L’application dans le temps des lois pénales de forme

L’application dans le temps des lois pénales de forme

A/ Le principe de l’application immédiate des lois pénales de forme

L’article 112-2 du Code pénal prévoit l’application immédiate de ces lois pénales de forme. On peut définit ces dernières comme toutes les lois relatives à la compétence, à l’organisation judiciaire, aux modalités de la poursuite, ainsi qu’aux formes de la procédure.

Le principe de l’application immédiate s’appuie sur l’idée que les lois de procédure ont pour objet d’améliorer l’exercice de la justice. Les lois de procédure sont donc censé être prises dans l’intérêt de la personne poursuivie, mai aussi dans l’intérêt de la justice.

Certains auteurs estiment qu’il ne faut pas considérer que toute nouvelle loi de forme est nécessairement un progrès pour la personne poursuivie, et qu’il faudrait donc uniformiser les principes d’application de lois pénales dans le temps, avec une loi pénale de forme plus douce rétroactive, mais non-rétroactive si plus sévère.

 

Un arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 4 janvier 2007 concerne l’application dans le temps de la loi du 30 décembre 2004, qui a créé la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE).

On a un juge saisi pour des faits de discrimination dans une banque (en raison d’un handicap) commis en février 2004. On a demandé à la HALDE d’émettre un avis sur ces faits présumés de discrimination, quia été transmis au juge et a conduit à la mise en examen en mai 2006 de la Caisse d’Epargne. Cette dernière a fait valoir qu’on ne pouvait pas demander d’avis à la HALDE pour des faits antérieures à sa création

Le juge a estimé que la loi qui a créé la HALDE ne contient que des dispositions de procédure fixant les modalités de poursuite. La Cour de cassation estime donc que cette loi est directement applicable aux infractions commises avant son entrée en vigueur.

B/ Les lois de prescription et les lois relatives au régime d’exécution des peines

Les lois relatives au régime d’exécution des peines doivent s’appliquer immédiatement aux condamnés qui sont en train d’exécuter leur peine. Cette application immédiate trouve sa justification dans deux idées : les lois relatives à l’exécution des peines ne modifient pas la responsabilité pénale du délinquant, et le régime nouvellement créé est considéré comme meilleur que l’ancien régime.

Selon l’article 112-2 du Code pénal, une nuance a néanmoins été apportée : en effet, sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur lorsque les prescriptions ne sont pas acquises les lois relatives au régime d’application des peines. Toutefois ces lois, lorsqu’elles auraient pour résultat de rendre plus sévères les lois prononcées lors de la condamnation, ne sont applicables qu’aux condamnations prononcées pour des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur.

Concernant les lois relatives à la prescription de l’action publique et de la peine, l’article 112-2 du Code pénal prévoit leur application immédiate lorsque les prescriptions ne sont pas acquises, et sauf quand elles auraient pour résultat d’aggraver la situation de l’intéressé. Cela signifie que l’on va devoir apprécier le caractère plus doux ou plus sévère de la loi par comparaison avec la loi applicable au moment des faits litigieux.

La seule dérogation à ce principe concerne les crimes contre l’humanité, qui sont imprescriptibles.

 

Cass. Crim., 7 novembre 2007 : un moniteur de colonie de vacances a été condamné pour des viols commis en 1981 sur un mineur né en 1975, les poursuites ayant été engagées en 2001. Le moniteur a donc invoqué la prescription du crime commis (prescription de 10 ans). On s’est alors demandé si on pouvait appliquer la loi de 1989, qui a retardé le point de départ du délai de prescription à la majorité de la victime. L’accusé a fait valoir qu’on ne pouvait pas appliquer cette loi à des faits commis 8 ans avant son application, dans la mesure où elle est plus sévère. La Cour de cassation a posé le principe que la loi de 1989 était immédiatement applicable, et qu’elle pouvait s’appliquer aux faits commis avant son entrée en vigueur, dès lors que la prescription n’était pas encore acquise au moment des poursuites.