Acte authentique, sous seing privé… quelle force probante?

LA FORCE PROBANTE DES DIFFÉRENTS ECRITS ?

Lors de preuves avant les procès, on parle de preuve a priori. Il existe également des preuves a posteriori.

Les preuves a priori sont les modes de preuves que les parties doivent constituer avant que les difficultés naissent, avant le procès. Elles consistent dans des écrits, constitués pour faire la preuve d’un fait ou un acte juridique (Ex : Procès verbal ). Il faut distinguer l’écrit rédigé pour faire la preuve de l’acte juridique, et l’acte juridique lui-même.

Il faut distinguer le negocium de l’instrumentum. C’est une distinction fondamentale. Le negocium c’est l’acte de volonté qui donne naissance au contrat , a  l’accord, l’instrumentum est le support de l’accord, le support qui fait la preuve du contrat. Pour être valable, le contrat n’a pas besoin d’être écrit. Quand on parle d’écrit en matière de preuve on vise l’instrumentum. 

Tous ces modes de preuves ne peuvent pas systématiquement être admis par le juge. Le droit français organise un filtrage du mode de preuve en fonction de ce qui doit être prouvé.

Qu’entend on par mode de preuve a priori / Il s’agit d’écrits. On parle également de preuve littérale.

Ce mode de preuve présente beaucoup d’avantages :

  • ·                     C’est un mode de preuve constitué à l’avance.
  • ·                     Il a une valeur objectif (Ce qui n’est par exemple pas le cas des témoignages ).
  • ·                     L’écrit n’est pas affecté par le temps.

 Quid de l’écrit électronique (numérique) :

Jusqu’en 2000, lorsqu’on parlait d’écrit, on parlait d’écrit sur support papier. Le développement de l’informatique a remis en cause la question. Dans cet hypothèse les parties ne disposaient pas d’écrits papiers. Ne disposant pas d’écrits papiers, les parties qui contractaient par Internet ne pouvaient pas présenter une preuve écrite de leur contrat.

Le législateur est intervenu par une loi, qui a eu pour but d’adapter le droit de la preuve à l’informatique, en modifiant les articles 1316 à 1316-4 du Code civil.

Depuis cette loi de 2000, la preuve écrit résulte d’une suite de lettre, de caractère, de chiffre, ou de tout autre signe ou symbole doté d’une signification intelligible quel que soit leur support ou modalité de transmission. Il y a donc désormais les écrits papiers et les écrits électroniques.

 

Cependant, pour que l’écrit électronique puisse être équivalent à l’écrit papier, une double condition doit être remplie :

  • Il faut que la personne dont émane l’écrit électronique puisse être identifiée. Article
  • Il faut que cet écrit soit établi et conservé dans des conditions de nature à en conserver l’intégrité.

Si cette double condition est remplie, l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit papier.

Il existe deux types d’écrits :

  • ·                     L’acte authentique
  • ·                     L’acte sous seing privé

On prévoit aujourd’hui qu’un troisième type d’écrit puisse exister : L’acte d’avocat.

  1. L’acte authentique

Régit à l’article 1317 du Code civil. C’est l’acte dressé par une personne qui a reçu spécialement pouvoir à cet effet (Pour l’essentiel les notaires ).

Chaque officier public a une compétence territoriale propre, et une compétence matérielle.

Pour être valable, l’acte est soumis à de nombreuses exigences formelles : L’indication de la date, la signature de l’officier publique, et la signature des parties.

 Dans un arrêt du 16 Novembre 2007 la chambre mixte de la Cour de cassation a dit qu’il n’est pas nécessaire que les parties paraphes les annexes.

 Les actes authentiques ont une force probante très importante : Ils font foi (Ils prouvent l’existence et le contenu de l’acte dont ils sont le support jusqu’à inscription de faux relativement aux faits personnellement constatés par l’officier public ). L’acte garde sa force probante tant que celui qui entend la contester n’a pas rapporté la preuve de la fausseté de l’acte.

Pour être tout à fait précis, s’agissant de la force probante de l’acte authentique, il faut distinguer l’origine de l’acte et son contenu.

L’acte lui même, son origine, fait foi jusqu’à inscription de faux. Il ne sert à rien à l’auteur de l’acte de désavouer sa signature. De même on va considérer que la date de l’acte est certaine. Si il y a contestation sur le contenu de l’acte, en revanche, la force de l’acte authentique est moindre.

Tout ce qui a été consigné par l’officier public agissant dans le cadre de sa compétence, autrement dit tout ce qu’il a pu ou tout ce qu’il a du vérifier fait foi jusqu’à inscription de faux.

