Les autorités de police administrative

Les autorités administratives compétentes en matière de police administrative

Les autorités administratives compétentes en matière de police varient en fonction de leur niveau de compétence (national ou local) et de leur type de pouvoir, qu’il s’agisse de police générale ou spéciale. Cette organisation engendre des situations de concurrence entre ces autorités, nécessitant une analyse de leur champ d’intervention respectif.

I ) Les autorités titulaires d’un pouvoir de police générale

Les pouvoirs de police générale sont exercés tant au niveau national que local par des autorités spécifiques dont les compétences varient en fonction de leur statut et des textes qui les encadrent.

A) Au niveau national

Le pouvoir de police générale au niveau national est historiquement attribué aux plus hautes autorités de l’État. Sous la IIIe République, le Conseil d’État a reconnu, dans l’arrêt Labonne du 8 août 1919, que le chef de l’État détient un pouvoir de police autonome pouvant s’exercer sans habilitation législative, en vertu de ses prérogatives propres. Cette décision est fondée sur l’idée que le Président de la République dispose d’un pouvoir réglementaire pour assurer l’ordre public, comme en témoignent les mesures de police appliquées à la circulation routière. Cette compétence a ensuite été transférée au Président du Conseil sous la IVe République, comme illustré dans l’arrêt SARL Restaurant Nicolas du 13 mai 1960.

Depuis l’instauration de la Ve République, ce pouvoir appartient principalement au Premier ministre en vertu de l’article 21 de la Constitution. Ce dernier peut adopter des mesures de police applicables sur l’ensemble du territoire. Par exemple, l’arrêt Association cultuelle Israël du 2 mai 1973 précise que le Premier ministre peut édicter des règlements de police pour garantir la sécurité publique. Dans le cadre de ses fonctions, il a aussi été établi que le Premier ministre peut intervenir dans la sécurité des ouvrages d’art concédés sur le réseau national (Société rapide dépannage 62, CE, 25 septembre 2013).

Bien que ce pouvoir revienne essentiellement au Premier ministre, le Président de la République conserve certaines prérogatives résiduelles en matière de police générale, notamment dans le cadre de l’article 13 de la Constitution, ainsi que des pouvoirs exceptionnels sous l’article 16 en cas de crise nationale.

B) Au niveau local

Le pouvoir de police générale au niveau local est principalement exercé par deux autorités : le maire et le préfet, chacun dans leur domaine respectif.

a) Le maire

En vertu de l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), le maire est responsable du maintien de l’ordre public sur le territoire communal, incluant le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique. Ce pouvoir, exclusivement du ressort du maire, s’exerce au nom de la commune, sauf à Paris, où la compétence de police est partagée avec le préfet de police. Par exemple, le maire est compétent pour prendre des arrêtés de police relatifs à la circulation sur les voies communales, voire sur certaines parties des routes nationales et départementales situées dans la commune.

L’essor de l’intercommunalité a permis le transfert de certains pouvoirs de police du maire aux présidents des EPCI à fiscalité propre (Établissements Publics de Coopération Intercommunale), facilitant ainsi l’exercice de la police sur un périmètre plus large, notamment pour les compétences transférées par les lois du 13 août 2014 et du 16 décembre 2015.

b) Le préfet

Selon l’article 9 du décret du 14 mars 1986, le préfet est l’autorité de police générale au niveau départemental. Ses mesures de police, prises au nom de l’État, peuvent s’étendre au-delà des compétences communales, comme stipulé à l’article L. 2215-1 du CGCT. Le préfet peut, par exemple, interdire la vente d’alcool à emporter sur tout le territoire départemental entre 22 h et 6 h pour des raisons de sécurité, comme le précise l’arrêt Société Carmag du 3 mars 1993.

Le préfet exerce également des pouvoirs de police dans les communes à police d’État, c’est-à-dire les communes où les besoins de sécurité justifient une gestion directe par l’État. Dans ces cas, le préfet prend en charge la tranquillité publique pour des événements ponctuels de grande envergure, tels que les grands rassemblements. La Commune de Montgeron (CE, 1989) est un exemple où le préfet a exercé ce pouvoir exclusif pour interdire une manifestation susceptible de troubler l’ordre public.

