Les baux dérogatoires au fermage et au métayage

Les baux dérogatoires au statut

On distingue le statut (fermage et métayage étudié dans un autre chapitre) et les baux dérogatoires au statut :

Pour rappel :

  • Le métayage est une forme de bail rural qui consiste à donner une terre à un exploitant en échange d’une partie de ses produits agricoles. Si la récolte est vendue, le loyer peut être payé en argent. Le contrat peut prévoir une répartition annuelle des bénéfices de l’exploitation et est régi par la loi, notamment les articles L417-1 et suivants du Code rural.
  • Le fermage : Bien que le métayage et le fermage soient tous deux des baux ruraux, il y a certaines différences entre les deux, telles que la possibilité de résiliation triennale, le montant du loyer et la fiscalité. Le fermage est un bail rural dans lequel le propriétaire, le bailleur, confie à un preneur, le fermier, le soin de cultiver une terre sous contrat.

Ici nous étudions les baux dérogatoires au fermage et métayage. On fait la différence entre les dérogations par adaptation du statut et les dérogations par exclusion du statut

Section 1 – les dérogations par adaptation du statut

§1 – Les baux des petites parcelles

Ce sont des dérogations substantielles à l’article L. 411-3. Il y a trois conditions pour qualifier de petites parcelles :

superficie = parcelle doit avoir une superficie inférieure à un seuil fixé dans chaque département par arrêté du préfet.

la parcelle ne doit pas constituer un corps de ferme = présence de bâtiments d’exploitation et autonomie culturale de la parcelle.

la parcelle ne doit pas constituer une partie essentielle de l’exploitation.

Le bail est largement dérogatoire. La rédaction du bail n’est pas assujettie à un écrit. Les parties fixent librement la durée du bail si c’est un bail écrit. Si c’est un bail verbal, article 1774, il est fixé pour le temps nécessaire afin que le preneur récolte les fruits. Il peut être reconductible.

La fixation du loyer est libre, ainsi que les conditions de reprise par le propriétaire. Il n’y a pas de droit de préemption du locataire, ni de droit au renouvellement.

Si le propriétaire veut vendre, il n’a pas à respecter les conditions du congé de point seulement six mois à l’avance. Pour le reste, le statut reste applicable, notamment les contentieux relèveront du tribunal paritaire, les causes de résiliation en cours sont les mêmes….

Troisième chambre civile, 14 novembre 2007 : les parties ont décidé que la petite parcelle se soumettrait au statut du fermage. Le propriétaire veut vendre, il y a un conflit entre le droit de préemption du preneur et celui de la SAFER. C’est une soumission volontaire et cela ne peut faire échec au droit de préemption d’ordre public de la SAFER.

§2 – Les baux de transition

Ce sont les baux conclus sur une période transitoire pour les biens qui dans l’avenir vont revenir à un autre exploitant.

A – Les baux consentis par les SAFER

Entre le moment où la SAFER a acquis le bien et le moment où elle doit le rétrocéder elle peut le louer. La SAFER ne peut pas garder le bien plus de cinq ans. Donc le bail ne peut pas dépasser cinq ans.

Le preneur ne bénéficie pas d’un droit au renouvellement. De plus, il n’a pas de droit de préemption.

Il peut aussi y avoir des baux conclus par l’intermédiaire de SAFER. Un propriétaire met à disposition de la SAFER des terres pour qu’elle les sous-loue à un agriculteur. La sous-location n’est pas soumise au statut du fermage sauf pour le prix.

B – Les baux consentis par l’État et les collectivités

C’est une personne morale de droit public qui est bailleur. La location relève du statut sauf quand les biens loués font l’objet d’un projet d’utilisation d’utilité générale.

Le preneur n’aura ni droit au renouvellement ni droit de préemption.

C – Les locations annuelles

Ce sont les baux conclus pour une durée d’un an. C’est l’hypothèse où le propriétaire de terre envisage l’installation à terme d’un ou plusieurs de ses descendants pour l’exploitation agricole.

Dans l’attente, il peut conclure avec un autre exploitant des baux d’un an renouvelable sans excéder la période de six ans.

