L’auteur principal et le coauteur
L’article 121-4 du Code pénal dispose que « est auteur de l’infraction la personne qui commet les faits incriminés ou qui tente de commettre un crime ou, dans les cas prévus par la loi, un délit ».
Le plus souvent, on va considérer que l’auteur principal est la personne qui a réalisé le fait infractionnel, et dont le comportement est la cause principale du trouble social et du dommage occasionné à la victime. Dès lors, pour être un délinquant, il faut avoir commis une infraction, c’est-à-dire un acte prévu et réprimé par le législateur.
On oppose l’auteur principal à l’auteur secondaire (ou accessoire), ce dernier ayant juridiquement la qualité de complice, qui eut avoir un rôle extrêmement important dans al réalisation infractionnelle, mais son rôle peut être soit d’apporter une aide à l’auteur principal, soit l’inciter à passer à l’acte.
L’imputation objective est le rattachement d’un crime ou d’un délit à une personne déterminée : c’est une phase extrêmement importante dans la démonstration de la culpabilité de la personne poursuivie (« Ce ne sont pas les faits qui violent le droit, ce sont les personnes », Ortolan).
A/ Une définition de l’auteur et du coauteur
Afin de déterminer l’auteur d’un acte infractionnel, on doit distinguer plusieurs hypothèses, selon le caractère intentionnel ou non-intentionnel de l’infraction.
Si l’infraction est intentionnelle, sera considéré comme auteur de l’infraction celui qui a réalisé matériellement les actes incriminés. Dans une telle hypothèse, celui qui va initier l’infraction ne peut pas être poursuivi en tant qu’auteur, mais sur le fondement de la complicité.
Si l’infraction n’est pas intentionnelle, sera considéré comme auteur celui dont le comportement a été la cause du résultat préjudiciable.
B) Lorsque l’infraction est le fait de plusieurs personnes, on parle de coaction : le coauteur est celui qui a matériellement commis l’acte incriminé. La responsabilité du coauteur est personnelle, ce qui signifie que les responsabilités des différents coauteurs sont totalement indifférents les unes des autres. Il peut alors arriver que l’un des coauteurs ne soit pas condamné (par exemple, grâce à une immunité entre époux), alors qu’un autre sera condamné.
Dans un arrêt rendu par la Cour d’appel de Reims le 7 juillet 2004, des véhicules banalisés de la police ont organisé un contrôle, alors que deux personnes se trouvaient dans un autre véhicule. Le conducteur va utiliser son véhicule pour pousser un policier qui tentait de lui faire barrage, et le policier va être blessé. Le conducteur et le passager vont être poursuivis pour violences volontaires aggravées (car sur un policier en fonction), et la Cour d’appel a estimé que le passager pouvait être condamné en sa qualité de coauteur, en ce qu’il a participé par sa présence à la commission de violences volontaires.
Contrairement au droit civil, où la responsabilité du fait des tiers est admise, le principe consacré en droit pénal est celui de la responsabilité personnelle : cette règle est d’ailleurs expressément consacrée par l’article 121-1 du Code pénal, qui dispose que « nul n’est responsable que de son propre fait ».
Cette règle a été réaffirmée dans un arrêt de la Chambre criminelle du 28 juin 2005 : il s’agissait en l’espèce d’un dirigeant de supermarché qui va être pénalement poursuivi pour la divagation des ordures laissées par des clients sur le parking sur un terrain voisin. Les juridictions du fond ont condamné le dirigeant du supermarché, mais al Cour de cassation a censuré cette décision en considérant qu’elle était contraire au principe énoncé dans l’article 121-1 du Code pénal.
Néanmoins, la doctrine considère que le principe de la responsabilité personnelle ne fait pas obstacle à la poursuite de celui qui, sans agir matériellement, a facilité la réalisation de l’infraction commise par un autre.
D’ailleurs, on considère que certains individus, en raison de leur qualité professionnelle, vont être tenus à un devoir de surveillance. En ne l’assumant pas, il vont être à l’origine d’un état délictueux latent, et c’est sur ce terrain qu’une infraction va pouvoir être réalisée par une autre personne. On considère alors que cette personne va pouvoir engager sa responsabilité pénale personnelle pour une infraction commise par un autre.
La plupart des auteurs parlement alors de « responsabilité du fait d’autrui », et cette hypothèse va concerner le chef d’entreprise qui, en n’assumant pas son devoir de surveillance, va permettre à un employé de commettre une infraction.