En revanche, ce que l’officier public ne fait que relater, sans l’avoir lui même vérifier, cela ne fait foi que jusqu’à preuve contraire (Ex : Une personne mariée déclare que l’argent avec lequel elle va payer tel ou tel bien est personnel, cela ne fait foi que jusqu’à preuve contraire, le notaire ne va pas le vérifier ).

 Dernier intérêt, l’acte authentique est assortie de la formule exécutoire, cela veut dire que si un créancier possède un acte authentique, que sa créance est liquide et exigible (C’est à dire si sa créance est estimée en argent ), ce créancier peut directement obtenir la saisie des biens de son débiteur sans avoir a recourir au juge pour obtenir la formule exécutoire.

  1. L’acte sous seing privé

Régit par l’article 1122 du Code civil. C’est l’acte écrit et signé par les parties elles mêmes.

  • les conditions de validité de l’acte sous seing privé

En principe une seule formalité, c’est la signature de la ou des parties. L’acte sous seing privé est donc n’importe quel document écrit, à partir du moment où il est signé par les parties.

  1. La signature

La signature n’a été réglementée qu’en 2000. Le législateur dans la loi du 13 Mars 2000 a d’abord précisé les fonctions de la signature. Article 1316-4 alinéa 1 du Code civil, on voit que la signature sert à identifier son auteur et elle manifeste le consentement des parties aux conséquences qui en découlent. Pour l’essentiel elle sert à savoir de manière certaine de qui émane l’acte.

Cependant, une croix, des empruntes digitales, ou la signature d’une personne illettré ne constitue pas des signatures au sens juridique du terme.

Ce procédé de la signature ne peut pas être retenu pour les écrits électroniques. La signature électronique peut être n’importe quel procédé (Mot de passe, code, emprunte digitale ) à condition qu’il permette d’identifier de manière fiable son auteur. La fiabilité du procédé sera présumé à condition que la signature soit sécurisée c’est à dire que toute modification ultérieure puisse être détectée (Pour sécuriser la signature électronique, le législateur a décidé qu’on devra faire appel à des certificats électroniques qualifiés. Ces certificats accompagnent chaque transmission électronique, et donne des garanties quant à l’authenticité du signataire, et l’intégrité du message ). En pratique, un contrat est signé par chaque partie qui est chargé de vérifier que telles signatures cryptées correspond bien à telle personne. Si la signature électronique est sécurisée, elle bénéficie d’une présomption de fiabilité. En revanche, si la signature électronique n’est pas sécurisée, elle ne bénéficie d’aucune présomption de fiabilité. Cela veut dire que l’on peut en contester la fiabilité sans avoir besoin de prouver qu’elle est fausse.

  1. Les autres formalités

Première formalité : La formalité du double dans les contrats synallagmatique. Si l’acte sous seing privé est le support d’un contrat synallagmatique, l’acte doit être établi en deux exemplaires. Il faut éviter que la personne qui ne possède pas d’exemplaire soit à la merci de son adversaire, qui selon son intérêt dirait que le contrat existe ou qu’il n’existe pas. Il s’agit aussi d’éviter que celui qui possède le contrat unique en modifier le contenu. La validité du contrat n’est pas remis en cause en temps que negocium, en revanche il est nul en temps en temps qu’instrumentum. Si l’acte sous seing privé n’a pas été rédigé en deux exemplaires, on considérera que les parties ne disposent pas d’un écrit au sens d’acte sous seing privé ou d’acte authentique.

Par exception, la formalité de l’article 1325 n’est pas exigée si les parties ne contestent ni l’existence, ni le contenu de l’acte. Il en va de même lorsque l’exemplaire unique a été remis à un tiers qui a la confiance des deux parties. C’est une application de la règle, la loi cesse là où cessent ses motifs. Admissibilité

 Deuxième formalité : La mention de la substance de l’engagement pour les actes qui constatent une obligation uni-latéral, auparavant appelé la formalité de la mention manuscrite. Selon l’article 1326, si l’acte sous seing privé constate une promesse uni-latérale de payer une somme d’argent, ou de livrer une chose fongible, il doit en plus de la signature, reproduire la mention écrite « par lui même » c’est à dire par son auteur, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. L’ancien article 1326 prévoyait une mention manuscrite, par exemple la reconnaissance de dette pouvait être tapé à la machine, mais la somme devait être écrite à la main. Mais l’article 1326 a du être modifié pour être conforme à la loi du 13 Mars 2000 qui a admis l’écrit électronique. Et donc l’expression mention manuscrite à été remplacé par l’expression « par lui même ».

