L’affirmation de la souveraineté du roi

Reconstruction de l’unité (1150-1500) : la souveraineté du roi

Entre 1150 et 1500, le roi a traduit sa suprématie dans les actes et dans les faits.

Le capétien montre que sa volonté de redressement n’était pas simplement théorique.

La royauté s’est montrée plus souveraine afin d’exercer en toute indépendance son pouvoir.

Elle met en place des structures indispensables pour donner une impulsion nécessaire et organiser les différents rouages du système pour transmettre ses ordres au niveau où elle entend gouverner.

 

Le roi doit se poser en supérieur et corriger l’action de ses subordonnés car le roi de France est lui seul le gardien et l’interprète du commun profit.

  • A) L’autorité des ordonnances royales

Dans la seconde moitié du 12 ème siècle, le roi renoue avec la pratique législative. A la fin du 13ème siècle, la féodalité n’est pas totalement vaincue.

Dans la reprise en main par la royauté, les rois successifs vont agir au cas par cas.

Entre 1155 et 1220, pour qu’une ordonnance royale soit applicable dans tout le royaume, il faut que le seigneur souscrive à la mesure royale proposée. Si certains ne viennent pas ou ne sont pas d’accord, le roi peut adopter une ordonnance mais celle-ci ne sera pas appliquée.

Entre 1223 et 1275, la royauté est beaucoup plus forte et peut dès lors considérer que l’adhésion de la seule majorité de ses vassaux oblige tous les seigneurs du royaume.

En 1230 (Louis IX ou St Louis), le roi convoque devant son tribunal et fait intervenir des propos violents: » Si quelques uns de nos barons ne veulent pas observer ces prescriptions, nous les y contraindrions, à quoi les autres barons devront nous aider dans la mesure de leur pouvoir ». Le roi a matériellement le pouvoir de conduire les récalcitrants et de les contraindre.

Dès la fin du 13ème siècle, le roi assied son autorité et ses légistes reprennent le « Quod placuit » et développent la » théorie générale de l’ordonnance royale ». Cela signifie que le roi peut, en cas de guerre, prendre toute ordonnance qu’il estime bonne pour le commun profit.

En temps de paix, l’ordonnance, toujours adoptée pour le commun profit le sera après délibération du conseil du roi. Dans ce conseil, les légistes du roi dominent. Boutiller dit » Sachez que le roi de France, empereur en son royaume, peut faire ordonnance qui tienne et vaille loi ».

Au 15ème siècle, une ordonnance reconnaît que seul le roi peut faire des ordonnances. Auparavant, il était possible pour les grands seigneurs d’effectuer des ordonnances dans leur territoire.

Il a fallu à peu près 3 siècles de lutte.

Ce pouvoir législatif ne vaut rien si le roi n’impose pas la paix.

  • B) Paix du royaume

Au long de la période féodale et après, la vengeance se prolonge dans tous le royaume.

Cette vengeance s’exerce sous forme de « guerres privées ».

La royauté veut absorber les guerres privées.

Avant le 12 ème siècle, l’Eglise, devant la carence du pouvoir royal dénonce les désordres et essaie d’endiguer les guerres privées.

Dans le cadre des conciles de la fin du 10ème siècle et début du 11ème. L’Eglise institue la paix de Dieu >>> soustraire aux guerres privées un certain nombre de personnes jugées « inaptes ». Les femmes, notamment, qui étaient imbéciles.

L’Eglise adopte la trêve de Dieu. Cette trêve consiste à interdire les combats les jeudis, vendredis, samedis, dimanches ainsi que pendant les grandes fêtes liturgiques.

Il faut attendre le milieu du 12 ème siècle pour que la royauté substitue sa paix à celle de l’Eglise.

1) L’initiative du roi Louis VII

En 1155, à Soissons, du consentement de tous ses vassaux ce roi institue la paix du royaume pendant 10 ans sur le modèle de la trêve de Dieu.

Cette paix concerne les personnes et les biens.

2 grands absents: Le comte de Toulouse et le duc de Normandie qui est aussi le comte d’Anjou et de l’Aquitaine ainsi que du Maine.

La moitié du royaume y échappe.

Louis VII et les légistes: » il ne sert à rien d’imposer des mesures si l’on est pas capable de les appliquer ».

2) Les paix spéciales

La quarantaine le roi: laisse 40 jours entre la déclaration de guerre et le début des hostilités.

Faire savoir à la parentèle que peut être, dans 40 jours, il y aurait un conflit privé. Au cas où il y aurait besoin de renforts.

Le serment: une des parties s’engage par serment à ne pas agresser l’autre. Ceux qui le violent sont condamnés à mort.

La sauvegarde: Cette paix spéciale entrainait la rédaction de lettres de sauvegarde. La partie recevant cette lettre est encore plus protégée >>> Paix royale, sa violation est une injure faite au roi. Quiconque la viole sera exécuté.

Ces 3 paix spéciales ont fonctionné durant le 13 ème siècle.

Le roi est suffisamment fort pour supprimer les guerres privées.

A la fin du 13ème siècle, le roi, par ordonnance, abolit toute guerre privée en son royaume.

C’est une paix générale qu’il a fallu, aux rois successifs, renouveler.

