Les preuves peuvent être classées en preuves a priori et preuves a posteriori, en fonction du moment où elles sont constituées.
1. Les preuves a priori
Les preuves a priori sont celles que les parties constituent avant que des difficultés n’apparaissent ou qu’un procès soit envisagé. Elles prennent généralement la forme d’écrits, qui sont conçus pour attester de la réalité d’un fait ou d’un acte juridique. Ces preuves a priori sont également appelées preuves littérales. Les écrits produits à titre de preuve anticipée offrent plusieurs avantages :
Une distinction fondamentale en matière de preuve a priori est celle entre le negocium et l’instrumentum :
En droit français, l’écrit n’est pas nécessairement requis pour la validité d’un contrat (le negocium) ; cependant, en matière de preuve, l’écrit (instrumentum) est souvent exigé pour établir l’existence et le contenu d’un contrat en cas de litige. Par exemple, un procès-verbal rédigé lors de la signature d’un contrat pourra servir d’instrumentum pour prouver l’accord initial.
Les preuves littérales sont privilégiées pour leur stabilité et leur objectivité. Le droit français impose toutefois un certain filtrage des modes de preuve selon ce qui doit être prouvé, avec des exigences particulières pour certains actes, comme les contrats d’un montant élevé, qui nécessitent un écrit. La preuve littérale peut ainsi être soumise à des critères d’admissibilité en fonction des règles de droit applicables.
2. Les preuves a posteriori
Les preuves a posteriori sont constituées après la naissance d’un litige ou lorsqu’un procès est en cours. Ce type de preuve comprend :
La preuve littérale, ou preuve par écrit, désigne un mode de preuve constitué en amont des conflits éventuels. Il s’agit d’un élément probatoire que les parties forment volontairement avant qu’un litige ne survienne, visant à consigner les faits ou actes juridiques convenus. Cette méthode de preuve est donc « a priori » : elle est mise en place en anticipation d’une éventuelle contestation. Cela diffère de la preuve « a posteriori », obtenue après la survenue des faits litigieux, comme un témoignage ou une expertise.
Les écrits probants permettent d’attester, avec une grande objectivité, des obligations, accords ou engagements pris par les parties. En effet, contrairement aux preuves orales (témoignages par exemple), la preuve littérale conserve toute sa fiabilité dans le temps, car elle n’est pas sujette aux déformations de la mémoire. Dans ce cadre, l’écrit — qu’il soit manuscrit, imprimé ou numérique — devient un support fiable pour démontrer l’existence, le contenu et la date des obligations qu’il consigne.
Une distinction essentielle en matière de preuve littérale est celle entre le negocium et l’instrumentum.
Le negocium se réfère à l’acte juridique lui-même, c’est-à-dire la manifestation de volonté des parties qui crée ou modifie des droits et des obligations. Par exemple, dans un contrat de vente, le negocium serait l’accord de vendre et d’acheter un bien pour un prix donné.
L’instrumentum, quant à lui, désigne le support matériel de cet acte, soit le document écrit qui rend compte de cet accord. Ce document est souvent requis en tant qu’instrument de preuve, mais il n’est pas indispensable à l’existence de l’acte juridique lui-même : en droit français, un contrat peut, dans de nombreux cas, exister sans être formalisé par écrit.
Ainsi, lorsqu’on parle de preuve littérale en droit, on fait référence à l’instrumentum, c’est-à-dire à l’écrit qui sert de preuve du negocium. La distinction est d’importance car, bien que l’existence d’un écrit (l’instrumentum) puisse faciliter la preuve, il n’est pas exigé pour que le negocium soit valide. En matière de preuve, seule la qualité de l’instrumentum est analysée pour déterminer si le document peut être utilisé comme preuve en justice.
Importance de la distinction dans le droit probatoire français :
Cette séparation entre negocium et instrumentum sous-tend les mécanismes de filtrage probatoire en droit français, qui n’admet pas tous les écrits comme preuves sans contrôle. Selon la nature de l’acte à prouver, des règles spécifiques encadrent le recours à l’instrumentum pour garantir la crédibilité des documents en litige. Par exemple, un acte authentique (comme un acte notarié) aura une valeur probante élevée par rapport à un simple acte sous seing privé.
