L’AMNISTIE EN DROIT MAROCAIN
L’amnistie fait disparaître l’infraction dans la mesure où elle efface rétroactivement le caractère délictueux de certains faits. Ces faits, répréhensibles pénalement, sont censés n’avoir jamais été incriminés par la loi. C’est l’élément légal de l’infraction, et partant l’infraction, qui ainsi disparaît
- La définition de l’amnistie en droit marocain :
L’amnistie est une mesure de grâce exceptionnelle visant à effacer des condamnations ou à remettre en liberté des personnes détenues. Au Maroc, l’amnistie peut être prononcée soit par le roi, soit par une loi adoptée par le Parlement.
- Les conditions d’octroi de l’amnistie en droit marocain :
L’amnistie ne peut être accordée qu’aux personnes ayant commis des infractions déterminées. Elle ne peut pas être accordée pour des infractions graves telles que les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre ou les actes terroristes. En outre, les personnes condamnées pour des infractions économiques ou financières ne peuvent bénéficier de l’amnistie que si elles remboursent les sommes détournées ou fraudées.
- Les modalités de l’amnistie en droit marocain :
L’amnistie peut prendre plusieurs formes. Elle peut être totale, ce qui efface complètement la condamnation et les peines infligées, ou partielle, ce qui ne concerne qu’une partie de la condamnation. Dans certains cas, l’amnistie peut être assortie de conditions, telles que le paiement d’une amende ou l’exécution d’un travail d’intérêt général.
- Les effets de l’amnistie en droit marocain
L’amnistie efface les condamnations et les peines infligées pour les infractions concernées. Elle permet également la libération des personnes détenues pour ces infractions. En revanche, l’amnistie n’efface pas les antécédents judiciaires des personnes concernées.
- Les amnisties récentes au Maroc
En 2020, la loi de finances prévoyait six amnisties, dont une relative aux avoirs non déclarés et une autre relative aux amendes, pénalités, intérêts et autres majorations liées aux créances de l’État restées impayées [3]. Cependant, l’amnistie ne peut être accordée que pour des infractions déterminées et elle ne peut pas être utilisée pour violer les droits humains des Sahraouis qui militent pour l’indépendance [1]. En somme, l’amnistie est une mesure de grâce exceptionnelle ayant des effets importants sur les personnes concernées, mais qui doit respecter certaines conditions légales et éthiques.
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PARAGRAPHE 1 : MODALITÉS D’APPLICATION DE L’AMNISTIE EN DROIT MAROCAIN
L’article 51 alinéa 1 du Code pénal marocain dispose : « L’amnistie ne peut résulter que d’une disposition expresse de la loi ». Il appartient donc au seul législateur de déterminer quels sont les agents ou les infractions qui peuvent en bénéficier. Selon quelles modalités ? Dans le silence du Code pénal marocain, seule loi-cadre en la matière, le législateur demeure libre d’intervenir. Chaque loi d’amnistie fixe donc librement ses conditions d’application. L’amnistie peut ainsi avoir :
A. SOIT UN CARACTÈRE RÉEL
lorsqu’elle s’applique à une catégorie déterminée d’infraction quels qu’en soit les auteurs.
B. SOIT UN CARACTÈRE PERSONNEL
Lorsque le législateur subordonne son admission à certaines conditions exigées de l’agent, tenu, selon les cas d’être par exemple un délinquant primaire, un mineur, un résistant… Ainsi le dahir du 19 décembre 1955 est venu amnistier toutes les condamnations prononcées entre le 11 janvier 1944 et le 7 décembre 1955 contre les partisans de Mohamed V. Inversement un dahir de 1963 amnistiera un grand nombre de « collaborateurs », partisans de Mohamed ben Arafa
PARAGRAPHE 2 : EFFETS DE L’AMNISTIE EN DROIT MAROCAIN
La loi en « détermine les effets sous réserve toutefois des droits des tiers » (article 51 alinéa 2 du Code pénal marocain).
A. EFFETS DE L’AMNISTIE SUR LA RESPONSABILITÉ PÉNALE
Agissant directement sur la source objective de la responsabilité pénale, l’amnistie a des effets puissants. Selon le niveau procédural de son intervention, elle peut soit éteindre l’action publique, soit effacer la condamnation irrévocable et partant supprimer la sanction pénale en cours d’exécution. Cet effet extinctif n’est pourtant pas absolu.
1. EXTINCTION DE L’ACTION, DE LA CONDAMNATION ET DE LA SANCTION
a. Extinction de l’action publique à l’égard des infractions visées par l’amnistie
Deux situations peuvent se rencontrer.
Les poursuites ne sont pas encore engagées lorsque la loi est publiée
Si elle a un caractère purement réel, l’amnistie s’oppose à l’introduction de l’action publique, car le fait infractionnel a cessé d’être délictueux.
Les poursuites sont engagées lorsque la loi est publiée
Si c’est la juridiction d’instruction qui est saisie, elle est tenue de rendre une décision de non-lieu ; si c’est la juridiction de jugement, elle doit relaxer.
b. Effacement de la condamnation et extinction de la sanction pénale
Ce sera juridiquement le cas lorsque la loi d’amnistie est publiée postérieurement au jugement ou à l’arrêt de condamnation.
