Les attributions préférentielles
C’est une modalité de partage des indivisions familiales qui consiste à placer les biens qui composent l’exploitation agricole dans le lot de l’un des copartageants, tandis que les autres seront allotis aux moyens d’autres biens, ou grâce au versement d’une soulte.
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- Droit rural
Il assure la continuité familiale de l’exploitation.
On évite le morcellement, la mise en vente de l’exploitation. Pour atteindre cet objectif, le Code civil prévoit différents types d’attributions préférentielles : des articles 831 à 834 du Code civil (pleine propriété du bien agricole, usage des biens avec un bail…).
Section 1 – Les règles communes aux différentes attributions préférentielles
§1 – Les règles relatives aux biens
Ils doivent constituer une entreprise agricole ou une partie d’une entreprise agricole. Ces biens doivent former un ensemble qui est cohérent économiquement. Ils devaient constituer une unité économique auparavant. Cela a disparu mais l’exigence sur le fond n’a pas disparu : la notion d’entreprise est toujours présente.
La jurisprudence est assez souple : elle prenait en compte les biens objets de la demande et l’ensemble des biens déjà possédés par le demandeur.
Peut porter sur des droits sociaux, des parts sociales ou actions si l’exploitation est sous forme de société. Sont concernés aussi les biens mobiliers nécessaires à la mise en valeur de l’exploitation = attributions préférentielles du « train de culture ». Lorsque l’un des héritiers bénéficie de la continuation du bail, il peut demander l’attribution des biens mobiliers.
Les biens objets de la demande doivent être indivis qu’il s’agisse d’une indivision successorale matrimoniale ou sociétaire.
La loi de 2006 a étendu l’attribution dans le cadre d’une indivision consécutive à la dissolution d’un PACS.
La jurisprudence admet l’attribution dans des indivisions d’origine conventionnelle dès lors que les indivisaires sont de la même famille.
§2 – Les règles relatives à l’attributaire
Il doit avoir la qualité de copartageant. Cela vise les héritiers légaux ou testamentaires. Dans le cadre d’un partage matrimonial, l’attribution peut être sollicitée par les deux ex époux. Même chose pour le PACS.
Le copartageant doit définir dans l’indivision des droits en propriété. On exclut l’usufruit.
Sauf dans un cas d’attributions préférentielles dites pour donner à bail, l’attributaire doit avoir participé à l’exploitation agricole de manière effective. La loi nouvelle assouplit l’exigence : la participation à l’exploitation agricole peut être exigée de sa personne ou en la personne de son conjoint. Elle a même admis la participation des descendants de l’attributaire.
Il faut être apte à exploiter et à gérer le bien : aptes physiquement aux travaux d’exploitation, intellectuellement, et financièrement dans le cas d’une soulte.
§3 – Les règles relatives à la demande d’attribution
Les règles ne sont pas d’ordre public, elles peuvent être écartées par disposition testamentaire, par des libéralités, par des stipulations d’un contrat de mariage.
Si aucune disposition ne fait obstacle, elle peut être décidée à l’amiable. Faute d’accord elle peut être demandée en justice devant le TGI du lieu d’ouverture de la succession.
La demande peut être formée dès la naissance de l’indivision jusqu’à ce que le partage soit achevé.
Si un seul des copartageant est intéressé, le TGI se prononce en fonction des intérêts en présence.
Si plusieurs personnes sont intéressées, elles forment chacune une demande portant sur les mêmes biens. Le TGI les départage.
On demande au juge de tenir compte de l’aptitude du postulant à gérer l’exploitation et à s’y maintenir. Il peut tenir compte de la durée de la participation personnelle des candidats à l’exploitation.
§4 – Les effets de l’attribution
La décision en sa faveur n’autorise pas à prélever le bien. Il doit attendre le partage définitif pour que l’exploitation soit mise dans son lot. Jusqu’à cette date, les fruits et revenus de l’exploitation profitent à l’indivision et doivent donc être partagés.
