Application des lois dans le temps

Quelles sont les règles d’Application des lois et des règlements dans le temps

Lorsqu’on s’intéresse à l’application des lois et des règlements dans le temps, deux questions fondamentales se posent :

  1. Quelle est la durée de validité de ces règles ? Cela revient à déterminer combien de temps une loi ou un règlement reste en vigueur et applicable.

  2. Comment se succèdent les normes dans le temps ? Cette question concerne la manière de résoudre les conflits qui peuvent naître entre des textes successifs, notamment lorsque des règles nouvelles viennent remplacer des règles antérieures.

 

&1 : La durée de validité des lois et des règlements.

Les lois et les règlements acquièrent une force obligatoire dès leur entrée en vigueur (après promulgation et publication) et demeurent applicables tant qu’ils n’ont pas été abrogés ou remplacés par des dispositions nouvelles. Sauf disposition spécifique dans le texte, les normes n’ont pas de durée limitée dans le temps et ne cessent de s’appliquer que lorsqu’une autorité compétente procède à leur abrogation. L’abrogation peut être :

  • Expresse : Lorsque la nouvelle loi ou règlement indique explicitement que le texte antérieur est abrogé.
  • Tacite : Lorsque le texte nouveau introduit des dispositions incompatibles avec celles de l’ancien texte, rendant ce dernier inapplicable sans en mentionner expressément l’abrogation.

Certaines lois et règlements sont cependant conçus comme temporaires, incluant eux-mêmes une date de fin de validité. Ce sont par exemple des lois de circonstances, comme des mesures d’urgence ou des règlements temporaires, qui cessent automatiquement d’être en vigueur à la date prévue dans le texte.

 

A) L’entrée en vigueur des lois et des règlements.

L’entrée en vigueur des normes juridiques suit un ensemble de procédures visant à officialiser leur application. Pour qu’une loi devienne applicable, elle doit être promulguée par le Président de la République et publiée. Les règlements, eux, requièrent uniquement la publication pour entrer en vigueur.

1. La promulgation

La promulgation est l’acte par lequel le Président de la République rend une loi exécutoire en signant un décret de promulgation. Selon la Constitution, il dispose de 15 jours pour promulguer une loi adoptée par le Parlement. Cette formalité rend la loi applicable en droit, mais non encore en vigueur : elle doit ensuite être publiée pour entrer effectivement en vigueur. La date de la loi est celle de son décret de promulgation, mais son entrée en vigueur n’a lieu qu’après la publication.

2. La publication

La publication est une formalité essentielle car elle déclenche la présomption de connaissance de la loi en vertu de l’adage juridique « nul n’est censé ignorer la loi ». Cela signifie qu’à partir de la publication, nul ne peut se prévaloir de son ignorance pour éviter l’application d’une loi. Ce principe vise à :

  • Assurer l’égalité des citoyens devant la loi,
  • Prévenir les contestations sur la connaissance ou non de la loi.

Cette présomption est irréfragable : elle ne souffre aucune exception, à l’exception rare prévue par l’article 4 du décret du 5 novembre 1870. Ce décret autorise les tribunaux, dans un délai de cinq jours après la publication d’une nouvelle infraction, à ne pas appliquer une sanction si le contrevenant prouve son ignorance de la loi. En outre, dans certaines situations en droit civil, comme en droit des contrats, une erreur de droit peut exceptionnellement entraîner la nullité d’un contrat.

La publication des lois et règlements se fait au Journal officiel de la République française. Pour les arrêtés, d’autres modalités de publication peuvent être choisies, mais la loi ou le règlement n’acquiert force exécutoire qu’une fois la publication réalisée.

3. Date d’entrée en vigueur

La date d’entrée en vigueur des lois et règlements dépend des indications du texte ou, à défaut, des règles générales fixées par le Code civil :

  • Date fixée dans le texte : Le texte peut spécifier sa propre date d’entrée en vigueur.
  • Absence de date : Si aucune date n’est indiquée, la loi ou le règlement entre en vigueur le lendemain de sa publication (article 1er du Code civil).
  • Cas d’urgence : Lorsqu’une situation d’urgence le justifie, le texte peut prévoir une entrée en vigueur immédiate, c’est-à-dire le jour même de sa publication.
  • Entrée en vigueur différée : Dans certains cas, un délai peut être prévu pour permettre une adaptation à la nouvelle réglementation, surtout pour des textes complexes ou ayant un fort impact. De plus, certaines lois exigent la publication d’un décret d’application avant d’entrer en vigueur ; dans ce cas, l’entrée en vigueur de la loi est reportée au jour de la publication de ce décret.