Les peines principales et accessoires sanctionnant l’infraction visée par la loi sont immédiatement éteintes.
La condamnation est effacée du casier judiciaire, et, en cas de difficulté d’interprétation de la loi, le demandeur peut utiliser la procédure de rectification conformément aux dispositions du Code de la Procédure Pénale.
La condamnation amnistiée ne saurait non plus faire obstacle au prononcé ultérieur du sursis ; le délinquant amnistié doit pouvoir bénéficier des dispositions de l’article 55 du Code pénal marocain.
Enfin, aux termes de l’article 94 du Code pénal marocain, « la loi portant amnistie de l’infraction ou de la peine principale, à moins qu’elle n’en décide autrement par une disposition expresse, arrête l’exécution des mesures de sûreté personnelles… », sous réserve toutefois des dispositions de l’article 103 du Code pénal marocain.
2. LIMITES DE L’EFFET EXTINCTIF
Il faut se garder d’assimiler l’amnistie à un fait justificatif. Si l’on peut considérer que l’infraction disparaît, dans la plupart des cas, par effacement de l’élément légal, il en va différemment lorsque les faits amnistiés ont été parallèlement sanctionnés par des mesures de sûreté réelles. Celles-ci, aux termes de l’article 95 du Code pénal marocain, ne sauraient, en principe, bénéficier d’une extinction : « la loi portant amnistie…demeure sans effet sur les mesures de sûretés réelles ».
Quoi qu’il en soit, l’infraction amnistiés a bel et bien existé dans le passé et c’est par la technique de la rétroactivité que le fait délictueux a disparu, qu’il a cessé d’être antijuridique. Il est donc normal qu’il soit impossible d’en supprimer toutes les traces.
Le montant des peines pécuniaires principales et accessoires déjà exécutées ne saurait être restitué à l’agent amnistié.
Celui-ci ne peut non plus se retourner en indemnité contre l’Etat pour obtenir réparation du préjudice causé par son incarcération.
Enfin si l’amnistie a un caractère purement personnel, on ne saurait considérer que la publication de la loi met un terme à l’action publique ; en effet, c’est à la suite de nécessaires poursuites que l’agent pourra prouver l’existence des conditions personnelles requises par la loi.
B. EFFETS DE L’AMNISTIE SUR LA RESPONSABILITÉ CIVILE
Le Code pénal marocain prend le soin de préciser dans son article 51 alinéa 2 que la loi doit définir les effets de l’amnistie « sous réserve toutefois des droits des tiers ». les « tiers » ne pouvant être, en l’espace, que les victimes de l’infraction amnistiée, force est d’admettre que l’amnistie n’éteint pas l’action civile de la victime. Cet effet limité de l’amnistie emporte deux conséquences.
L’agent amnistié est passible « des autres condamnations qui peuvent être prononcées » :
§ Les frais et dépenses du procès (article 105 du Code pénal marocain) ;
§ Les restitutions (articles 106 et 107 du Code pénal marocain) ;
§ Les dommages intérêts (article 108 du Code pénal marocain).
Dans quelle mesure l’origine délictueuse des faits ouvrant l’action civile va-t-elle lui conserve le régime spécifique de l’action civile à origine pénale ? En d’autres termes, la juridiction répressive demeure-t-elle compétente à l’égard de l’action civile ? Deux situations doivent être distinguées.
La prise civile n’a pas encore porté son action devant le juge pénal, au moment de la publication de la loi d’amnistie. Elle ne peut dès lors plus le faire, l’action publique étant éteinte.
En revanche, si la victime a déjà porté son action au pénal au moment de la publication de la loi d’amnistie, le juge répressif demeure compétent.
Voici une liste de cinq liens relatifs au sujet de l’amnistie en droit marocain:
[1] Amnesty International: https://www.amnesty.ma/ Amnesty International est une organisation de défense des droits de l’homme qui surveille et rapporte les violations des droits de l’homme dans le monde, y compris au Maroc.
[2] Le360: https://fr.le360.ma/economie/amnistie-fiscale-lecheance-du-30-juin-approche-ce-quil-faut-savoir-240569/ Cet article traite de l’amnistie fiscale qui permet aux contribuables ayant des créances impayées envers l’État de régulariser leur situation jusqu’au 30 juin.
[3] Doc-du-juriste.com: https://www.doc-du-juriste.com/droit-prive-et-contrat/droit-fiscal/cours-de-professeur/plaidoyer-amnistie-fiscale-europe-maroc-468404.html Cet article propose un plaidoyer pour l’amnistie fiscale au Maroc en s’appuyant sur des exemples européens.
[4] Lebrief: https://www.lebrief.ma/3870-tout-savoir-sur-les-principales-amnisties-de-2020/ Cet article répertorie les six amnisties fiscales prévues dans la loi de finances 2020, y compris l’amnistie relative aux avoirs non déclarés.
[5] Lebrief: https://www.lebrief.ma/3262-amnistie-fiscale-ce-quil-faut-retenir/ Cet article fournit des informations détaillées sur l’amnistie fiscale introduite dans la loi de finances 2020, notamment les personnes physiques et morales résidentes à l’étranger qui peuvent en bénéficier.