Évolution vers l’intégration de l’écrit électronique
Avec les avancées technologiques, cette distinction entre negocium et instrumentum a trouvé une nouvelle pertinence dans le contexte des écrits électroniques. Depuis la loi du 13 mars 2000, les écrits numériques sont pleinement reconnus comme supports probants, à condition de garantir l’identification de leur auteur et leur intégrité.
Historiquement, la preuve par écrit se limitait aux documents sur support papier. Cet écrit est toujours considéré comme un mode de preuve de premier ordre en raison de sa fiabilité et de sa permanence. Il offre plusieurs avantages :
Toutefois, l’écrit papier n’est pas toujours accessible ou pratique, notamment dans le cadre d’accords à distance. Avec l’essor des transactions électroniques, la reconnaissance d’écrits électroniques a permis d’élargir la notion de preuve littérale en s’adaptant aux exigences de la modernité.
La digitalisation croissante des transactions et des échanges a suscité des réformes en matière de preuve, notamment avec la loi du 13 mars 2000, qui a profondément modifié le Code civil pour reconnaître l’écrit électronique comme un mode de preuve à part entière. Depuis cette loi, l’écrit ne se limite plus aux documents papier, mais inclut tout support constitué d’une suite de lettres, caractères, chiffres ou autres signes intelligibles, indépendamment de leur support ou de leur mode de transmission.
Les articles 1366 et 1367 du Code civil (nouvelle codification de 2016) établissent ainsi que l’écrit électronique possède la même valeur probante que l’écrit papier, sous certaines conditions :
Ces critères visent à maintenir l’équivalence probatoire entre les écrits papier et électroniques, en sécurisant le processus de signature et de conservation des documents numériques.
La signature électronique sécurisée
L’identification et la fiabilité de l’écrit électronique sont souvent assurées par une signature électronique sécurisée, telle que définie par le règlement européen eIDAS (Electronic Identification and Trust Services) de 2014. Une signature électronique sécurisée doit garantir l’authenticité de son auteur et la non-répudiation de l’acte en cas de litige. Elle bénéficie d’une présomption de fiabilité, sauf preuve contraire, et son intégrité est généralement renforcée par des certificats électroniques qualifiés.
Ainsi, si un écrit électronique respecte ces exigences, il pourra être utilisé en justice au même titre qu’un document papier et jouira de la même force probante.
La coexistence des deux supports
Désormais, les écrits probants incluent à la fois les documents papier et les documents électroniques. Toutefois, le choix entre ces deux supports peut être guidé par des circonstances spécifiques, comme la nécessité de garantir une conservation à long terme (pour laquelle le support papier reste souvent privilégié) ou de faciliter les échanges rapides et à distance (pour lesquels le support électronique est plus pratique).
En définitive, la modernisation des règles probatoires permet aujourd’hui de sécuriser la valeur juridique des échanges numériques, tout en maintenant les écrits papier comme une base de preuve stable et pérenne.
L’acte authentique est un document rédigé et signé par un officier public habilité, tel qu’un notaire, un officier d’état civil ou un huissier de justice, conformément aux articles 1369 et suivants du Code civil. Cet acte est souvent requis pour formaliser des actes juridiques importants (ex. : ventes immobilières, donations, actes de mariage) et se caractérise par sa haute force probante.
Les exigences de validité d’un acte authentique incluent :
L’acte authentique présente plusieurs avantages en termes de preuve :
Dans un arrêt de la Cour de cassation du 16 novembre 2007, la haute juridiction a jugé que la mention de certaines annexes à un acte authentique ne nécessitait pas la signature des parties. Cela illustre la formalité allégée de certains éléments liés aux actes authentiques tout en maintenant leur forte valeur probante.
Un autre avantage majeur de l’acte authentique est qu’il est exécutoire de plein droit : si l’acte contient une créance liquide et exigible, le créancier peut demander directement l’exécution forcée, sans avoir besoin de passer par le juge pour obtenir un titre exécutoire.
