Les limites au principe de légalité en période exceptionnelle

Y-a-t’il des assouplissements au principe de légalité en période exceptionnelle ?

En période exceptionnelle, le droit administratif prévoit des assouplissement assez sensibles du principe de légalité. Pour comprendre le sens de la législation et de la jurisprudence en la matière, il faut prendre note de ce qu’en dit Chapu : « Le droit n’existe pas pour lui-même, il a pour fin l’organisation de la vie sociale et il ne faut pas que le respect qui lui est du se retourne contre les intérêts qu’il a pour mission de servir ». Il ne faut pas que le principe de légalité aille jusqu’à sa sacralisation et se retourne contre les intérêts des administrés.

Or, il peut arriver que dans certaines circonstances particulières, le strict respect de la légalité peut empêcher l’administration de mener à bien son action, l’empêche de le faire. Le principe de légalité doit être assoupli. On parle de légalité d’exception qui illustre la théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles et un certain nombre de textes qui l’organise dans des conditions précises.

§ 1. La théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles

Il s’agit d’une théorie jurisprudentielle en vertu de laquelle en certaines circonstances, l’administration est autorisée à ne pas se conformer strictement à la légalité (en dehors de toute disposition de texte). Elle est déliée du strict respect de la légalité.

Cette possibilité de ne pas se conformer rigoureusement à la légalité se trouve cependant encadrée de 2 manières:

Par une définition stricte des circonstances exceptionnelles

Par une limitation ensuite de leurs effets, le tout sous le contrôle du juge.

A. La notion des circonstances exceptionnelles

Il n’y a circonstances exceptionnelles au sens de la jurisrpudence que lorsque du fait d’une situation d’anormale, particulière l’administration n’est plus à même de remplir sa mission dans le strict respect de la légalité. Cette notion a été dégagée par 2 arrêts rendues par le Conseil d’Etat pendant la 1ère GM sous la forme initiale de la théorie des pouvoirs de guerres : arrêt Heyres 28 juin 1918 et arrêt 28 février 1919 Demoiselle Dol et Laurent.

Arrêt Heyres : le Conseil d’Etat admet que du fait des circonstances de guerre, l’adm ai pu sanctionner un agent coupable de faits de grève sans que soit respecté les dispositions législatives imposant la communication préalable de son dossier à l’agent imposée par la loi du 22 avril 1905. Modalité de mise en œuvre des droits de la défense.

Arrêt Demoiselle Dol et Laurent : le Conseil d’Etat a considéré comme justifié une mesure du préfet maritime gouverneur du camp retranché de Toulon qui portait une atteinte sérieuse à la liberté du commerce et de l’industrie ainsi qu’à liberté individuelle. La mesure jugée légale avait pour but d’interdire à tous les propriétaires de café,… de servir à des filles tant isolées qu’accompagnées et à celles-ci de racoler au dehors du quartier réservé. Atteintes graves aux libertés mais le Conseil d’Etat a admis la validité au motif qu’aux conditions où se sont multipliées les agissements de filles publiques ont présenté un caractère particulier de gravité dont l’autorité publique avait le devoir de se préoccuper.

L’état de guerre n’est pas la seule hypothèse. Elle peut être appliquée à d’autres situations comme la libération en 1945, les évènements de mai 68, les menaces de grèves générales ou circonstances de catastrophes naturelles (arrêt Félix Rodes : éruption du volcan La soufrière à la Guadeloupe).

Pour que des circonstances méritent cette appellation, il faut qu’elles soient véritablement exceptionnelles et pas seulement un caractère particulier. Le juge limite, canalise les circonstances exceptionnelles.

 

B. Les effets des circonstances exceptionnelles

Les circonstances permettent à l’administration de prendre toutes les mesures indispensables à la bonne marche des services publics quant bien mêmes elles seraient contraires à la légalité administrative.

L’adm pourra :

ne pas respecter la loi

méconnaître, ne pas respecter les règles de compétence, de procédure en vigueur (cas dans l’arrêt Heyres) des diverses autorités qui la composent.

empiéter sur le législatif en écartant une dispositions législative (Heyres) 

porter atteinte à une liberté fondamentale

être dispensée des règles de procédures 

adopter des dispositions qui par leur contenu enfreignent la légalité.

Limites inhérentes à la théorie : La liberté de l’administration conserve des limites.

En effet, même sous l’empire des circonstances exceptionnelles, l’administration reste soumise au contrôle du juge. Celui-ci vérifiera non seulement qu’il y a bien circonstances exceptionnelles mais encore que les mesures prises par l’administration étaient bien justifiées par ces circonstances et qu’elles étaient strictement proportionnées aux exigences que ces circonstances imposées.

A ce titre, le juge va s’assurer, vérifier que l’adm était bien dans l’impossibilité d’accomplir sa tache en respectant la légalité et que les atteintes qu’elle y a porté n’ont excédé ni par leur durée ni par leur nature, leur contenu ce qu’exigeait le bon fonctionnement de l’adm. Cela explique que la théorie des circonstances exceptionnelles ne peut être présentée comme une vacance de la légalité. La légalité s’assouplit qui de la légalité normale devient une légalité d’exception. Cette théorie n’est pas synonyme d’exception au principe de légalité mais c’est une légalité d’exception.

