La délégation parfaite ou délégation novatoire

La délégation parfaite ou délégation novatoire

La délégation est le mécanisme par lequel le débiteur (« le délégant ») délègue au créancier (« le délégataire ») un tiers qui reprend la dette à son compte et devient donc le nouveau débiteur (« le délégué »). Il existe deux types de délégation : la délégation parfaite et la délégation imparfaite.

La délégation est dite parfaite lorsqu’en contrepartie de l’engagement du délégué, le délégant se trouve libéré. Il y a alors véritablement changement de débiteur, par substitution du délégué au délégant.

La délégation est imparfaite lorsque le délégataire ne déclare pas expressément décharger le délégant, celui-ci reste tenu de la dette. Il y a alors non pas substitution, mais adjonction d’un débiteur à un autre : le créancier peut alors poursuivre à son choix le délégué ou le délégant. C’est le cas le plus courant.

Il s’agit une forme de novation, c’est une novation par changement de débiteur. On l’a entraperçu dans le chapitre sur la novation. Pour la présenter, on va mettre en exergue les différences entre la délégation parfaite et imparfaite.

§1. Les conditions

Il faut là aussi que les trois intervenants donnent leur consentement. Cependant nous avons vu que dans le cadre de la délégation imparfaite, le consentement du délégataire ne peut n’être que tacite. C’est la différence avec la délégation parfaite où l’incidence de l’opération est importante pour le délégataire, car le délégant était son débiteur, et il en a un nouveau : le délégué.

Le consentement exprès est exigé du délégataireart. 1275 Code civil Cela signifie que le délégataire. Cela signifie qu’il doit accepter son nouveau débiteur : le délégataire, et son nouveau débiteur d’origine doit être libéré, le délégant. Aucune condition de forme n’est exigée, mais on doit pouvoir tirer cette acceptation. Sinon cela signifie qu’il n’y a pas d’intention de nover : l’animus novendi fait défaut.

Concernant l’objet : il n’y pas d’influence du caractère parfait ou imparfait de la délégation.

S’agissant enfin de la cause de l’engagement du délégué, cette cause dans la délégation parfaite, est différente de la cause de la délégation imparfaite.

La cause ici c’est la libération du délégant.

§2. Les effets

Il faut mettre en exergue ici les différences entre délégation simple et délégation parfaite. On va envisager les 3 types de rapports issus de cette délégation.

A) Les effets dans les rapports délégués délégataires

Il y a création d’une obligation nouvelle. L’effet principal c’est l’inopposabilité des exceptions.

En principe on ne peut pas tirer d’exception du lien de droit fondamental (délégant – délégataire) et le délégué ne peut pas les opposer au délégataire.

Cependant comme c’est une forme de novation, et que ce qui relie dans la novation l’acte ou l’obligation qui a disparu avec l’obligation nouvelle, c’est la cause. La cause fait le lien.

C’est une novation par changement de débiteur. C’est l’obligation O1 qui va être remplacée par une obligation O2. Le créancier qui avait un débiteur se retrouve avec un autre débiteur.

Or dans la novation, ce qui relie l’obligation disparue et celle qui est née c’est la cause. La cause se situe dans l’obligation qui a disparu, celle qui existait entre le créancier et débiteur (entre le délégataire et le délégant, et O1 a disparu. Simplement comme on est en présence d’une novation, cela emporte une limite au principe d’inopposabilité des explications. Cette limite c’est que les nullités tirées de l’obligation d’origine, qui unissait le délégataire au déléguant, obligation qui a disparue, ces nullités, si elles sont avérées, le délégué pourra s’en prévaloir à l’égard du délégataire, parce qu’en réalité lorsqu’une telle nullité existe, signifie que son propre engagement est dépourvu de cause, donc est nul, donc disparait.

Dans l’hypothèse où des garanties viendraient garantir l’obligation préexistante, le délégataire, s’il pouvait s’en prévaloir à l’égard du délégant, ne le peut plus. Mais également toutes garanties et sûretés ont disparu.

B) Les effets dans les rapports délégants délégataires

C’est dans ces rapports que la délégation parfaite produit ses effets les plus significatifs, qui la distinguent de la délégation imparfaite.

Effet principal : la libération du délégant. L’obligation dont le délégant été débiteur a disparu, il est donc libéré. Mais toutes les garanties et toutes les sûretés ont également disparu.

Exceptions.

A cette disparition du lien de droit il existe néanmoins deux exceptions, visées à l’article 1276 Code civil

Ces exceptions supposent que le délégataire a exercé un recours contre le délégué pour être payé et ce recours a été vain, il n’a pas été payé.

Le délégataire pourra poursuivre le déléguant si la délégation est intervenue alors que le délégué était déjà en état de faillite ou de déconfiture (art. 1275).

Faillite : redressement judiciaire ou liquidation d’une société ou entreprise. Déconfiture : situation de surendettement d’un particulier.

2nde exception : elle résulte de la liberté contractuelle. Le délégataire pourra poursuivre le délégant s’il s’en est réservé la possibilité dans la convention de délégation.

Il reste une question en suspend : sur le fondement de quel lien de droit ce recours peut-il être exercé ? (C’est une divergence doctrinale).

Il y a deux possibilités : on considère que le recours est possible sur le fondement de l’obligation préexistante, qui revit du fait de la réalisation de l’exception.

Deuxième possibilité : l’obligation originelle a disparu, elle ne peut pas renaître. Du coup, l’action qui est exercée par le délégataire à l’encontre du délégant se fait sur le fondement de la nouvelle obligation, celle qui existait entre le délégataire et le délégué. Il y a une substitution de débiteurs. Donc le fondement : c’est l’obligation issue de la délégation à l’encontre du délégant.

C) Les effets dans les rapports entre délégants et délégués

Le délégant est libéré à l’égard du délégataire en principe. Pour autant il se demande ce qu’il en est des rapports entre délégant et délégué. La question se pose uniquement si avant la délégation il y avait un rapport de droit préexistant entre délégant et délégué, au terme duquel le délégant était le créancier du délégué.

La délégation a pour effet de geler ce rapport de droit, il ne disparaît pas cependant. Cela signifie que le délégant ne peut pas en demander l’exécution au délégué.

On comprend que le délégué devrait sinon payer à la fois le délégataire et le délégant.

Si le délégué paie le délégataire, cela fera que le rapport de droit entre délégué et délégataire disparaitra. Si la délégation ne fonctionne pas ou est annulée, alors le rapport de droit qui a été gelé, est dégelé. Cela a pour conséquence que le délégant peut demander au délégué de payer sur le fondement du rapport de droit préexistant.