Les avant-contrats (promesse unilatérale ou synallagmatique, pacte de préférence)

Les avant-contrats

On distingue trois grands types d’avant-contrats : la promesse unilatérale de contracter, la promesse synallagmatique de contracter et le pacte de préférence. L’ordonnance de 2016 va notamment prévoir des dispositions particulières en ce qui concerne la promesse unilatérale et le pacte de préférence. Cependant, dans les trois cas, il s’agit de véritables contrats, qui ont donc force obligatoire.

 

1) La promesse unilatérale de contracter

La promesse unilatérale est précisément définie à l’article 1124 du Code civil : « la promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ». L’ordonnance de 2016 vient ici définir une appréciation de la doctrine sur le sujet, mais elle vient un peu en rupture à la jurisprudence antérieure. De plus, selon cette définition, le promettant accorde un droit d’opter et non une faculté. Elle ne différencie pas non plus les promesses à durée déterminée et celles à durée indéterminée.

 

a) Les conditions

Les conditions de droit commun disent que la promesse est un contrat, c’est-à-dire que les conditions de validités du contrat doivent être remplies (consentement, capacité et contenu licite). La promesse est aussi un avant-contrat. Lorsqu’il s’agit d’une promesse de vente, l’opération juridique envisagée est un acte de disposition. Pour les biens et opérations importantes, le promettant doit avoir la capacité d’effectuer un acte de disposition. A la formation du contrat projeté ne manque alors que le consentement du bénéficiaire, la promettant a déjà donné le sien. En cas de décès du promettant, depuis l’ordonnance de 20016, son engagement est transmis à ses héritiers. Le bénéficiaire, quant à lui, doit avoir la capacité de conclure le contrat de promesse. En revanche, le contrat projeté peut consister en un acte de disposition et, dans ce cas, le bénéficiaire devra avoir la capacité de conclure cet acte qu’au moment de la levée de l’option. La promesse doit par ailleurs préciser tous les éléments essentiels du futur contrat (article 1124 du Code civil) : par exemple, le prix de vente doit être fixé dans la promesse de vente.

 

« L’indemnité d’immobilisation » (expression du notariat) est une faculté, possibilité, qui est souvent prévue dans les contrats de promesse unilatérale. Lorsqu’elle est prévue dans le contrat, cette indemnisation ne répare pas un préjudice au promettant au cas où le bénéficiaire ne lèverait pas l’option. Elle est restreinte au promettant. C’est en fait le prix de l’exclusivité accordée au bénéficiaire de la promesse (arrêt de la première chambre civile du 5 décembre 1995). Si le bénéficiaire ne lève pas l’option, le prix reste la propriété du promettant. S’il la lève en revanche, « l’indemnité » sera imputée sur le prix (il n’aura plus qu’à payer le restant du prix) : lorsque l’indemnité est prévue par les parties, la jurisprudence estime que le montant ne doit pas être trop élevé, sinon cela pourra entrainer la requalification de la promesse unilatérale en promesse synallagmatique. Dès à présent, le bénéficiaire est engagé dans le contrat futur, il n’a plus de liberté d’option. Cette solution est justifiée par l’idée que, si le montant est trop élevé, le bénéficiaire perd sa liberté de lever l’option car il risque de trop perdre s’il ne la lève pas. C’est le juge qui estime si le contenu du contrat est une promesse unilatérale ou une promesse synallagmatique. Lorsque l’indemnité reste faible, ça demeure une promesse unilatérale (arrêts de la troisième chambre civile  du 16 novembre 1994 et du 24 septembre 2012, chambre commerciale du 9 janvier 1971).

 

Le formalisme de la promesse de vente d’immeuble (droit immobilier ou fonds de commerce) est prévu à l’article 1589- 2 du Code civil. La promesse unilatérale de vente doit être, à peine de nullité absolue, constatée par acte authentique ou par acte sous seing privé enregistré dans un délai de 10 jours à compter de son acceptation.

