Arrêt Pelletier, TC 30 juillet 1873 (faute – responsabilité)

Pelletier, 1873, Tribunal des Conflits (Responsabilité – Faute personnelle et faute de service – Distinction)

L’autorité militaire ayant fait saisir, en vertu des pouvoirs qu’elle exerce en état de siège, le premier numéro d’un journal dont la publication avait été entreprise par le sieur Pelletier, celui ci assigna devant le tribunal civil, le général commandant l’état de siège, le préfet et le commissaire de police en vue de faire prononcer la nullité de la saisie et obtenir des dommages-intérêts.

Le conflit ayant été élevé, le Tribunal des conflits eut à déterminer les effets de l’abrogation de l’article 75 de la Constitution de l’an VIII instituant la « garantie des fonctionnaires » (un particulier ne pouvait poursuivre un fonctionnaire devant les tribunaux judiciaires qu’avec l’autorisation du Conseil d’État.

Tribunal des conflits, 30 juillet 1873, Pelletier

Le Tribunal des conflits allait donner à ce texte une interprétation très restrictive en estimant qu’il devait être combiné avec les lois révolutionnaires des 16 et 24 août 1790. Le commissaire du gouvernement David, montra que la « garantie des fonctionnaires » couvrait deux principes. L’une est une garantie personnelle aux fonctionnaires publics, qui permettait de soumettre la procédure a autorisation préalable: c’est ce principe que le décret de 1870 allait abroger. L’autre est une garantie réelle établie en faveur de l’administration pour défendre contre l’ingérence des tribunaux judiciaires dans ses actes: c’est ici une règle de compétence qui n’a pas été abrogée par le décret de 1870.

Selon cet arrêt, la faute personnelle est celle qui se détache assez complètement du service pour que le juge judiciaire puisse en faire la constatation sans porter pour autant une appréciation sur la marche même de l’administration. La faute de service au contrat est tellement liée au service que son appréciation par le juge judiciaire implique nécessairement une appréciation sur le fonctionnement du service. Les juridictions judiciaires ne peuvent connaître que des fautes personnelles et son incompétentes en cas de faute de service