Gratuité de la justice et aide juridique

Une justice gratuite est le corolaire de l’égalité devant la justice parce que pour assurer ce principe il faut que chacun puisse y accéder malgré sa condition financière. Si la justice n’est pas gratuite et que les juges sont rémunérés on peut craindre pour son impartialité. Les finalités sont claires et incontestables.

La gratuité de la justice a une portée limitée, le fonctionnement de la justice est gratuit en lui-même mais le fonctionnement de la justice ne correspond pas seulement aux magistrats mais aussi aux auxiliaires de justice qui eux doivent être rémunérés pour leurs interventions. Il faut donc aider ceux qui ne peuvent pas payer.

  • La portée du principe de gratuité :

La portée réelle est qu’on ne rémunère pas les juges.

a) rémunération des juges par l’état :

Il est payé par l’état c’est une garantie de son impartialité. Principe posé par une loi du 16-24 août 1790,  loi révolutionnaire toujours en vigueur, les magistrats sont désormais rémunérés par l’état (art 11, titre II). Jusqu’alors les juges étaient rémunérés par les plaideurs : la partie qui triomphait au procès rétribuait le juge, c’est ce qu’on appelait les « épices », les magistrats pour exercer achetait une charge qu’il fallait ensuite rentabiliser. Ce système encourageait un esprit spéculatif chez les magistrats incompatibles avec l’impartialité du juge, système dévoyé.

b) autres frais dont il faut s’acquitter :

3 codes : un code de procédure civile (attributions des juridictions) et un code de l’organisation judiciaire (organisation des juridictions) et le code de procédure pénale. Texte du code de l’organisation judiciaire L111-2 «  la gratuité de la justice est assurée par les modalités des lois et des règlements. ».

Les frais du procès sont appelés les frais et dépens. Ces frais sont inévitables, ils sont en augmentation constante, on a pu parler « d’un effritement du principe de la gratuité » (M. GUINCHART). Ex : en 2011 création d’un droit de timbre de 35€ pour intentée toute action en justice devant une juridiction civile au sens large (civile, prud’homale, commerciale…), le juge déclare la demande irrecevable même si les prétentions sont fondées si le timbre n’est pas payé. Il faut également payer 150€ si on va en appel que ce soit pour l’appelant ou l’intimé.

Art 6 de la CEDH affirme le droit à tous le droit d’un procès équitable. Ce droit de timbre n’est pas à payer pour ceux qui bénéficient de l’aide juridique. Mais le Conseil Constitutionnel  a décidé que cela ne portait pas une atteinte disproportionné au droit d’exercer un recours. Donc il n’y a pas violation de l’article 16 de la constitution.

– détermination des frais et dépens :

On distingue traditionnellement les dépens des autres frais non compris dans les dépens ; les dépens sont visés par l’article 695 du code de procédure civile, les autres sont visés par l’article 700 du code de procédure civile. Les dépens sont les frais juridiquement indispensables à la poursuite d’un procès et dont le montant fait l’objet d’une tarification soit par voie réglementaire, soit par une décision judiciaire. L’acte qui engage une procédure, l’assignation, principe de la contradiction : chaque partie doit être informée des prétentions la partie adverse : chaque partie a le droit de contredire l’autre. On fait signifier par un huissier une assignation à la partie adverse où l’avocat du demandeur expose ses prétentions et ses demandes (à partir de « par ces motifs »). L’huissier réalise un exploit, (cabinet d’un huissier = une étude). Les diligences de l’huissier ont un prix, ensuite il fait retour de l’assignation signifiée à l’avocat qui va enrôler l’affaire devant un tribunal. Ce qui a un coût, l’huissier a un coût soumis à des textes de lois (décret de 96), cela rentre dans les dépens. Dépens dont le montant est fixé par décision de justice.

Les frais non compris dans les dépens sont des frais irrépétibles, ce sont principalement les honoraires d’avocat, ceux-ci ne sont pas fixés par des textes de loi ou par des décisions de justice. Ils ne font pas l’objet d’une tarification réglementaire.

– charge des frais et dépens :

Il faut distinguer la matière civile, administrative et pénale.

En matière civile au sens large (civil, commerce…), il faut distinguer les dépens et les frais irrépétibles. Pour les frais des dépens, le principe est posé par l’article 695 du code de procédure : la partie qui succombe dans ses prétentions est condamnée aux dépens, c’est à dire ses propres dépens et ceux de l’autre partie, la partie adverse, l’huissier une fois la décision rendue se déplace chez la partie qui a succombé pour lui signifier la décision et le remboursement des frais des dépens. Ce principe connaît une exception : le juge peut par une décision motivée décidé de déroger à ce principe en mettant la totalité ou une partie de la charge des dépens sur l’autre partie, celle qui a triomphé.

Pour la charge des frais irrépétibles, (de l’article 700) il n’y a pas de condamnation automatique, le juge peut s’il le désire, décidé de condamner la partie tenue aux dépens (souvent la partie perdante), à payer tout ou une partie des frais irrépétibles de la partie gagnante.

 

En matière administrative, il s’agit d’un litige entre administration et personnes privées, les solutions sont les mêmes qu’en matière civile. Le juge condamne la partie qui succombe aux dépens et aussi à verser une somme pour les frais non compris dans les dépens.

 

En matière pénale, il faut distinguer les frais de poursuite des frais de défense et non pas entre les dépens et les frais non compris dans les dépens.

