L’article 16: à circonstances exceptionnelles, pouvoirs exceptionnelles
Lorsque « les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu », le chef de l’état peut s’attribuer les pleins pouvoirs. Il doit au préalable consulter le Premier ministre, les présidents des deux Assemblées et le Conseil constitutionnel.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant la durée des pouvoirs exceptionnels.
Ce régime d’exception n’a été mis en oeuvre qu’une fois, lors du putsch des généraux en 1961. Les pleins pouvoirs au général De Gaulle étaient alors restés en vigueur cinq mois.
Attention, il ne faut pas confondre les pleins pouvoirs de l’article 16 avec l’état de siège ou l’état d’urgence. En effet, en matière de crise, il existe trois régimes juridiques possibles :
– L’état de siège régit par l’article 36 de la Constitution. Il permet de transférer les pouvoirs de l’autorité civile à l’autorité militaire «en cas de péril imminent, résultant d’une guerre étrangère ou d’une insurrection à main armée».
– l’état d’urgence, régit par la loi de 1955, qui permet le transfert de pouvoirs de police de l’autorité civile à l’autorité militaire, la création de juridictions militaires et l’extension des pouvoirs de police.
– L’article 16 de la Constitution qui permet de donner les «pleins pouvoirs» ou les «pouvoirs exceptionnels» au président de la République.
Section 1 : l’histoire de l’article 16 de la Constitution
L’article 16 est né du souvenir de juin 1940. De Gaulle était aux premières loges de l’avant dernier gouvernement de la IIIème gouvernement pour voir s’effondrer le régime, voir un chef de l’Etat et du gouvernement dans l’impossibilité de réagir.
Lorsque De Gaulle a pu rédiger un texte constitutionnel il a veillé à ce que celui-ci comporte des clauses pour les crises d’une gravité exceptionnelle. Même si l’article 16 avait existé sans doute la France aurait été défaite, mais un président de la république énergique aurait pu mobiliser les colonies, faire partir le gouvernement dans l’empire, transférer la marine et l’armée de l’air qui étaient très modernes et ainsi raccourcir la 2nde Guerre mondiale…
Article 16: sorte de dictature temporaire qui met les institutions entre parenthèses. Dictature temporaire: vieille tradition républicaine de la Rome Antique.
Section 2: L’article 16 est peu contraignant à mettre en oeuvre
L’article 16 est surprenant car très peu contraignant.
Une seule application en 1961 qui pourrait montrer qu’il peut être efficace.
Sous-section 1: Texte très peu contraignant
Conditions apparentes.
Le président de la république est invité à prendre les mesures exigées par les circonstances: il concentre entre ses mains la totalité des pouvoirs. Il prend les mesures sans se soucier si il respecte la loi. En revanche il doit respecter la constitution, mais pas la législation. Pour cela les conditions que l’article pose sont tout à fait légères:
Des conditions cumulatives et des conditions alternatives.
Cumulatives:
- il faut que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels soit interrompu.
- Il faut en plus qu’une menace grave et immédiate pèse sur la nation.
Les conditions alternatives:
Sur la nature grave et immédiate de la menace.
- · Peut porter sur les institutions de la République
- · Sur l’indépendance de la nation
- · Sur l’intégrité du territoire
- · Sur l’exécution de ses engagements internationaux
Il suffit qu’il y en ait qu’un. Cette interprétation résulte du texte même.
Le problème c’est que ces conditions sont claires. Mais qui a autorité pour apprécier si les conditions sont réunies?
Or seul le président de la république a qualité pour apprécier si ces conditions sont réunies.
Mais juridiquement même si les 4 autorités disaient qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer l’article 16, le président de la république pourrait l’activer quand même.
Il existe tout de même dans le texte des limites dissuasives.
Quelles sont ces limites?
- Avis du conseil constitutionnel est un avis public (article 53) et motivé
o Dans ces conditions si le C.C énonce que les conditions ne sont pas réunies il serait très difficile pour le président de la république d’ignorer cela. Sa décision serait tellement critiquable que le président de la république ne pourrait pas appliquer.
- Article 68 de la constitution: menace de destitution
o l’article 16 dispose que le parlement se réunit de plein droit
- Le parlement peut débattre
- Qu’il siège de droit est destiné à lui permettre de pouvoir destituer le président de la république s’il le faut
- Si un président de la république abusait de l’article 16, alors le risque de la destitution serait imminent.
o Que l’assemblée ne peut être dissoute pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels.