Pour donner plus de poids à son interdiction, le roi envoie des garnisaires qui vivent aux dépens des belligérants. Cette contrainte eut beaucoup plus de succès que l’interdiction royale.

Antoine Loisel: « Toutes guerres sont défendues au royaume de France, il n’y a que le roi qui puisse en ordonner ».

  • C) Exclusivité de la justice

Jusqu’en 1789, les rois n’ont jamais eu totalement le monopole de la justice.

Le roi a lutté contre les justices seigneuriales en agissant de façon pragmatique, en les privant de leurs compétences.

1) Actions de la royauté contre les justices seigneuriales

Le roi, grâce à ses relais, réalise et voit que ses justices seigneuriales sont archaïques d’autant plus que les seigneurs ne sont pas penchés sur le droit romain.

Les légistes ont déduit que les justices seigneuriales dépendaient du roi.

Le roi, par sa supériorité est source de toute justice.

Les légistes ajoutent que les seigneurs n’ont qu’une justice déléguée.

Le roi remet à ses agents royaux le droit de le représenter.

Les agents représentent le roi pour éliminer les justices seigneuriales.

  • a) l’appel:notion capitale, le juge seigneurial, car il n’a qu’une justice secondaire, ne décide jamais en dernier ressort.
  • b) la prévention:Le juge royal pouvait prévenir le juge seigneurial. Le juge royal pouvait se saisir d’une cause en cas de négligence ou lorsqu’il était saisi par une des parties.
  • c) les cas royaux:Les justices royales se gardaient la connaissance exclusive de toutes les causes qui touchaient le roi quand le roi y trouvait un intérêt direct ou même indirect.

On appelait cas royaux les crimes ou délits dont la connaissance était réservée aux magistrats royaux. Les baillis eurent soin de les multiplier pour annuler les justices seigneuriales. La première désignation des cas royaux se trouve dans l’ordonnance de 1190 appelée Testament de Philippe Auguste, qui indiquait comme cas royaux le meurtre, le rapt, l’homicide et la trahison. Au xiiie siècle, les cas royaux devinrent plus nombreux. On y comprit les crimes contre la religion ou ses ministres, la fabrication de la fausse monnaie, les attentats contre la sûreté publique et la rébellion contre les officiers royaux. La définition de ces crimes était loin d’être clairement indiquée. Louis x fit une réponse évasive aux seigneurs qui se plaignaient des empiétements des baillis et demandaient que les cas royaux fussent précisés. Enfin. en 1670, l’article 11 du titre ier de l’Ordonnance criminelle déclara cas royaux les crimes de lèse-majesté divine et humaine, tels que l’hérésie, blasphème, idolâtrie, sacrilège avec effraction, révolte contre le roi ou ses officiers, port d’armes contrairement aux défenses, assemblées illicites, sédition ou émotion populaire, altération des monnaies, malversations des officiers royaux, rapt ou enlèvement de personnes avec force et violence. On rattachait encore aux cas royaux les exactions des officiers royaux, l’usure, la banqueroute frauduleuse, les crimes commis sur les grands chemins, l’adultère, l’inceste, les mariages clandestins, etc. quasiment tout acte contraire à la monarchie porte atteinte au roi.

Par ce moyen, la monarchie va lutter de biais contre les justices seigneuriales.

Au début du 14ème siècle, la royauté est suffisamment forte pour s’attaquer de front aux justices seigneuriales par un moyen:

  • d) l’abus de justice:le roi retire à un seigneur l’affaire s’il estime que ce juge seigneurial juge mal et donc abuse de la justice. Les manquements sont appréciés au nom de l’utilité générale.

2) Actions de la royauté contre les justices ecclésiastiques

Pendant que, à la fin du 12ème siècle, la royauté luttait contre les justices seigneuriales, les justices ecclésiastiques avaient développé les officialités qui doivent leur nom à l’officiel >>> le délégué de l’évêque dans ses fonctions judiciaires.

Elles s’étendent à tous les membres du clergé qui ont le privilège de for. Cela désigne le privilège des clercs d’être jugés par leur propres pairs. La compétence de l’Eglise est exclusive pour les crimes contre la religion. Elles jugent aussi du mariage et des fiançailles. Les justices ecclésiastiques s’intéressent à ce qui intéresse la paix.

Elles sont en concurrence avec les justices laïques >>> seigneuriales et royales.

Les justices ecclésiastiques étaient beaucoup moins archaïques que les justices seigneuriales, cela rend la tache de la royauté plus difficile.

  • a) l’appel comme d’abus:l’idée générale était que l’on pouvait déférer au conseil du roi ou au Parlement tout acte qualifié d’abusif de l’autorité ecclésiastique aux fins d’annulation ou de cassation. Cela fut entendu au dela même de la notion d’abus. Le recours deviendra possible si il y avait eu atteinte aux droits du roi.

Lentement mais surement, par l’appel comme d’abus, les officialités vont se trouver subordonnées aux justices royales.

  • b) les cas privilégiés:on applique aux clercs, la théorie des cas royaux.

Cela s’affirme entre le 13ème et le 14 ème siècle. Tout ecclésiastique qui portera atteinte à la souveraineté royale sera jugé par les tribunaux royaux.

L’exorbitant privilège de for ne met plus les ecclésiastiques à l’abri.