Cette formalité sert à éviter les erreurs d’écritures, vérifier que le débiteur a bien pris conscience de son engagement, et puis surtout éviter les hypothèses de blanc-seing c’est à dire les hypothèses dans lesquels l’acte est rédigé en blanc (On laisse un vide qui sera rempli par le créancier ).

La portée de la suppression de la mention manuscrite a posé problème. Deux interprétations étaient possibles :

  • La première interprétation était de considérer que la suppression de la mention manuscrite ne valait que pour les écrits électroniques.
  • La deuxième interprétation consistait à considérer que la suppression de la mention manuscrite valait pour tous les écrits (La loi ne distingue pas ). Dans cette deuxième hypothèse, un écrit papier aurait eu la valeur d’un acte sous seing privé même si la mention de la somme n’avait pas été écrite à la main par l’auteur de cette reconnaissance. Il semblerait que la Cour de cassation se soit prononcé en ce sens. Elle a admis qu’était un acte sous seing privé, un acte qui était entièrement dactylographié dans lequel un emprunteur avait reconnu être débiteur d’une somme mentionné en lettres et en chiffres. Lorsque le débiteur peut apposer la mention de sa main de manière manuscrite, on devrait cependant exiger qu’il le fasse. Il reste que la Cour de cassation a précisé que l’acte dactylographié ne vaut acte sous seing privé qu’à la condition que l’auteur de la signature et l’auteur de la mention étaient bien la même personne.

 

Les mentions lu et approuvé, ou bon pour, non aucune valeur juridique, la Cour de cassation l’a rappelé dans un arrêt de 2008. L’absence de la mention n’a aucun effet sur la validité de l’acte sous seing privé.

 

  • La force probante

La force probante de l’acte sous seing privé est moindre que celle de l’acte authentique.

L’acte sous seing privé classique, sur papier, ne bénéficie d’aucune présomption de régularité quant à son origine, la partie a qui on oppose l’acte peut la repousser en affirmant ne pas en être l’auteur sans avoir besoin de prouver la fausseté de la signature, il suffit que la partie désavoue l’acte. L’acte sera momentanément privé de toute force probante, c’est à celui qui veut bénéficier de l’acte qui appartient de vérifier la véracité de la signature. Il va saisir le juge, qui va ordonner une vérification d’écriture. Si la procédure abouti à la conclusion que la signature est régulière, l’acte sous seing privé acquière la même foi que l’acte authentique et ne pourra plus faire l’objet à une procédure d’inscription de faux.

Cependant, au contraire, la fiabilité de la signature électronique est présumée jusqu’à preuve du contraire si la signature a été vérifié à l’aide d’un certificat électronique qualifié.

 

Quant à son contenu, l’acte sous seing privé bénéficie d’un présomption de régularité mais uniquement jusqu’à preuve contraire. Cette preuve contraire doit nécessairement, en application de l’article 1341 alinéa 1, être donné par le biais d’un écrit.

S’agissant de la date, on distingue entre les parties, les actes sous seing privé font foi jusqu’à preuve du contraire. A l’égard des tiers, les actes sous seing privé, la date ne fait pas foi du tout. La date des actes sous seing privé n’est opposable aux tiers qu’à compté du moment où cette date est devenue certaine, à partir du moment où l’acte a été enregistré. Par exemple, pour être opposable aux tiers, les ventes d’immeubles doivent être enregistrées au bureau des hypothèques, et en Alsace Moselle, les ventes d’immeubles doivent être publiés au livre foncier qui se trouve au tribunal d’instance. Cette règle ce justifie pour lutter contre l’anti-date, qui résulte de la connivence des parties en vue de portée atteinte aux droits des tiers (Ex : A vend son immeuble à B pour 150000€, quelques jours après il rencontre C qui lui propose 170000€. Il serait très facile de conclure entre A et C un contrat de vente, et de l’anti-daté. Pour éviter cette pratique, l’éventuel contrat entre A et C ne sera opposable à B qu’à compté de son enregistrement.

 

  1. L’acte d’avocat

Ou le contre seing de l’avocat.

Cet acte d’avocat ne fait pas parti du droit positif. Le projet de loi n’a pas encore été adopté par le Sénat.

Ce projet de loi reconnaît des effets de loi à l’acte qui a été signé par un avocat. On veut encourager les individus à recourir aux conseils de l’avocat pour rédiger un acte, car cela devrait décourager d’engager des contestations ultérieures.