Les biens sont évalués comme les autres, à la date la plus proche du partage. Si les biens sont déjà loués à l’attributaire : doit-on évaluer les biens avec l’existence du bail ? Le bail abaisse la valeur du bien. Il y aurait donc une sous-évaluation des biens, alors que le bail va disparaître. La jurisprudence est claire : il convient de ne pas tenir compte de la dépréciation liée au bail. Lorsque les terres attribuées sont louées au conjoint de l’attributaire, voire même aux deux, la jurisprudence considère que le bail doit être pris en compte dans l’évaluation.
Lorsque la valeur de l’exploitation est supérieure aux droits de l’attributaire, il doit dédommager ses copartageants. Cette soulte est en principe payable comptant au moment du partage ce qui suppose que l’attributaire et les capacités financières.
Section 2 – Les règles propres aux différentes variétés d’attributions préférentielles
À l’origine il n’y avait qu’une forme unique : l’attribution en pleine propriété. La loi du 4 juillet 1980 a introduit de nouvelles formes qui vont permettre à un copartageant de continuer l’exploitation sans en être propriétaire, en la louant.
Le législateur préfère la forme du faire-valoir direct, il y a une hiérarchie.
§1 – Les attributions en faire-valoir direct
A- L’attribution de droit des petites et moyennes exploitations
Critère de superficie : l’exploitation ne doit pas dépasser au maximum les superficies d’un arrêté de 1975. Il n’y a pas de superficie établie cela dépend du département, de la région, de la culture.
Ce seuil ne s’apprécie pas uniquement en fonction des biens sollicités, on tient compte des biens dont il est déjà propriétaire et qui, réunis entre eux, formeraient l’unité économique.
L’attribution de droit est réservée aux héritiers désignés par la loi. S’agissant du conjoint, il peut réclamer l’attribution préférentielle, seulement en cas de décès. C’est l’article 1476 du Code civil.
Le tribunal n’a pas le pouvoir de refuser si le candidat est unique et qu’il rempli les conditions nécessaires. C’est lui qui désigne et qui départage en présence de plusieurs candidats. Mais il est obligé d’en choisir un. L’attribution de droit concerne la soulte car celui qui la paie peut exiger des délais de paiement.
L’attributaire peut demander jusqu’à 10 ans pour la moitié de la soulte.
Le solde de la soulte est taxé d’un taux d’intérêt au taux légal. S’il revend l’exploitation avant le paiement intégral de la soulte, le solde restant devient de suite exigible.
Quand le montant de la soulte reste tenu, il peut être révisé à la hausse ou à la baisse dès lors que la valeur des biens ayant fait l’objet de l’attribution est augmentée de plus d’un quart ou baissée de plus d’un quart depuis le partage. C’est l’article 828 du Code civil.
B – L’attribution facultative d’une grande exploitation
Elle peut être sollicitée par un conjoint survivant ou divorcé, par le partenaire pacsé, à l’occasion d’un partage successoral, par les successeurs légaux ou testamentaires.
Mais pour cela, ils doivent au moins participer à l’exploitation ou avoir déjà participé.
On peut réclamer juste une partie de l’exploitation : le démembrement de l’exploitation est alors obligatoire.
Seul inconvénient : le versement de la soulte doit être effectué au comptant en totalité au jour du partage si aucun accord est trouvé entre les différents héritiers.
Le juge ne peut pas accorder des délais de paiement.
§2 – Les attributions en faire-valoir indirect
On répartit de manière différente en différenciant la propriété des immeubles et le droit d’exploiter. Cette dissociation s’établit par l’élaboration d’un bail à long terme accordé à l’exploitant héritier.
A – L’attribution pour la constitution d’un GFA
Dans la pratique, elle est systématiquement doublée de la conclusion d’un bail. On peut cependant voir qu’elle réalise une attribution en faire-valoir direct, c’est alors un GFA exploitant mais c’est assez rare.
Elle peut être réclamée par le conjoint survivant ou par tous les héritiers légaux ou testamentaires dès lors que ces personnes ont des droits en propriété dans le partage.