La possibilité d’y recourir est très encadrée par les textes : article L. 411-40 à 45 du code rural. Le preneur des baux annuels ne peut être qu’un exploitant agricole déjà installé sur une surface au moins égale à la surface minimum d’installation. Il faut respecter les règles du contrôle des structures. Le contrat doit être faite par écrit. C’est un contrat d’un an renouvelable.

Le preneur ne peut pas céder son bail ni l’échanger, ni le mettre à profit d’une société. Il ne pourra pas prétendre à l’indemnisation du preneur sortant.

Chacune des parties peut mettre un terme à ce bail chaque année, deux mois avant l’échéance par une notification. Le bailleur ne peut le faire que si son descendant s’installe. À défaut, le bail se transforme en un bail classique de neuf ans.

§3 – Les baux de longue durée

Jusqu’à la loi du 5 janvier 2006, c’étaient les baux à long terme. Mais la loi de 2006 a introduit un nouveau bail : le bail cessible hors du cadre familial qui obéit à un régime propre.

A – Les baux à long terme

Ce sont les baux prévus pour garantir une installation particulièrement stable au preneur. En contrepartie, le propriétaire peut bénéficier d’une rémunération supérieure. Ces baux bénéficient d’un régime fiscal favorable.

Les articles L. 416-1 à 9 du code rural organisent trois catégories de baux à long terme:

le bail de 18 ans renouvelables par période de neuf ans

le bail de 25 ans avec ou sans clause de tacite reproduction

le bail de carrière conclu pour permettre au preneur d’effectuer toute sa carrière sur le même bien. Il est d’une durée minimum de 25 ans. Mais il est conclu pour une durée qui permettrait au preneur d’aller jusqu’à la retraite. Il cessera quand le preneur atteindra l’âge de la retraite.

On peut décider d’emblée de faire un bail à long terme dès sa conclusion ou alors les parties convertissent le bail classique de neuf ans en bail à long terme. Quand la conversion ne modifie que la durée du bail, si le preneur refuse la conversion, son refus n’est pas légitime et il va être privé du droit de céder son bail à ses descendants ou de l’apporter à une société et du droit au renouvellement.

La rédaction d’un écrit est obligatoire et il doit viser expressément l’article du code rural relatif aux baux à long terme. C’est un écrit notarié car ces baux doivent être publiés à la conservation des hypothèques.

Sur le principe, le loyer est fixé par référence au barème préfectoral. Ce barème prend en compte la durée du bail.

La possibilité de céder le bail aux descendants du preneur peut être écartée par une clause du bail.

Ce bail bénéficie d’un régime fiscal favorable. Pour les droits de mutation à titre gratuit sur les biens qui font l’objet d’un bail à long terme, la transmission est partiellement exonérée de ses droits de mutation. Pour chaque part transmise jusqu’à 76 000 €, il y a une exonération des trois quarts. Au-delà, il n’y a des droits de mutation que sur la moitié. Pour en bénéficier, il faut que le bénéficiaire s’engage à conserver les biens pendant cinq ans.

C’est également favorable pour l’intégration du bien dans l’assiette ISF. Ils peuvent être assimilés à un bien professionnel est donc totalement exonéré d’ISF quand le locataire est le conjoint du propriétaire ou un membre de sa famille propre et s’il exerce dans les biens loués son activité à titre principal. Même si les conditions ne sont pas remplies, les biens loués à long terme ne sont retenus dans l’assiette ISF que pour le quart de leur valeur jusqu’à 76 000 € et pour la moitié de leur valeur au-delà.

B – Le bail cessible hors du cadre familial

On retrouve la même optique qu’avec la création du fonds agricole.

Ce bail déroge au statut du fermage même si celui-ci s’applique sur certains points.

Les articles L. 418-1 et suivants sont concernés.

Ce bail doit être obligatoirement passé en la forme authentique car c’est un bail de longue durée publié à la conservation des hypothèques, et car il déroge au statut du fermage donc le notaire donne son conseil éclairé.

Dans cet acte, il doit y avoir des mentions obligatoires : une clause autorisant le locataire a céder le bail à d’autres personnes que celles de l’article L. 411-35 = le conjoint, partenaire pacsé, descendant. Aussi, la mention expresse selon laquelle chacune des parties relèvera des dispositions légales spéciales de ce bail obligatoire.