L’acte d’avocat se distingue de l’acte authentique et de l’acte de seing privé. Comme l’acte authentique il fera pleine foi de l’écriture et de la signature des parties (Il est prévu de lui attribuer la procédure de faux ). Pour autant il ne pourra pas être confondu avec l’acte authentique parce que relativement à son contenu, l’acte d’avocat fera preuve uniquement jusqu’à preuve contraire.

 

L’acte authentique, l’acte sous seing privé et peut être demain l’acte d’avocat, sont des preuves parfaites. En ce sens que ce sont des preuves qui s’imposent au juge qui ne peut remettre en cause leur force probante. Si les parties apporte au juge un acte authentique ou un acte sous seing privé valable, le juge est obligé de faire droit à cette partie.

Il n’en va pas systématiquement de même des autres écrits que sont les lettres missives (Le courrier ), les registres, et les papiers domestiques.

 

  1. Les lettres missives

Ces lettres peuvent jouer un rôle en matière de preuve, à trois conditions :

  • Elles doivent être en la possession régulière de celui qui les invoque (Elles ne doivent pas être obtenue par fraude ou par violence ).
  • Il faut que leur utilisation ne heurte pas le principe de la confidentialité de la correspondance. Si les lettres d’affaires peuvent être librement invoquées, les lettres privées ne peuvent pas l’être mais cela relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.
  • Il faut que le destinataire de la lettre l’invoque contre l’expéditeur.

 

Le courrier peut être invoqué à différents titres :

  • A titre d’aveu extra judiciaire
  • A titre de commencement de preuve par écrit
  • A titre de présomption judiciaire
  • La lettre peut être assimilé à un acte sous seing privé lorsque son contenu apparaît aux juges comme étant assez pertinent. Dans ce cas là, la jurisprudence dit qu’il importe peu que la lettre n’est pas été rédigé en double du moment qu’elle est signée de la main de celui à qui on l’oppose.

 Au côté du courrier, on peut ranger le journal intime. En principe un journal intime ne peut pas être utilisé comme mode de preuve contre son auteur. Mais il existe une exception : Un époux peut opposer à son conjoint son journal intime dans le cas ‘une procédure de divorce, à condition tout du moins que l’époux n’est pas obtenu le journal intime par fraude ou par violence.

 La Cour de cassation a énoncé que l’enregistrement, sur une cassette d’une conversation téléphonique privé entre un donateur et un donataire, était une preuve déloyale car effectué à l’insu du donataire. En revanche, l’enregistrement d’un SMS est admis comme mode de preuve dans la mesure où son auteur ne peut ignorer qu’il a été enregistré par l’appareil récepteur.

  1. Les copies

En 1804, lors de la rédaction du Code civil, les copies ne se sont vu reconnaître aucune force probante particulière. Certes, l’article 1134 du Code civil dispose que la copie d’un acte peut être produite en justice. Mais il faut alors que la partie soit capable sur demande de son adversaire, d’en produire l’original.

Les copies ne peuvent être utilisé à condition de disposer de l’original.

 

Loi du 12 Juillet 1980 votée en réponse aux problèmes rencontrés par les banques. Les banques ont l’obligation de garder une trace des transactions traitées. Mais elles se sont rendues compte que c’était impossible. Elles ont donc pris l’habitude de recourir à des microfilms et la seule trace des opérations passées étaient ces microfilms. Pour répondre à ce problème, le législateur en 1980 a rajouté à l’article 1348 du Code civil un alinéa 2 aux termes duquel l’exigence d’un écrit peut être écarté si une partie qui n’a pas conservé le titre originel présente une copie qui est la reproduction fidèle et durable de l’original. En conséquence de quoi un microfilm, une photocopie, une télécopie, pourront avoir une force probante à condition que ces documents soient fidèles et durables. Si les juges ont la certitude que la copie émane bien de celui à qui elle est opposée, et qu’elles ont la certitude que la copie n’a pas été falsifié, et bien les juges qualifieront la copie de fidèle et durable,  ce qui va lui fournir une force probante autonome, la copie suffira à elle seule à prouver le contrat. Si les juges pensent que la copie a été falsifié ou si une des deux parties conteste la validité de la copie, elle ne voudra que comme commencement de preuve par écrit, ou indice.

Arrêt de la chambre civil du 30 Mai 2000 : Les photocopies d’une banque n’est ni une copie fidèle et durable ni même un commencement de preuve par écrit.

 

Dans certains cas, le demandeur peut être autorisé à fournir aux juges d’autres preuves.

 

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