En cas de défaillance du maire, le préfet peut également, selon l’article L. 2215-1 du CGCT, prendre des mesures de police en lieu et place du maire après mise en demeure. Dans ce cas, le préfet agit au nom de la commune, qui est alors responsable des éventuels dommages causés par ces mesures, comme dans l’affaire Dieudonné.

II ) Les autorités titulaires d’un pouvoir de police spéciale

Les polices spéciales sont assignées à diverses autorités, parfois en complément de la police générale, souvent au niveau national ou local.

Les autorités chargées de la police spéciale exercent des compétences variées qui leur permettent d’intervenir dans des domaines spécifiques et distincts de l’ordre public général. Ces autorités, nombreuses et hétérogènes, peuvent opérer tant au niveau national qu’au niveau local.

A) Les autorités nationales

À l’échelon central, plusieurs ministres disposent de pouvoirs de police spéciale qui s’exercent sur des champs de compétence définis par la loi et spécifiques à leurs missions, même s’ils n’ont aucune compétence en matière de police générale. Parmi eux :

  • Le ministre de l’Intérieur : Il a autorité sur diverses polices spéciales, notamment en matière de publications destinées à la jeunesse et polices des étrangers. Ces compétences permettent d’intervenir dans des domaines touchant aux publications, à l’immigration et à d’autres secteurs où les questions de moralité et de sécurité publique sont prépondérantes.
  • Le ministre des Transports : Il détient des pouvoirs en matière de navigation aérienne, encadrant ainsi les mesures de sécurité, les autorisations de vol et la régulation des activités aéroportuaires.
  • Le ministre de la Culture : Intervenant dans la police des spectacles, ce ministre peut agir pour contrôler et réguler les représentations artistiques et les événements culturels, garantissant ainsi la moralité publique et la tranquillité sociale.

Par ailleurs, certaines Autorités Administratives Indépendantes (AAI), bien que distinctes des ministères, exercent des fonctions de régulation dans des secteurs spécifiques, par exemple la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) dans le domaine de la protection des données personnelles. Ces régulations, bien qu’indirectes, peuvent être rapprochées de missions de police spéciale en raison de leur capacité à fixer des normes et à intervenir de manière contraignante.

B) Les autorités locales

À l’échelon local, les compétences en matière de police spéciale sont partagées entre les autorités de police générale et d’autres autorités qui n’interviennent que dans le cadre de la police spéciale.

  • Le maire : Bien qu’il soit avant tout une autorité de police générale, le maire exerce aussi plusieurs missions de police spéciale. Parmi celles-ci, on trouve la police des édifices menaçant ruine (Code général des collectivités territoriales, art. L. 2213-24), la police des cimetières (L. 2213-9), et la police des baignades et activités nautiques (L. 2213-23). Ces compétences permettent au maire de prendre des mesures dans des domaines précis, répondant à des objectifs de sécurité et de salubrité publique.
  • Le préfet : Détenteur de nombreuses prérogatives en matière de police spéciale, le préfet exerce des compétences spécifiques, telles que la police sanitaire, pour la prévention des maladies et des épidémies, ou la police des cours d’eau, pour protéger l’environnement aquatique et gérer les activités susceptibles d’affecter les écosystèmes fluviaux. Le préfet peut également intervenir pour maintenir l’ordre public dans des situations spécifiques nécessitant des compétences techniques ou la gestion de ressources naturelles.
  • Le président du Conseil départemental : Depuis la loi du 2 mars 1982, cette autorité dispose de pouvoirs de police spéciale liés à la gestion du domaine public départemental (art. L. 3221-4 CGCT). Cela inclut notamment la prise de mesures concernant les routes départementales hors agglomération, assurant ainsi la sécurité et la gestion de ces infrastructures. Cependant, le Conseil d’État a restreint ses compétences en matière de police générale, excluant notamment la gestion de la circulation sur les voies publiques, comme indiqué dans un avis du 23 juillet 1996.
  • Les préfets de région : En matière de protection des monuments historiques ou des sites culturels protégés, les préfets de région exercent également un pouvoir de police spéciale. Ils sont habilités à intervenir pour protéger le patrimoine architectural et environnemental, en collaboration avec les autorités locales et sous l’égide des politiques nationales de préservation culturelle.