L’acte sous seing privé est un écrit rédigé et signé par les parties elles-mêmes, sans intervention d’un officier public, en vertu de l’article 1372 du Code civil. Cet acte, largement utilisé pour les contrats courants, est juridiquement valable dès lors qu’il satisfait aux conditions de base :
La fiabilité et force probante de l’acte sous seing privé
Comparé à l’acte authentique, l’acte sous seing privé a une force probante moindre. Bien qu’il fasse foi entre les parties jusqu’à preuve du contraire, son origine peut être contestée. La partie qui réfute l’acte peut simplement désavouer la signature pour suspendre provisoirement sa force probante. En cas de désaveu, la charge de prouver l’authenticité de l’acte repose alors sur celui qui entend l’utiliser, qui peut demander une vérification d’écriture.
Formalités complémentaires pour certains actes sous seing privé :
Pour les actes sous seing privé électroniques, la signature électronique sécurisée, accompagnée d’un certificat électronique qualifié, bénéficie d’une présomption de fiabilité, offrant ainsi une sécurité juridique équivalente à celle d’un acte signé manuellement.
L’acte d’avocat, ou acte contresigné par avocat, a été introduit par la loi du 28 mars 2011 et se distingue à la fois de l’acte authentique et de l’acte sous seing privé. Cet acte est signé par un avocat, qui atteste avoir informé les parties de la portée et des conséquences de l’acte, ajoutant ainsi une garantie de fiabilité.
Effets et force probante de l’acte d’avocat
L’acte d’avocat fait pleinement foi de l’écriture et de la signature des parties, de manière similaire à l’acte authentique, bien qu’il ne puisse bénéficier de l’exécution de plein droit. En cas de contestation, il pourra faire l’objet d’une procédure en inscription de faux, bien que son contenu ne fasse foi que jusqu’à preuve contraire. L’objectif de cet acte est d’encourager les parties à consulter un avocat avant de rédiger des engagements importants, réduisant ainsi les risques de litige ultérieur.
Comparaison des trois types d’écrits probants
Les trois catégories d’écrits probants (acte authentique, acte sous seing privé, et acte d’avocat) constituent des preuves parfaites, car elles s’imposent au juge et bénéficient d’une forte force probante, sous réserve de respecter les formalités spécifiques à chaque type. Elles diffèrent néanmoins en termes de fiabilité et prescriptions juridiques, le degré de contrôle et d’authenticité étant généralement plus élevé pour l’acte authentique et, dans une moindre mesure, pour l’acte d’avocat.
En plus des actes authentiques, des actes sous seing privé, et des actes d’avocat, le droit français reconnaît certains écrits secondaires comme preuve, bien que leur force probante soit moindre et leur recevabilité soumise à des conditions précises. Ces écrits incluent les lettres missives, journaux intimes, correspondances électroniques (ex. : SMS et emails), et copies de documents originaux. L’admission de ces preuves repose souvent sur des critères de régularité, d’authenticité et de respect de la vie privée.
Les lettres missives (courriers personnels ou professionnels) peuvent être admises en justice sous certaines conditions, notamment pour des litiges civils et commerciaux. Pour être recevables, elles doivent être obtenues de manière régulière et respecter la confidentialité de la correspondance.
Possession régulière : la personne qui utilise la lettre comme preuve doit l’avoir en sa possession de manière régulière, sans fraude ni contrainte, comme l’exige le respect du droit à la preuve (article 9 du Code civil).
Confidentialité : selon la jurisprudence, les lettres personnelles sont protégées par le droit à la vie privée (article 9 du Code civil). Elles ne peuvent être produites en justice que si le juge estime qu’elles respectent un équilibre entre droit à la preuve et droit à la vie privée. En ce sens, la Première chambre civile de la Cour de cassation, arrêt du 17 juin 2009, n°07-21.796 a jugé que des lettres d’affaires peuvent être librement invoquées comme preuve sans porter atteinte au droit à la confidentialité, sauf si elles relèvent d’une correspondance strictement personnelle.
Valeur probante des lettres missives
Les lettres peuvent être considérées comme preuves sous différentes formes, selon leur contenu et leur pertinence :
Les journaux intimes et correspondances électroniques peuvent être admissibles en justice, bien que des restrictions encadrent leur utilisation pour garantir le respect de la vie privée et l’authenticité.
Journal intime : en principe, un journal intime est protégé par le droit à la vie privée et n’est pas utilisable contre son auteur. Cependant, un arrêt de la Cour de cassation, 6 mai 1999, a confirmé que dans le cadre d’un divorce, un journal intime peut être invoqué comme preuve, à condition de ne pas l’avoir obtenu par des moyens frauduleux ou violents.