Le législateur a alors institué une présomption légale de faute à l’encontre de celui qui, en raison de l’autorité qu’il détient au sein de son entreprise sur ses employés, est tenu de veiller au respect de la loi par ses subordonnés.
Pour que la responsabilité du dirigeant soit recherchée, il faut nécessairement la commission d’une infraction par le préposé et que l’infraction ait un lien avec l’entreprise (autrement dit, le préposé doit commettre son acte délictueux à l’occasion du fonctionnement de l’entreprise ou en son sein). La définition de l’entreprise adoptée par les pénalistes est une collectivité organisée en vue d’un objectif économique.
Il faut également un chef d’entreprise, c’est-à-dire le chef de l’organe légal du groupement : il peut être le gérant de la société, le président du conseil d’administration, un membre du directoire, l’exploitant d’une entreprise agricole. C’est celui qui va exercer le pouvoir de gestion au sein d’une unité organisée et règlementée, ce qui signifie que les organes investis d’un simple pouvoir de contrôle ne rentrent pas dans la définition de chef d’entreprise.
Les juges du fond doivent rechercher qui est le dirigeant de fait de la société : en présence d’un dirigeant de droit et d’un dirigeant de fait, c’est ce dernier qui sera poursuivi.
Pour échapper à sa responsabilité, le chef d’entreprise peut prouver sa bonne foi, autrement dit démontrer qu’il n’a pas commis de faute. En pratique, cette preuve est très difficile à apporter : il faut qu’il prouve avoir accompli toutes les diligences requises.
Un autre moyen de s’exonérer de sa responsabilité est la délégation de pouvoir : c’est un mécanisme qui va permettre d’identifier un nouveau responsable pénal qui, par hypothèses, sera plus proche de la situation infractionnelle que le chef d’entreprise. De ce fait, on va considérer qu’elle est plus apte à la prévenir : elle va alors engager sa responsabilité pénale. Cette possibilité devient même une obligation lorsque le chef d’entreprise n’est plus capable de veiller personnellement au respect des règles au sein de l’entreprise.
La délégation de pouvoir est un concept purement prétorien : un arrêt du 28 juin 1902 qui a le premier reconnu à al délégation de pouvoir un caractère exonératoire. C’est un mécanisme assez simple dans a mesure où elle va transmettre la responsabilité pénale du chef d’entreprise vers celui ayant accepté la délégation de pouvoir.
Un certain nombre de conditions sont requises pour mettre en œuvre l’exonération de responsabilité :
o n’avoir commis aucune faute personnelle
o Cass. Ass. Plénière, 11 mars 1993 : « sauf si la loi en dispose autrement, le chef d’entreprise qui n’a pas personnellement pris part à la réalisation de l’infraction peut s’exonérer de sa responsabilité pénale s’il rapporte la preuve qu’il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l’autorité, et des moyens nécessaires »
Il appartient au chef d’entreprise d’invoquer et de prouver l’existence de la délégation de pouvoir. La délégation de pouvoir ne peut intervenir que dans le cadre d’une structure complexe : il faut que l’entreprise soit importante.
Quant à l’acte de délégation, la jurisprudence a posé que le chef d’entreprise ne pouvait déléguer qu’une partie de ses fonctions : s’il les délègue tous, cela signifie qu’il se délaisse de l’entreprise et commet une faute en ne démissionnant pas. Pour être admise, la délégation doit être partielle, limitée, et ne pas porter sur les obligations légales pesant personnellement sur le chef d’entreprise.
La délégation doit être certaine et dépourvue d’ambigüité : elle peut être passée par écrit ou oralement. Le chef d’entreprise ne va pas pouvoir déléguer ses responsabilités à plus d’un salarié.
En ce qui concerne le bénéficiaire de la délégation, la jurisprudence a encore une fois posé des conditions le concernant : cette personne doit être salariée de l’entreprise, dotée de la compétence et des pouvoirs nécessaires (éléments appréciés souverainement par les juges du fond).
On s’est demandé si le salarié qui avait accepté la délégation de pouvoir allait pouvoir déléguer de nouveau ses pouvoirs : la jurisprudence a admis cette subdélégation, la seule exigence étant que cette dernière remplisse toutes les conditions que remplissait la première délégation. La Cour de cassation a par la suite admis qu’il n’était plus nécessaire d’obtenir l’autorisation du chef d’entreprise pour que la subdélégation ait un effet exonératoire (Cass. Crim., 30 octobre 1996).