À défaut, est encourue la nullité de clause de cessibilité. Le bail devient alors un bail de 18 ans soumis au statut du fermage ordinaire.

Les parties ont la possibilité d’aménager les clauses du bail plus largement que dans le statut du fermage. Elles peuvent convenir d’un loyer plus élevé que dans le bail ordinaire. Les maximums du barème peuvent être relevés de 50 % par rapport au bail ordinaire.

Le non-paiement du loyer est plus rigoureusement sanctionné. Il suffit d’un seul défaut de paiement et d’une mise en demeure restée infructueuse pendant trois mois pour solliciter la résiliation du bail ou pour s’opposer à son renouvellement. Le preneur peut quand même solliciter un délai de grâce auprès du juge.

Il peut y avoir des aménagements importants quant aux obligations des parties. Certaines obligations peuvent faire l’objet d’un aménagement conventionnel : obligation d’engranger, de garnir le fond, de cultiver en bon père de famille, de laisser le preneur chasser.

L’article L. 411-28 permet au propriétaire d’interdire le preneur de supprimer les talus, les arbres, les haies…

L’article L. 411-29 permet au propriétaire de s’opposer à ce que le preneur retourne des parcelles en herbe pour les cultiver ou mettre en herbe des parcelles cultivées.

Le bailleur de ce bail peut donner à l’avance la permission pour tous ces travaux.

À l’inverse, le bailleur peut interdire à l’avance tous ces travaux.

On peut déroger aux obligations au moyen de clause validée par la commission consultative paritaire départementale des baux ruraux. Quelle est la procédure à suivre ? Est-ce une validation par une commission du bail ou est-ce qu’il faut respecter les clauses types faites par la commission ?

Quant à la possibilité de céder le bail, il y a une inconnue quant au bénéficiaire de cession. La clause doit être prévue de façon expresse pour pouvoir céder à d’autres personnes que celles de sa famille. Mais il est intitulé bail cessible hors du cadre familial. On ne sait pas si l’on peut céder à des membres de famille. On sait juste qu’il peut être cédé à d’autres personnes. Mais ce serait illogique. L’interprétation dominante est qu’on peut le céder à la fois à d’autres personnes que la famille et à la famille.

Pour pouvoir céder le bail, le bailleur doit être préalablement informé du projet de cession du preneur par lettre recommandée avec l’information sur l’identité du cessionnaire. À défaut d’information préalable, la cession est nulle et le bailleur peut demander la résiliation du bail. Cette information à une double fonction : elle permet au bailleur de six opposer et d’acquérir le bail par préférence au cessionnaire pressenti. À compter de l’information, le bailleur a deux mois pour saisir le tribunal paritaire s’il entend s’y opposer. Il doit invoquer un motif légitime (article L. 418-4).

La notification lui ouvre également le droit de préférence si ce droit a été inscrit dans le bail.

Le bailleur peut acquérir le bail à la place du cessionnaire pressenti. La cession peut se faire à titre onéreux. Implicitement, on autorise le versement du pas de porte. Quand le bailleur s’oppose à la cession par son droit de préférence, c’est lui qui verse le pas de porte. Le bailleur qui refuse le renouvellement du bail devra verser une indemnité d’éviction à son locataire.

Il y a des interrogations quant à la licéité du pas de porte. On se demande, quand les biens n’étaient pas loués et que le propriétaire loue son bien avec un tel bail, si le propriétaire peut demander un pas de porte aux locataires entrant.

L’article L. 418-5 n’écarte le pas de portes qu’à la cession de bail. Cela tendrait à dire que lors de sa conclusion, le propriétaire ne peut pas exiger un pas de porte. De plus, l’article L. 411-12 est applicable : aucun service ou redevances ne peut être exigé en plus du loyer.

Article L. 418-2 : la durée minimale du bail cessible et de 18 ans. Donc toutes les dispositions des baux à long terme s’appliquent.

Pour y mettre un terme, l’une ou l’autre des parties doit délivrer congé par acte extrajudiciaire 18 mois au moins à l’avance. Ce congé peut être délivré par le bailleur sans qu’il ait à justifier de motifs légaux. Mais il devra verser une indemnité d’éviction au preneur.

