  • Des mesures de sauvegarde existent toujours pour faire face à des situations exceptionnelles, comme l’illustrent les interventions durant la crise financière de 2008 et les développements subséquents concernant la régulation financière en Europe.
  • La législation européenne sur les mouvements de capitaux continue d’évoluer, notamment en réponse à l’évasion fiscale, au financement du terrorisme et au blanchiment d’argent, avec des directives comme la quatrième et la cinquième Directive anti-blanchiment (4AMLD et 5AMLD), ainsi que des règlements plus récents tels que le Règlement (UE) 2019/452 établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l’Union.

En résumé, la libéralisation des mouvements de capitaux dans l’Union européenne a évolué de manière significative depuis les dispositions initiales du Traité de Rome. Aujourd’hui, les règles relatives à la libre circulation des capitaux sont énoncées dans le TFUE et ont été renforcées et précisées par la jurisprudence et une série de législations complémentaires. Voici les points clés actuels :

  • Les règlements récents visent à renforcer l’Union économique et monétaire, à approfondir l’Union bancaire, et à assurer la stabilité financière de l’Union. L’accent est également mis sur la lutte contre les flux financiers illicites, l’évasion fiscale et le financement du terrorisme.
  • Le développement du marché unique numérique affecte également la libre circulation des capitaux, avec un accent particulier sur les technologies financières (FinTech), la monnaie électronique, et les crypto-monnaies. Les réglementations telles que le Règlement sur les marchés de crypto-actifs (MiCA) en sont des exemples récents.

 

SECTION 2 : LES DIRECTIVES ADOPTEES PAR LE CONSEIL

Principes fondamentaux de la libre circulation des capitaux:

  • La directive la plus significative concernant la libre circulation des capitaux fut celle du 24 juin 1988. Cette directive a été fondamentale dans l’établissement de la libéralisation complète des mouvements de capitaux au sein de la Communauté européenne.

Aspects clés de la Directive de 1988:

  • Article 1: Les États membres sont tenus d’éliminer toutes les restrictions sur les mouvements de capitaux entre résidents des États membres. Ce principe d’interdiction des restrictions est essentiel pour garantir la libre circulation des capitaux.
  • Article 4: Il est stipulé que les États membres peuvent maintenir le droit d’adopter des mesures nécessaires pour prévenir les infractions à leur législation, notamment en matière de régulation fiscale, et peuvent exiger des déclarations pour le suivi administratif et statistique des mouvements de capitaux. Cette disposition vise à prévenir la fraude et l’évasion fiscale.
  • Article 7, paragraphe 1: Cette disposition étend les principes de libre circulation des capitaux au niveau international. Les États membres s’engagent à appliquer à leurs transferts avec les pays tiers un degré de libéralisation équivalent à celui en vigueur dans les transactions intra-communautaires.

En ce qui concerne la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, des directives récentes telles que la 4ème et la 5ème Directives sur le blanchiment d’argent ont été adoptées, apportant des modifications significatives en termes de transparence et de contrôle des mouvements de capitaux.

Il est également pertinent de mentionner les effets du Brexit sur la libre circulation des capitaux, car le Royaume-Uni, en quittant l’UE, n’est plus soumis aux mêmes règlements que les États membres en ce qui concerne la circulation des capitaux.

 

SECTION 3 : LES DISPOSITIONS DU TFUE

Libéralisation progressive des mouvements de capitaux et dispositions du TFUE (Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne):

  • Les dispositions relatives à la libre circulation des capitaux ont été introduites par le Traité de Maastricht (TCE), qui a établi l’Union européenne en 1993. Elles codifient partiellement la directive de 1988 tout en élargissant leur portée, notamment en alignant les régimes des mouvements de capitaux à l’intérieur de l’UE avec ceux impliquant des pays tiers, comme stipulé dans l’Article 63 TFUE.
    • Article 63 TFUE, paragraphe 1: Toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres, ainsi qu’entre les États membres et les pays tiers, sont interdites.
    • Article 63 TFUE, paragraphe 2: Toutes les restrictions aux paiements entre les États membres, ainsi qu’entre les États membres et les pays tiers, sont interdites.
  • La distinction entre mouvements de capitaux et paiements est maintenue, mais aujourd’hui elle a moins d’importance pratique puisque le même régime juridique s’applique généralement à ces deux aspects. Toutefois, cette distinction demeure pertinente en ce sens que des restrictions peuvent être appliquées uniquement aux mouvements de capitaux et non aux paiements.
  • La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a joué un rôle déterminant dans la définition des restrictions à la libre circulation des capitaux, transposant sa notion d’entrave à ce domaine. La jurisprudence de la CJUE pose trois conditions pour qu’une mesure nationale soit considérée comme une restriction à la libre circulation des capitaux :
    1. La mesure doit être imputable à un État membre, que ce soit dans ses fonctions étatiques ou économiques.
    2. La mesure nationale doit concerner la notion de capital au sens de la directive de 1988.
    3. La mesure doit avoir une dimension internationale, affectant les échanges avec les États tiers.
    4. La mesure doit avoir un caractère restrictif.
  • En ce qui concerne les entraves directes et indirectes à la libre circulation des capitaux, la CJUE a condamné les deux types. Par exemple, dans l’affaire CJUE 26 septembre 2000 – Commission vs Belgique, la Cour a jugé qu’une réglementation pouvait être contraire à l’article 63 même sans être discriminatoire, si elle est susceptible de dissuader le mouvement de capitaux.
  • En matière de législation fiscale, de nombreuses mesures nationales ont été contestées pour leur compatibilité avec la libre circulation des capitaux. Un cas célèbre est celui de CJUE 14 octobre 1989 – Sandoz, où une législation autrichienne a été remise en question car elle imposait un droit de timbre rendant plus onéreux les mouvements de capitaux pour les non-résidents.
  • Le TFUE va plus loin que la directive de 1988 en imposant une obligation juridique contraignante d’alignement des régimes interne et externe, promouvant ainsi l’UE comme une zone financière intégrée mais ouverte sur le monde. L’aspect externe, cependant, peut comporter davantage d’exceptions à la libre circulation des capitaux en raison de divers enjeux comme la sécurité nationale ou les politiques macroéconomiques.
  • La jurisprudence de la CJUE sur l’article 63 a évolué pour reconnaître son effet direct, comme dans l’arrêt CJUE 14 décembre 1995 Sanz de Lera, soulignant l’importance de cette disposition dans le contexte juridique actuel.

 

Cependant, il existe des exceptions et des limitations à la libre circulation des capitaux, souvent pour des raisons de sécurité publique, de protection de la santé et de l’environnement, ou pour préserver l’intérêt général. Les États membres peuvent imposer des restrictions dans certaines circonstances spécifiques, mais ces mesures doivent être justifiées et proportionnées​

Les limites à la liberté de circulation des capitaux