Le risque est d’ailleurs quasiment nul qu’un dictateur potentiel soit élu. Mais si par delà cette évidente improbabilité, si un président de la république abusait de l’article 16, il n’y aurait personne pour lui obéir. Assez naturellement ceux qui sont en principes sous son autorité s’y soustrairait ou du moins à faire de l’obstruction.
Les abus sont évités ainsi en probabilité.
Cet article a-t-il une utilité?
Sous section 2: Mise en application de l’article 16
23 avril 1961: putsch militaire en Algérie conduit par 4 généraux prestigieux, qui entendant interrompre le processus d’indépendance. Objectifs: maintenir l’Algérie Française et pour cela se soustraire à l’autorité de l’Etat et faire une Algérie Française. Ils étaient appuyé par une large fraction des soldats sur le terrain.
La république pouvait s’effondrer et le danger était imminent. Dès ce moment le 22 avril de Gaulle est apparu à la TV le lendemain en uniforme pour adresser un message à la nation: grand moment des discours politiques.
De Gaulle a pu ainsi réduire le putsch à quasiment rien.
Pourquoi ce discours va tout changer?
Politiquement, toute la nation est appelée à s’unir derrière de Gaulle, et à prendre conscience de la gravité de la situation.
Militairement et techniquement il a eut des conséquences plus considérables encore.
Énormément de gens avaient des transistors et ont pu entendre en direct le discours du général de Gaulle. L’armée française en Algérie est majoritairement constituée de l’armée du contingent: de jeunes gens de vingt ans.
Ils ont donc refusé les recours aux putschistes et se sont saisies d’eux, les emprisonner. De là que les généraux ont découvert qu’ils n’avaient derrière eux que quelque régiments exclusivement professionnels, mais dans sa majorité du contingent était prêt à retourner les armes contre eux.
Tout a ainsi commencé à s’effondrer. Les généraux ont dû alors entrer en fuite. C’est essentiellement par son discours que le général de Gaulle a pu réduire à néant le putsch d’Algérie. Par la suite cette tentative fut la dernière.
Juridiquement les conditions de mise en œuvre de l’article 16 étaient-elles réunies? Oui à condition de lecture extensive.
- Une menace pesait sur les institutions de la république (car des militaires menaçaient de supplanter le pouvoir civil)
- La menace était immédiate
- Elle était grave aussi
- Le pouvoir des organisations institutionnelles interrompues?
- Interprétation extensive
- Sur l’ensemble du territoire les pouvoirs n’étaient pas interrompus mais il était interrompu en Algérie puisque l’autorité civile n’avait plus les moyens de s’exercer.
- Mais le texte ne dit pas que ça devait être sur la totalité du territoire.
En droit on est certainement tendu à répondre par l’affirmative.
Ensuite de Gaulle a pris un certain nombre de mesures:
Remettre de l’ordre au sein de l’armée, et au passage révoquer des magistrats sympathiques aux putschistes.
Par ailleurs il a pris 18 décisions: restrictions temporaires es libertés, prolongation des gardes à vue….
Que serait le statut juridique des décisions? Peuvent-elles être annulées?
Normalement on peut les annuler devant le Conseil d’Etat.
=> il a répondu que le Conseil d’Etat ne contrôlerait que ce qui est de l’ordre du gouvernement et pas du parlement.
Parlement = paralysé
De Gaulle a mis en œuvre l’article en avril, et que très peu après tout a été réglé mais que l’article 16 est resté en application jusqu’au 10 septembre. Les conditions avaient cessé depuis longtemps en Septembre, pourtant De Gaulle par commodité à conserver l’article 16.
=> mesure de précaution de garder l’article 16 en 2008 mais aussi de l’amender pour permettre que l’application excessivement durable ne se reproduise plus.
l’article 16 n’est pas allé jusqu’à mettre fin à son application au conseil constitutionnel, en revanche passé un délai de 1 à 3 mois, soit le C.Const ou l’opposition (60) peuvent demander l’arrêt des pleins pouvoirs. Finalement cet alinéa supplémentaire pourrait être rédigé pus fermement mais amorce ce qui est nécessaire: le président de la république n’est plus juge de la durée de l’application de l’article 16.
Les fantasmes de dictature temporaire ont la vie dure alors qu’il ne s’agit rien de réel ou de risque.
Le président de la république n’engage par la nation mais décide qui va décider.
Il y a dans une certaine mesure la bombe atomique.
Mais si on met de côté ces aspects, dans tous les autres cas les pouvoirs de la constitution seront les pouvoirs de décider qui décidera.