Avec un motif légal, il n’a pas d’indemnités à verser. L’indemnité doit correspondre au préjudice causé par défaut du renouvellement qui comprend la dépréciation du fond du preneur, les frais normaux de déménagement et de réinstallation, les frais et droits de mutation à payer pour acquérir un bail de même valeur.

Le bail est renouvelable. C’est un renouvellement particulier prévu à l’article L. 418-3. À défaut de congé, le bail cessible se renouvelle pour une période de cinq années au moins.

Il y a une incertitude quant au terme de période de renouvellement. Soit il se renouvelle indéfiniment. Soit on transpose la solution des baux de 25 ans sans clause de tacite reproduction.

Quant à la préemption des biens loués, le preneur a le droit de préemption quand les biens loués sont mis en vente. Mais il ne peut que renoncer ou préempter. Il ne peut pas saisir le tribunal paritaire pour discuter le prix.

Quand les biens ont fait l’objet d’un bail cessible depuis au moins trois ans, ils ne sont plus présentables par la SAFER.

Section 2 – Les dérogations par exclusion du statut

Ils dérogent totalement au statut du fermage. C’est par exemple un bail emphytéotique, un bail à cheptel…

I) Le bail à cheptel

Le bail à cheptel est un contrat de location de bétail, qui implique la mise à disposition d’une partie d’un fonds de bétail à une autre pour son soin, sa nourriture et son entretien, selon les conditions convenues entre elles (article 1800 du code civil). Le propriétaire, ou bailleur, et l’éleveur, ou cheptelier, sont les deux parties contractantes.

Le bail à cheptel fait référence à la location de bétail, même si en droit, le terme « cheptel » a deux significations larges : sous le terme « cheptel vif », il désigne le bétail qui constitue le fonds de cheptel, tandis que sous le terme « cheptel mort », il désigne le capital d’exploitation d’une ferme, y compris les bâtiments, les équipements de culture et les outils.

Les animaux sont loués non pas contre paiement d’un loyer en argent, mais en échange d’une part des profits ou des produits du cheptel entre le bailleur et le preneur.

Le bail à cheptel est considéré comme un contrat de location « original », car il se distingue des contrats de location traditionnels qui concernent généralement des biens immobiliers ou mobiliers non fongibles, alors que ce bail concerne du cheptel vivant. Le « loyer » correspondant au cheptel loué n’est pas payé en argent, mais sous forme de produits provenant du cheptel loué, tels que la la laine, par exemple. À la fin de la location, le bailleur doit retrouver la même quantité de cheptel qu’il a mis à disposition en location. En d’autres termes, l’éleveur est tenu de laisser, à la fin du bail, le même fonds de bétail qu’il a reçu.

Le bail emphytéotique

Le bail emphytéotique est un type de bail immobilier réglementé par les articles L 451-1 et suivants du code rural. Il doit être établi par acte notarié et inscrit au Service de la Publicité Foncière. Il peut concerner différents types d’immeubles, tels que ruraux, d’habitation, industriels ou commerciaux. Si l’immeuble est rural, il n’est pas soumis au Statut du Fermage, à condition que les critères du bail emphytéotique soient respectés. Sinon, le bail sera requalifié en un autre type de bail, comme le bail rural soumis au Statut du Fermage.

Il y a plusieurs situations qui peuvent entraîner la requalification du bail emphytéotique, telles que des clauses interdisant la cession ou la sous-location sans l’accord du bailleur, limitant les travaux de construction ou d’aménagement, limitant l’usage du bien loué, prévoyant la résiliation du bail en cas de non-paiement, ayant une durée inférieure à 18 ans, ou pouvant se renouveler par tacite reconduction. La durée du bail emphytéotique doit être supérieure à 18 ans et ne peut dépasser 99 ans.

Le loyer peut être modique, mais est fixé librement par les parties, sans être soumis au barème préfectoral. Le bailleur peut avoir en contrepartie de la jouissance des travaux d’amélioration et de construction réalisés par le preneur, sans indemnité. Le preneur peut librement user des lieux loués, céder son droit au bail ou sous-louer. Le locataire est tenu de réparer les dégâts et peut changer le mode d’exploitation.

En somme, le bail emphytéotique peut présenter des avantages pour le bailleur (durée limitée, sans renouvellement) et pour le preneur (possibilité de céder le droit au bail, de sous-louer).