Messages électroniques (SMS, emails) : en matière de preuve numérique, la Cour de cassation a reconnu les SMS comme éléments recevables dans plusieurs affaires, en particulier dans un arrêt de la Chambre sociale, 4 juillet 2012, n°10-23.906, où la Cour a admis les SMS comme commencement de preuve par écrit dans un conflit de travail. Ce jugement a confirmé que les SMS, dès lors que leur origine est identifiée et leur contenu préservé, peuvent être présentés en preuve. La loi pour une République numérique de 2016 a également consolidé l’admissibilité des correspondances électroniques (emails et autres messages) en matière civile et commerciale, à condition que l’intégrité du message soit démontrée.
Les copies peuvent être utilisées en tant que preuves dans certaines conditions, bien qu’elles soient généralement d’une force probante moindre que l’original. Le régime des copies est encadré par l’article 1379 du Code civil, qui dispose qu’une copie peut être produite en justice si elle est fidèle et durable.
Exigence de l’original : en l’absence de l’original, une copie peut être recevable si elle est fiable, durable et si elle satisfait aux critères de fidélité fixés par la loi.
Copies fidèles et durables : la loi du 12 juillet 1980 a introduit ce principe pour les copies microfilmées ou numérisées, largement utilisées dans les institutions financières pour archiver des transactions. Dans un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, 14 juin 2017, n°16-10.218, la Cour a confirmé qu’une copie numérique, sous réserve d’être durable et fidèle, peut être utilisée comme preuve principale même si l’original est absent.
Les copies de documents peuvent être utilisées en justice en tant que preuves, bien que leur force probante soit généralement inférieure à celle des originaux. Cette question est encadrée par l’article 1379 du Code civil, qui stipule que les copies peuvent être admissibles sous certaines conditions de fiabilité.
En vertu du Code civil, les copies sont admises comme preuves, mais elles doivent satisfaire à des critères spécifiques pour être pleinement reconnues en justice :
Exigence de l’original en cas de contestation : selon l’article 1379, une copie peut être admise en justice seulement si la partie qui souhaite s’en servir est capable de fournir l’original à la demande de l’autre partie. Cette exigence vise à assurer l’authenticité du document et à réduire les risques de falsification.
Caractère fidèle et durable : pour qu’une copie soit recevable en tant que preuve principale, elle doit être fidèle à l’original et durable. Par exemple, une copie numérique qui garantit l’intégrité de l’acte est souvent jugée probante en raison de sa stabilité dans le temps. En pratique, cela signifie que le processus de copie doit offrir des garanties de non-altération et d’exactitude par rapport au document initial.
Le législateur a renforcé le rôle des copies avec la loi du 12 juillet 1980, qui introduit la possibilité d’utiliser des copies de manière équivalente à l’original dans des situations spécifiques, comme pour les documents conservés par les institutions financières. Cette loi est venue répondre à la problématique de la gestion des documents à grande échelle, par exemple dans le secteur bancaire, où l’usage de copies microfilmées ou numérisées s’est développé pour l’archivage et la traçabilité des transactions.
Les institutions financières, par exemple, peuvent se servir de copies microfilmées, photographiées ou numérisées pour prouver des transactions sans produire l’original, sous réserve que la copie présente une fiabilité suffisante et qu’elle soit durable. Cela signifie qu’en cas de contestation, la copie doit pouvoir être examinée pour garantir qu’elle est une reproduction fidèle de l’original et qu’elle n’a subi aucune altération.
En l’absence de l’original, les copies peuvent être admises en justice en tant que commencement de preuve par écrit si elles ne satisfont pas pleinement aux critères de fidélité ou de durabilité. Un commencement de preuve par écrit nécessite toutefois d’être complété par d’autres éléments pour constituer une preuve convaincante en justice. En matière civile et commerciale, les juges évaluent au cas par cas la recevabilité et la force probante des copies produites.
Les copies fidèles et durables, y compris les reproductions numériques, permettent ainsi de répondre aux besoins probatoires modernes tout en maintenant des standards élevés d’authenticité et de durabilité. Cela reflète l’adaptation du droit de la preuve aux évolutions technologiques et aux besoins pratiques des institutions en matière de conservation et de gestion documentaire.
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