 

b) Les effets de la promesse unilatérale

La promesse à durée déterminée est un contrat qui a force obligatoire entre les parties. Le promettant est donc tenu par la promesse mais dans le délai prévu pour lever l’option. Si le bénéficiaire ne la lève pas durant ce délai, la promesse est caduque. Pendant toute la durée de la promesse, le bénéficiaire peut cependant lever cette option. Le décès ou l’incapacité du promettant ne rend pas la promesse caduque cela dit (arrêt de la troisième chambre civile du 8 septembre 2010). La levée de l’option entraine la conclusion du contrat projeté, peu importe que le promettant ait rétracté sa promesse en violation du contrat. Ceci est une grande nouveauté par rapport à la jurisprudence antérieure à l’ordonnance de 2016 puisque cette dernière revient, en effet, sur une jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation qui considérait que la rétractation pendant le délai d’option était fautive car il s’agissait d’une violation de la promesse et donc du contrat. Cela engageait donc la responsabilité contractuelle du promettant mais, en revanche, cette rétractation empêchait la rencontre des volontés pour le contrat envisagé (arrêts de la troisième chambre civile du 15 décembre 1993 et du 11 mai 2011, chambre commerciale du 14 janvier 2014). Cette solution de la jurisprudence était fondée sur un double principe : pour qu’il y ait contrat, il fallait une rencontre des volontés au moment de l’acceptation de l’offre et la volonté interne l’emporte sur celle déclarée (en cas de rétractation, cette volonté interne n’existait donc plus). Cette solution était une grande source d’insécurité juridique car la promesse n’était de ce fait pas fiable. Ces critiques de la doctrine sur le fait qu’on différenciait mal le contrat de promesse de la simple offre de contrat, ajouté au fait de l’insécurité juridique, ont poussé la Cour de cassation à assouplir sa jurisprudence en admettant la validité de clauses prévoyant l’exécution forcée de la promesse unilatérale malgré la rétractation du promettant (arrêt de la troisième chambre civile du 27 mars 2008). Le nouvel article 1124 prévoit désormais que la rétractation de la promesse pendant le temps laissé  au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis (si l’option est levée). Cet article accorde donc un droit potestatif au bénéficiaire de la promesse unilatérale et fige le consentement du promettant à sa déclaration. Dès lors, la question de pose sur la possibilité pour les parties d’insérer dans le contrat de promesse une clause excluant l’exécution forcée et ne retenant comme seule sanction de la rétractation la responsabilité contractuelle du promettant. En effet, la règle de l’article 1124 n’est visiblement pas d’ordre public et on pourrait donc admettre de telles clauses. En cas de vente par le promettant à un tiers en violation du la promesse unilatérale, le promettant engage sa responsabilité contractuelle mais l’exécution forcée n’est pas possible car, s’il y a une faute, il est possible d’invoquer la responsabilité extracontractuelle. S’il y a fraude, le contrat avec le tiers est nul (article 1124, dernier alinéa : « Le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l’existence est nul »). La nullité entraine la possibilité de se substituer au tiers mais l’article 1124 ne le prévoit pas.

 

S’agissant de la promesse à durée indéterminée, le contrat de promesse ne prévoit pas de délai. Selon une jurisprudence traditionnelle, cette promesse était possible mais l’ordonnance de 2016 ne fait référence qu’au temps laissé au bénéficiaire. Conformément au droit commun, une telle promesse doit être résiliée unilatéralement en raison du principe  de prohibition des engagements perpétuels. Cependant, la Cour de cassation a considéré qu’une mise en demeure préalable du bénéficiaire devait être fait par le promettant afin de permettre au bénéficiaire de lever l’option (arrêt du 4 février 19491).

 

2) La promesse synallagmatique de contracter

 L’article 1589 du Code civil prévoit ce qui concerne la promesse synallagmatique de vente mais elle peut s’appliquer plus généralement à toutes les promesses de contracter. La promesse synallagmatique est le contrat en vertu duquel chaque partie à ce contrat s’engage à conclure un contrat. Il existe une formalité à laquelle est subordonnée soit la conclusion du contrat, soit les effets du contrat. C’est le cas, par exemple, d’une promesse de contracter alors que l’un des contractants a besoin d’une autorisation administrative. Le compromis (notariat) en est un autre exemple.