 

B) L’abrogation des lois et des règlements.

En droit français, les lois et règlements continuent de s’appliquer tant qu’ils n’ont pas été explicitement ou implicitement abrogés. Bien que certains textes législatifs ou réglementaires prévoient un terme fixé dès leur adoption – comme pour des lois temporaires adoptées en réponse à des situations spécifiques (état d’urgence, mesures économiques exceptionnelles, etc.) – la majorité des lois et règlements demeurent en vigueur jusqu’à leur abrogation.

Les principes de l’abrogation

L’abrogation d’un texte juridique signifie la suppression de ses effets juridiques pour l’avenir. Seule l’autorité ayant édicté le texte ou une autorité hiérarchiquement supérieure peut procéder à son abrogation, en respectant la hiérarchie des normes. Cette règle signifie notamment que :

  • Une loi ne peut être abrogée que par une autre loi : Un texte de nature législative (loi) ne peut être modifié ou supprimé que par un texte de même rang ou supérieur, ce qui inclut les lois organiques ou constitutionnelles.
  • Un règlement ne peut être abrogé que par un autre règlement : Les règlements, qu’il s’agisse de décrets, d’arrêtés ou d’ordonnances à caractère réglementaire, ne peuvent être abrogés que par un texte de nature réglementaire, et toujours selon la hiérarchie propre à ce domaine (un décret peut abroger un arrêté mais l’inverse n’est pas possible).

Un texte de rang inférieur ne peut donc jamais abroger un texte supérieur. Par exemple, une loi ordinaire ne peut modifier ou abroger une disposition de la Constitution, de même qu’un arrêté ne peut pas abroger une loi.

Les types d’abrogation : expresse et tacite

L’abrogation peut prendre deux formes :

  1. L’abrogation expresse : Dans ce cas, le nouveau texte précise clairement que les dispositions antérieures sont abrogées. Cette méthode explicite et formelle permet de supprimer sans ambiguïté l’application de dispositions obsolètes ou contradictoires. Les textes indiquent souvent des articles ou paragraphes spécifiques à abroger pour éviter toute confusion.

  2. L’abrogation tacite : Elle résulte d’une incompatibilité entre un nouveau texte et des dispositions plus anciennes, sans que l’abrogation soit expressément mentionnée. Cette situation survient lorsque les dispositions d’un texte plus récent contredisent celles d’un texte antérieur ; dans ce cas, le texte le plus ancien est considéré comme implicitement abrogé. Cependant, l’abrogation tacite peut créer des incertitudes juridiques, car elle repose sur l’interprétation du juge en cas de litige.

Application pratique de l’abrogation

L’abrogation des lois et règlements est essentielle pour garantir une cohérence juridique et adapter le droit aux évolutions sociales, économiques et politiques. Ce processus permet d’écarter les dispositions obsolètes tout en respectant la hiérarchie des normes. En cas de doute, c’est généralement le Conseil d’État (pour les règlements) ou le Conseil constitutionnel (pour les lois) qui interprétera si une abrogation est effective, notamment en cas de conflit d’application.

 

 

&2 : Les conflits de loi ou de règlements dans le temps.

Voir un cours complet sur les conflits de loi dans le temps sur le lien suivant : https://www.cours-de-droit.net/les-conflits-de-lois-ou-de-reglements-dans-le-temps-a121608806

Les conflits de lois ou règlements dans le temps surgissent lorsque plusieurs textes successifs abordent le même sujet, mais avec des dispositions différentes. Pour résoudre ces conflits, le droit prévoit plusieurs principes :

  • Principe de non-rétroactivité : Une loi ou un règlement ne s’applique, en principe, qu’aux situations et actes qui surviennent après son entrée en vigueur. Les dispositions nouvelles ne modifient donc pas les effets des situations passées, sauf si le législateur indique clairement une application rétroactive. Ce principe est particulièrement protégé en matière pénale, pour garantir la sécurité juridique des individus.

  • Principe de l’application immédiate des lois nouvelles : Une loi nouvelle régit immédiatement toutes les situations en cours et futures, mais elle ne modifie pas les effets passés de situations antérieures, sauf exceptions expressément prévues par le législateur.

En cas de conflit entre un règlement et une loi, la hiérarchie des normes s’impose : la loi, en tant que norme supérieure, prévaut toujours sur les dispositions réglementaires. Quant aux conflits entre règlements, la règle veut que le texte le plus récent prime, sous réserve de la compatibilité avec la hiérarchie des normes.

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