§2. La légalité d’exception organisée par les textes 

La caractéristique commune des textes organisant la légalité d’exception contrairement à la théorie des circonstances exceptionnelles est qu’ils ne concernent que des situations particulières.

A. État de siège et d’urgence

État de siège : résulte de lois datant du 19e siècle: lois des 19 août 1849 et 3 avril 1878. Cet E de siège peut être déclarer en cas de péril imminent résultant d’une guerre étrangère ou d’une insurrection armée. Il doit être déclaré en Conseil des ministres et ne peut être prolongé au-delà de 12 jours que sur autorisation du Parlement.

=> Sa principale conséquence est d’entraîner un transfert des pouvoirs de police à l’autorité militaire ainsi qu’une extension des mesures de police susceptibles d’être prises à l‘encontre des administrés (ex: accroissement des perquisition de jour et nuit, procédures d‘éloignement de certaines personnes) et une attribution de compétence aux tribunaux militaires pour connaître des crimes contre la sûreté de l’État. Il y a un transfert de l’autorité civile à l’autorité militaire avec une possibilité d’atteinte aux libertés individuelles.

État d’urgence : Il est régit par une loi du 3 avril 1955 il peut être déclaré selon la même procédure que l’État de siège mais en cas d’atteinte grave à l’ordre public ou de calamité publique.

=> Il entraîne une extension, une augmentation des pouvoirs de police au profit des préfets ou du ministre de l’intérieur (en matière de circulation, d‘assignation à résidence, de fermeture des lieux de réunions…). Elle peut s’accompagner d’autres mesures comme la perquisition et le contrôle de la presse en raison de textes particuliers relatifs à l’État d’urgence. Ces textes définissent les mesures susceptibles d’être prises par les autorités compétentes.

L’E d’urgence a été appliqué en Nouvelle Calédonie dans les années 80 et dans fin 2005 Ž Saisine du Conseil d’Etat qui a reconnu la validité de l’état d’urgence dans un arrêt du 14 novembre 2005 Mollin et Hoffer. Ces textes sur l’E d’urgence ont été mis en œuvre par décret du 8 novembre 2005 notamment après la crise des banlieues. Mesures de fermeture des lieux de réunion, perquisition, contrôle de la presse. => Régime restrictif des libertés publiques ont été pris: perquisition… Il a été prorogé par le P pendant 3 mois mais le gouvernement a mis fin à cela au début du mois de janvier 2006. le Conseil d’Etat a estimé que ce décret était légal. Il l’a fait dans un arrêt Mollin du 14 novembre 2005 arrêt dans lequel il a refusé de suspendre l’exécution du décret en question.

Après avoir longtemps limité très strictement son contrôle sur les mesures de police, le juge exerce un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation.

 

B. L’article 16 de la Constitution

Il permet au PR de prendre les mesures exigées par les circonstances lorsque les institutions de la République sont menacées de manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics est interrompu.

–>Il instaurait au regard du PR un pouvoir quasi dictatorial.

« Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou le respect de ses engagement internationaux sont menacés d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement réguler des pouvoirs publics const. est interrompu, le Président de la République prend des mesures exigées par ces circonstances… ».

En effet, en vertu de cet art, le Président peut prendre toutes les mesures qui sont rendues nécessaires par le rétablissement du fonctionnement régulier des pouvoirs publics qu’il s’agisse de mesures de nature législative ou réglementaire. Il peut écarter des lois, des règlements en vigueur comme des principes s‘imposant normalement à l‘administration.

Il ne créé pas un état complet d’arbitraire ni une vacance totale de la légalité car le juge exerce un certain contrôle sur son application mais il est très limité. Contrôle qu’il a précisé dans l’arrêt du 2 mars 1962. Théorie dégagée par la CE dans un arrêt du 2 mars 1962 Rubin de Servens. Il a été maintenu jusqu’à la fin du mois de septembre. Application de l’article 16 à la suite de la tentative de putsch à la Alger en 61 avec un tribunal spécial. Dans cet arrêt, le contrôle de l’application de l’article 16 : la décision même de recourir à l’article 16 constitue un acte de gouvernement (acte insusceptible de recours juridictionnel) qui échappe par conséquent à tout contrôle du juge.

Par ailleurs, le juge adm s’estime incompétent pour se prononcer sur la validité des mesures prises par le Président de la République dans le domaine législatif car elles sont considérées comme de nature législative or le juge se refuse de contrôler la validité de la loi.

En revanche, le juge administratif s’estime compétent pour contrôler les mesures réglementaires prises par le Président dans le domaine réglementaire ainsi que leurs actes d’application. La jurisrpudence jusqu’à présent, le juge administratif n’a connu que des mesures d’application. Il a considéré que ces mesures ne pouvaient être censurés que dans la mesure où elles méconnaissaient des dispositions législatives ou des PGD que la décision de recourir à l’article 16 n’avait pas entendu écarter. Seules les secondes ont donné lieu à contentieux. Le juge n’a accepté de censurer celles d’entre elles qui méconnaissaient un texte de loi ou un PGD que dans la mesure où il ne ressortait pas de la décision de recourir à l’article 16 que le Président ait entendu écarter ce texte ou ce PGD. Il appartient au Président par sa décision de recourir à l’article 16 de prévoir que les mesures d’application de cet art qui pourront déroger à des textes de loi ou des PGD sans enfreindre la légalité.

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