 

a) La nature de la promesse synallagmatique

Le principe est que la promesse de vente vaut vente selon l’article 1589 du Code civil. Dès qu’il y a un accord sur les points essentiels du contrat, il est conclu (ce qui s’applique à tous les contrats de promesse). Dans ce cas, les formalités à accomplir ne sont que postérieures à la conclusion du contrat (acte authentique). Il faut cependant que, dans la promesse synallagmatique, l’accord des parties porte sur tous les éléments essentiels du contrat (arrêt de la première chambre civile du 29 mai 2013). Dans ce cas, si l’une des parties refuse d’accomplir la formalité (signer l’acte authentique par exemple), cette obligation d’exécuter la formalité peut faire l’objet d’une exécution forcée. Ainsi, on peut, par exemple, faire constater en justice la conclusion d’une promesse synallagmatique afin de faire publier la décision de justice au service de la publicité  foncière lorsqu’il s’agit d’une promesse synallagmatique de vente immobilière, puisque la décision du juge constitue un acte authentique (arrêt de la troisième chambre civile du 12 janvier 1994).

 

La levée de l’option par le bénéficiaire d’une promesse unilatérale entraine, selon la doctrine et un jurisprudence traditionnelle, la conclusion d’une promesse synallagmatique, c’est-à-dire que la levée de l’option fait que la promesse n’est plus unilatérale. Lorsqu’il y a deux promesses unilatérales croisées (une de vente et une d’achat), elles peuvent être qualifiées de promesse synallagmatique à deux conditions : être simultanées et être conclus en termes identiques (arrêts de la troisième chambre civile du 26 juin 2002 et de la chambre commerciale du 22 novembre 2009). Cependant, la solution peut être  différente en raison des termes de la promesse unilatérale et notamment de l’intention des parties de se réserver chacune une liberté de ne pas contracter (arrêt de la chambre commerciale du 14 janvier 2014).

 

b) Les cas particuliers(exceptions)

Les parties peuvent subordonner la conclusion du contrat prévue dans la promesse synallagmatique à une formalité qui n’est pas une simple réitération d’un contrat déjà formé mais qui est une véritable réitération du consentement, la conclusion du contrat envisagé dépendant de cette réitération de consentement (arrêt de la première chambre civile du 19 juin 2012). Cependant, on ne peut pas faire exécution forcée du compris (qui devient un simple avant-contrat).

 

3) Le pacte de préférence

L’article 1123 du Code civil donne la définition du pacte de préférence qui est un contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter. Contrairement aux contrats de promesse, le contrat futur n’est qu’une simple éventualité, c’est pourquoi il n’est pas exigé que les éléments essentiels du contrat soient prévus par les parties (arrêt de la première chambre civile du 6 juin 2001). De plus, aucun délai  n’est exigé. Le pacte de préférence contient donc une obligation à la charge du promettant de donner une priorité au bénéficiaire du pacte. Il ne peut donc, par son comportement, mettre un obstacle à l’exercice du pacte (par exemple, pour un pacte de préférence portant sur une partie d’un immeuble, le propriétaire promettant ayant par la suite proposé de vendre l’ensemble de l’immeuble sans tenir compte du pacte). Le bénéficiaire a un droit personnel mais n’a pas l’obligation d’acheter, il reste libre. La sanction de la violation du pacte est la responsabilité contractuelle du promettant. S’il y a une faute de la part  du tiers, c’est la responsabilité extracontractuelle de ce dernier qui viendra s’appliquer en plus.

 

Ce pacte de préférence présente une double condition reprise par l’ordonnance de 2016 : le tiers a eu connaissance de l’existence d’un pacte de préférence au moment de contracter d’une part, et le bénéficiaire doit prouver que le tiers connaissait son intention de se prévaloir du pacte d’autre part (arrêts de la chambre mixte du 26 mai 2006 et de la troisième chambre civile du 31 janvier 2007). La solution reprise par l’ordonnance est de distinguer la demande de nullité et la substitution (article 1123, alinéa 2). L’ordonnance prévoit en outre une procédure interrogatoire nouvelle : le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer, dans un délai raisonnable, qu’il fixe l’existence du pacte de préférence et s’il entend s’en prévaloir. Mais il avoue ainsi sa connaissance du pacte et la réponse est de ce fait ambiguë. A défaut de réponse dans le délai, en  revanche, le bénéficiaire du pacte ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclut avec le tiers, ou la nullité du  contrat.

 

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