Les frais de poursuite sont ceux engagés par les autorités pour contribuer à la manifestation de la vérité, le litige oppose un mis en accusation et le ministère public. Ces frais comprennent l’assignation par un huissier, le dédommagement des témoins, la participation d’un médecin légiste… Ces frais sont à la charge de l’état prévu par l’article 800-1 du code de procédure pénale.

Les frais de défense sont les frais engagés par la défense du délinquant ou des personnes responsables civilement du délinquant (quand il est en mission de travail…), elles doivent exposées des frais (d’avocat…), en principe ces frais restent à leur charge. Une exception pour la victime de l’infraction qui peut demander à la juridiction saisie de condamner le délinquant de lui rembourser tout ou une partie des frais exposés quand le délinquant est condamné, prévu par l’article 475-1 du CPP.

 

  • L’aide juridique :

Principe de l’égalité de la justice toujours en cause : si les justiciables le plus modestes sous prétexte de manque d’argent ne peuvent avoir accès à la justice, dérogation au principe. L’aide juridique est une institution qui permet aux personnes qui n’ont pas les ressources nécessaires d’être dispensées du paiement des frais et dépens et des frais irrépétibles. La justice sera gratuite en partie ou en totalité pour ces bénéficiaires de l’aide juridique.

Evolution en 3 étapes :

  • loi du 22 janvier 1851 : création de l’assistance judiciaire, nom évocateur, conçu comme une œuvre de charité publique ; domaine restreint parce que les seules personnes qui en bénéficiaient étaient les indigents, personnes totalement dénuées de ressources. Les auxiliaires de justice ne percevaient aucune rémunération, action totalement bénévole. Avec le développement des contentieux, grand nombre de personnes pas indigentes mais qui n’avaient quand même pas les moyens de faire face aux frais d’une procédure se retrouvait ainsi privées d’accès aux juges.
  • Réforme du 3 janvier 1972 : transformation en aide judiciaire: on a élargit le domaine de l’aide à toutes les personnes aux ressources inférieures à un certain seuil de revenu mensuel. De plus les auxiliaires de justice sont rémunérés par l’état, car dès qu’on élargit le champ d’application de l’aide cela entraine une multiplication des actions donc il fallait prévoir une rémunération de ces avocats. Loi très critiquée avec le temps, 1. le domaine était trop restreint et en plus c’est l’aide judiciaire donc personnes modestes ont droit à une aide pour les procédures mais qu’en est-il pour les conseils juridiques en marge d’un procès. 2. La rémunération des auxiliaires étaient indécentes car ne recouvraient même pas les frais d’ouverture d’un dossier.
  • Loi du 10 juillet 1991 : relative à l’aide juridique, désormais sont pris en charge les frais d’un procès et aide pour les frais inhérents à la protection des droits en marge d’un procès, aide à l’accès au droit :

 

–> Aide juridictionnelle :

  • domaine de l’aide juridictionnelle : domaine général c’est à dire qu’il concerne toutes les procédures, et à n’importe quel stade de la procédure, on peut demander l’aide avant l’instance ou pendant l’instance.
  • conditions requises pour en bénéficier : en principe elle est réservée aux personnes physiques de nationalité française ou ressortissante de l’union européenne ou de nationalité étrangère mais résidant régulièrement (= légalement) et habituellement en France. Et aussi une condition de ressource: la personne doit être modeste : deux types d’aide juridictionnelle : partielle ou totale ; les personnes très modestes bénéficient de l’aide totale alors que les personnes moins modestes ne bénéficient que de l’aide partielle, niveau qui varie selon le niveau de ressources. Conditions quant au fondement de la demande en justice : le piège est que comme des personnes ne paient pas les frais de procédure ils peuvent multiplier les procédures à loisir, son action ne doit donc pas apparaître comme étant manifestement irrecevable ou dénuée de fondement.
  • Décision de l’octroi : Il existe un organe qui décide de l’octroi de cette aide juridictionnelle, c’est le bureau d’aide juridictionnel établi au siège de chaque grande instance juridictionnelle et présidé par un magistrat, son principe est qu’il est indépendant de l’organe juridictionnel qui statue sur le litige.
  • Effet de l’aide juridictionnelle : effet sur celui qui en bénéficie : il a droit à l’assistance d’un avocat et de tous les auxiliaires de justice dont la procédure requiert le concours, et le bénéficiaire choisit librement l’auxiliaire qu’il veut choisir sous réserve d’acceptation de l’auxiliaire. Effet à l’égard des auxiliaires de justice : deux principes : l’auxiliaire de justice n’est pas directement ou partiellement rémunéré par le client (aide totale ou partielle), il sera indemnisé a posteriori par l’état à travers son barreau. Ce système est sur le point d’imploser, le nombre de bénéficiaire augmente, on cherche donc des solutions pour le renflouer, les bureaux font le tri dans les procédures mais ils restent quand même beaucoup de procédure à financer et les avocats se plaignent de la faiblesse de leur rémunération.

 

–> Aide à l’accès au droit en marge d’un procès :

Organisé par la loi de 91, destiné à permettre au justiciable modeste de mieux connaître ses droits et de les faire valoir.

  • forme de l’aide à l’accès au droit : aide à la consultation juridique, consultation juridique gratuite, assistée gratuitement pour des démarches administratives par exemple
  • organisation de l’accès au droit : caractère régional sous l’égide du conseil départemental d’accès au droit qui en fixe les modalités.

Isa Germain

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