La demande peut porter sur tous les biens de la succession capables de se rattacher à un GFA.
Il est possible de recevoir tous les biens et droits immobiliers à destination agricole. L’attribution peut-être de droit ou facultative selon l’objet exact de la demande.
Si le candidat exige en plus la conclusion d’un bail à long terme, elle sera de droit.
Dans le cas inverse, elle ne sera que facultative.
Il doit dans un second temps, constituer un GFA et y apporter les biens acquis pouvant s’y rattacher : c’est un processus obligatoire.
La signature du bail à long terme se fait juste après la formation du GFA : le partage sera alors vu comme parfait.
Les biens sont après exploités par l’intermédiaire de ses biens et le propriétaire de ses biens est la personne morale du GFA.
Tous les copartageants n’ont pas l’obligation d’y participer et peuvent alors recevoir d’autres biens non agricoles ou une soulte en argent.
Ils peuvent ne pas consentir à la formation d’un GFA, donc les biens non agricoles doivent leur être en priorité attribués : c’est un équilibre assuré.
Sinon la soulte est payable l’année suivant le partage et elle peut être acquittée par l’intermédiaire d’une dation en paiement qui s’effectuera grâce à l’acquisition de parts dans le GFA. C’est l’équilibre d’un partage avec des personnes ne se trouvant pas dans le GFA. Du coup, même s’ils n’y participent pas, ils vont devenir associés.
Ceux qui ne veulent pas de ce système, ont un mois pour manifester leur opposition et exiger un paiement en argent.
Faute de n’avoir pas agi à temps, leur silence vaut acceptation tacite à la dation.
B – L’attribution pour donner à bail
C’est une attribution capitalistique car on dissocie la propriété et le bail.
Un copartageant intéressé pour recueillir la propriété de l’exploitation et qui ne veut pas l’exploiter lui-même, peut s’engager à la louer a l’un de ses autres copartageants, voire même à ses descendants.
Exemple : un partage successoral et l’un des enfants peut payer la soulte aux autres et récupérer la propriété de l’exploitation tout en laissant le bail à un autre membre de sa famille.
Celui qui demande la propriété n’a pas l’obligation d’y avoir participé auparavant mais les locataires choisis doivent eux avoir participé à l’exploitation.
Cette condition est subordonnée à la conclusion d’un bail à long terme dans les six mois du partage.
C – L’attribution en jouissance
C’est une fausse attribution préférentielle car elle ne s’oppose pas au partage des immeubles.
L’attributaire peut la demander après l’attribution d’un bail à long terme à son profit : jouissance de l’exploitation qui ne s’oppose pas au partage de propriété des terres entre ses copartageants. Il demande juste au juge une attribution à long terme en jouissance pour l’exploitation.
Si le juge lui accorde cela, les copartageants propriétaires doivent obligatoirement lui en laisser la jouissance.
En cas de problème c’est le juge qui tranche sur la demande soit du conjoint survivant, par tous cohéritiers propriétaires remplissant les conditions d’exploitation.
L’exploitation doit constituer une unité unique et ne peut être exploitée sous forme sociétaire.
Cette attribution est en principe de droit pour le demandeur qui remplit les conditions légales mais le tribunal peut exceptionnellement rejeter la demande si en raison de l’inaptitude du ou des demandeurs à gérer l’exploitation, les héritiers et leurs intérêts risquent d’être compromis.
Quand la demande est accueillie, le partage des biens sera subordonné à la conclusion du bail qui la réalise concrètement. Les immeubles sont répartis entre les indivisaires avec une directive pour le notaire de mettre la propriété des bâtiments d’exploitation ou d’habitation dans le lot de l’exploitant et de mettre des terres dans le lot des autres héritiers.
Dans l’évaluation des terres, on prend en compte que ces terres sont louées à l’exploitant et donc on tient compte de la décote due à l’existence du bail.
Les conditions du bail peuvent être fixées par le tribunal si les copartageants n’arrivent pas à trouver un accord amiable entre eux.