III ) La concurrence entre les autorités de police

La diversité des autorités de police et leurs compétences variées peuvent donner lieu à des conflits d’intervention, en particulier lorsque plusieurs autorités souhaitent intervenir sur un même champ d’action. La concurrence entre autorités de police se manifeste sous différentes formes selon qu’elle concerne deux autorités de police générale, une police générale et une police spéciale, ou encore deux autorités de police spéciale.

La concurrence entre autorités de police est gérée par des principes juridiques visant à éviter les conflits d’attribution et à garantir la cohérence de l’action publique.

A) Concurrence entre autorités de police générale

Les conflits entre autorités de police générale surviennent souvent lorsque des autorités de niveaux différents tentent de réguler la même activité. La jurisprudence a établi des principes clairs pour gérer ces situations, notamment à travers les arrêts Labonne et Commune de Néris-les-Bains. Dans ce dernier arrêt (18 avril 1902), le Conseil d’État a affirmé le droit d’une autorité locale (le maire) de prendre des mesures plus restrictives que celles imposées par une autorité supérieure (le préfet), mais non de les assouplir.

Les principes issus de cette jurisprudence sont les suivants :

  • Renforcement des mesures : Une autorité de police inférieure peut, dans l’intérêt de l’ordre public local, renforcer les mesures prises par une autorité supérieure. Par exemple, un maire peut instaurer une interdiction plus stricte sur sa commune que celle imposée par le préfet.
  • Interdiction d’assouplissement : En revanche, une autorité inférieure ne peut pas assouplir les mesures définies par une autorité supérieure, sauf lorsque la loi le prévoit expressément. Par exemple, en matière de réglementation de la vitesse sur route (art. R.413-3 du Code de la route), une autorité locale pourrait décider d’abaisser la limite de vitesse en agglomération pour des raisons de sécurité spécifique, mais elle ne pourrait pas relever cette limite au-delà des normes nationales sans autorisation explicite.

B) Concurrence entre une autorité de police générale et une autorité de police spéciale

En principe, les compétences conférées aux autorités de police spéciale sont exclusives et restreignent ainsi le champ d’intervention de la police générale dans le domaine concerné. Par exemple, dans l’arrêt Société des établissements Satan (20 juillet 1935), le Conseil d’État a jugé que le maire ne pouvait pas intervenir en matière de régulation des chemins de fer, domaine régi par une police spéciale. De même, l’arrêt Commune de Saint-Denis (26 octobre 2011) a rappelé qu’un maire ne peut réglementer l’implantation d’antennes relais, compétence réservée aux autorités nationales pour des raisons de santé publique.

Cependant, dans certaines situations, une coexistence des compétences est envisageable :

  • Renforcement des mesures : Comme dans le cadre de la concurrence entre autorités de police générale, une autorité de police générale peut renforcer les mesures prises par une police spéciale, sans les assouplir. Par exemple, dans l’arrêt Société des films Lutétia (18 décembre 1959), un maire a pu interdire la projection d’un film en raison de son caractère immoral et de circonstances locales, alors même que le film avait reçu l’agrément de la censure nationale.
  • Cas d’urgence : Lorsqu’il existe une urgence nécessitant une intervention immédiate, la police générale peut agir même si un texte attribue une compétence exclusive à une autorité de police spéciale, mais uniquement si l’autorité spéciale n’est pas en mesure d’intervenir avec rapidité. Ce principe a été confirmé dans l’arrêt Bassin de Houillères de Lorraine (29 septembre 2003), où le Conseil d’État a permis à une autorité de police générale d’agir en cas d’imminent danger public.

C) Concurrence entre autorités de police spéciale

La concurrence entre deux autorités de police spéciale est théoriquement exclue car chaque autorité est censée opérer dans un champ de compétence exclusif qui lui est propre, conformément au principe de l’indépendance des législations. Par conséquent, chaque autorité est en droit d’intervenir dans son domaine sans se soucier des actions entreprises par une autre autorité de police spéciale.

Cependant, il est possible que des missions de police spéciale convergent :

  • Coordination des actions : Lorsqu’une seule autorité détient plusieurs pouvoirs de police spéciale, comme le préfet, elle doit s’assurer que ses différentes actions sont conformes aux textes législatifs et réglementaires de chaque domaine. Dans ce cas, le juge administratif peut être amené à examiner si une mesure prise dans un champ de compétence spécifique n’outrepasse pas les prérogatives d’un autre domaine.