Arrêt Teissier, CE 13 mars 1953 (Fonctionnaires – Discipline – Liberté d’opinion)
- Teissier, directeur du CNRS, était en même temps l’un des présidents d’honneur de l’Union française universitaire. Cette organisation fit circuler une résolution qui s’élevait contre de récentes mesures d’expulsions prises à l’encontre de professeurs polonais enseignant en France. Solidaire de cette résolution, M. Tessier fut révoqué par le Ministre de l’éducation nationale.
Le commissaire du gouvernement De Vabres montra d’abord que le poste de directeur du CNRS était l’un de des ces emplois qui sont à la discrétion du gouvernement. Le gouvernement aurait donc pu mettre fin aux fonctions de M. Teissier pour simple convenance politique et en dehors de toute considération disciplinaire.
Mais en l’occurrence, le ministre avait fondé sa décision sur une faute qu’aurait commise M. Teissier et s’était donc placé sur le terrain disciplinaire. La question se posait de savoir si le requérant avait commis une faute disciplinaire en refusant de désavouer des attaques violentes et injurieuses contre le gouvernement. Ainsi était soulevé l’ensemble du problème de la liberté d’opinion et du loyalisme des fonctionnaires.
Ainsi, et suivant la jurisprudence depuis cet arrêt on peut résumer les règles concernant suivant les fonctionnaires selon deux principes:
- la liberté de conscience est un principe absolue, les convictions religieuses ou politiques d’un fonctionnaire ne sauraient justifier ni un rejet de candidature (CE, 1954 Barel) ni une mesure disciplinaire (CE, 1954, Guille). Ce principe découle du Préambule de la Constitution de 1948.
- la liberté d’expression est reconnue aux fonctionnaires avec plus de réserve. Dans l’exécution du service, l’État peut exiger du fonctionnaire qu’il s’abstienne de tout acte propre à faire douter, non seulement de sa neutralité, mais de son loyalisme envers les institutions, voire, compte tenu de l’obéissance hiérarchique, envers le gouvernement. En dehors du service, la liberté d’expression constitue le principe (exception en cas d’emplois supérieurs qui sont à la discrétion du gouvernement et pour lesquels il est admis qu’ils exigent un véritable loyalisme envers le gouvernement. Exception pour les emplois subalternes s’ils manquent à leur devoir de réserve.