L’application de la loi pénale dans le temps et l’espace
L’application de la loi pénale suscite des difficultés dans le temps (§1) et dans l’espace (§2)
§1. L’application de la loi pénale dans le tempI. Le principe
Le principe est celui de la non-rétroactivité des lois pénales. Si une loi crée une nouvelle infraction ou aggrave les peines d’une infraction existante, elle ne s’appliquera qu’aux faits commis postérieurement à son entrée vigueur.
- Le sursis à exécution et l’aménagement de la peine
- Les peines encourues par les personnes physiques ou morales
- Personne morale et personne physique en droit pénal
- L’irresponsabilité pénale tenant à l’âge
- Irresponsabilité pénale (légitime défense,état de nécessité,consentement de la victime…)
- Causes subjectives d’irresponsabilité (trouble, contrainte, erreur)
- Les infractions intentionnelles ou non-intentionnelles
Ce principe a valeur constitutionnelle, ce qui signifie que le législateur ne peut méconnaître cette règle et édicter une loi pénale rétroactive. Selon l’art. 112-1 al. 1 et 2 du Code pénal : « Sont seuls punissables les faits constitutifs d’une infraction à la date à laquelle ils ont été commis. Peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la même date ».
Ce principe est une garantie fondamentale de la liberté des citoyens. Ils ont « un droit d’attente légitime » à ce qu’on ne vienne pas leur reprocher des actes qui, au moment où ils ont été accomplis, étaient parfaitement conformes à la loi. Ce serait en quelque sorte modifier, en cours de partie, la règle du jeu…
II. L’exception
L’exception concerne les lois pénales plus douces. Les lois qui suppriment une infraction ou diminuent le montant de la peine s’applique non seulement aux faits commis avant leur entrée en vigueur et non encore jugées mais également aux faits déjà jugés mais dont la décision peut encore faire l’objet d’un recours en appel ou même en cassation.
Ce principe de la rétroactivité in mitius consacré par l’art. 112-1 al. 3 du Code pénal a aussi une valeur constitutionnelle. (Ccel, 19-20 janv. 1981) Cet article dispose «Toutefois les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ».
Le principe est rappelé par l’art. 112-2 du Code pénal qui prévoit que les dispositions nouvelles
« s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ».
Cependant, il faut signaler que cette règle ne concerne que les règles de fond. Les règles de forme relatives à la constatation, à la poursuite de l’infraction, à la compétence et à la procédure s’appliquent
immédiatement, même au jugement de faits commis avant leur entrée en vigueur. Le nouveau Code pénal a consacré cette règle jurisprudentielle : « Sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur : 1°Les lois de compétence et d’organisation judiciaire, tant qu’un jugement au fond n’a pas été rendu en première instance ; 2° Les lois fixant les modalités de poursuite et les formes de la procédure » (art. 112-2 du Code pénal).
L’application de cette règle n’est pas sans susciter parfois des difficultés, en particulier parce qu’il n’est pas toujours facile de déterminer si une loi pénale est ou non plus douce. Ainsi, lorsque la loi nouvelle contient à la fois des dispositions plus sévères et des dispositions plus douces, on prendra en compte ce qui prédomine, en donnant la plus grande importance à la peine principale.
L’idée est que la loi nouvelle constitue un progrès par rapport à l’ancienne : il faut donc l’appliquer immédiatement y compris aux procès en cours pour des faits antérieurs à son entrée ne vigueur. L’idée aussi est que si le législateur a édicté une peine moins sévère ou a supprimé une infraction, c’est que la sévérité ancienne n’est plus aujourd’hui socialement nécessaire.
§2 : L’application de la loi pénale dans l’espace
Là encore, il y a un principe (I) et des extensions à ce principe (II).
I. Leprincipe
L’art. 113-2 du Code pénal dispose que la loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République française (métropole, départements d’Outre-mer et territoires d’Outre-mer, les eaux territoriales et l’espace aérien au dessus de ces territoires).
C’est le principe de la territorialité de la loi pénale. Peu importe la nationalité de l’auteur ou de la victime de l’infraction. Néanmoins, la coutume internationale et la Convention de Vienne (ratifiée par la France en 1970) assurent l’immunité aux diplomates dûment accrédités, ainsi qu’aux membres de leurs familles.
L’art. 113-3 du Code pénal dispose que «La loi pénale française est applicable aux infractions commises à bord des navires battant pavillon français ou à l’encontre de tels navires, en quelque lieu qu’ils se trouvent. Elle est seule applicable aux infractions commises à bord des navires de la marine nationale, ou à l’encontre de tels navires, en quelque lieu qu’ils se trouvent ».
L’art. 113-4 du Code pénal dispose que la loi pénale est applicable « aux infractions commises à bord des aéronefs immatriculés en France ou à l’encontre de tels aéronefs en quelque lieu qu’ils se trouvent. Elle est seule applicable aux infractions commises à bord des aéronefs militaires français, ou à l’encontre de tels aéronefs, en quelque lieu qu’ils se trouvent. »
II. Les extensions du principe
Le juge français est compétent pour juger une infraction, dont une partie seulement a été commise en France. L’al. 2 de l’art. 113-2 du Code pénal indique que « L’infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu’un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire ».
Il est également compétent pour juger l’auteur d’un acte de complicité accompli en France d’un crime ou délit commis à l’étranger (art. 113-5 du Code pénal).
Le juge français est compétent si l’auteur de l’infraction est un ressortissant français. Néanmoins, s’il s’agit d’un délit, la loi française ne s’applique sur « si les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis ».
Le juge français est également compétent dans certains cas où la victime de l’infraction est française :
« La loi française est applicable à tout crime, ainsi qu’à tout délit puni d’emprisonnement, commis par un français ou par un étranger hors du territoire de la République, lorsque la victime est de nationalité française au moment de l’infraction » (art. 113-7 du Code pénal). Néanmoins, deux conditions sont requises : 1° que les poursuites soient exercée à la requête du ministère public au vu d’une plainte ou d’une dénonciation officielle par l’autorité du pays où le fait a été commis (art. 113-
8) ; 2° que le personne n’ait pas déjà fait l’objet d’un jugement définitif à l’étranger pour les faits considérés (art. 113-9). Ces deux conditions ne sont pas requises à l’encontre de l’auteur d’une atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de 15 ans (art. 227-26 modifié par une loi du 1er fév. 1994) afin de mieux réprimer le « tourisme sexuel ».
Le juge français est compétent (art. 113-10 du Code pénal) si l’infraction, bien que commise à l’étranger, menace les intérêts de la France (fabrication de fausse monnaie, espionnage, etc…).