BENJAMIN CONSTANT, LIBÉRALISME POLITIQUE et SOUVERAINETÉ
Benjamin Constant et le libéralisme politique
C’est un libéralisme brillant et de lutte. Il synthétise le cœur de la pensée libérale, qu’elle soit politique ou économique. Il est d’origine suisse et issu d’une famille protestante. Il est né en 1767 et meurt à Paris en 1830 à la suite du triomphe de la Monarchie de Juillet. Il était connu comme un grand écrivain. Il a été l’amant d’une femme, Germaine de Staël, qui est la fille de Necker. Elle a été l’éducatrice politique de Constant. Il revient avec elle en France à l’époque du Directoire. En 1788, elle ouvre un salon. Elle est donc une figure fondamentale qui veut faire de la politique et entraine Constant dans ce milieu.
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Benjamin Constant se rallie à la Révolution dès 1795 et il fait parti du groupe réformateur de Seiyès et donc il se rallie au premier consul et est donc nommé au tribunat. Mais, dès 1802, il est chassé du tribunat car il fait de l’opposition. Il se met donc à réfléchir sur les problèmes politiques et institutionnels. Il écrit un manuscrit en 1802 dans lequel il détermine le pouvoir neutre pour ensuite placer la théorie du jury constitutionnaire. Il en écrit un autre en 1806 dans lequel il réfléchit à tous les gouvernements et pas seulement la République à laquelle il est favorable. Le premier grand ouvrage est celui de 1814, De l’esprit de conquête et de l’usurpation, qui est d’une cruauté et d’une sévérité contre Napoléon. Or, les Cents Jours se déroulent après et Benjamin Constant se rallie à Napoléon.
En réalité, Benjamin Constant n’abandonne pas ses principes. En 1830, il dira qu’il a soutenu pendant 40 ans la même idée, la liberté avant tout et dans tout. En 1818, il publie un cours de politique constitutionnelle. On a donc un premier cours de droit constitutionnel libéral avec lui.
Une chose est claire chez lui, sa pensée politique est acquise dès la fin du Directoire. Aussi, sa pensée est très marquée par sa réflexion et celle des hommes de la Révolution, sur les causes de l’échec de la liberté sous la Révolution. Ce noyau central de la liberté va être appliqué par Constant aux différents régimes politiques et donc la fonction d’un régime politique est de garantir la liberté.
La souveraineté
La question de la souveraineté concerne le premier chapitre dans l’ouvrage de Constant en 1818. C’est donc pour lui quelque chose de central. C’est le moyen qu’il a de réfléchir et d’expliquer l’échec de la Révolution française. Il s’agit de savoir comment en confiant la souveraineté à la population, on n’a pas réussi à produire et préserver la liberté comme cela aurait du être en politique. Il s’agit de la même idée de Rousseau qui dit que la volonté générale est nécessairement bonne.
P1- Le caractère premier de la question de la souveraineté
Il faut se demander quel est le problème général qu’il faut se résoudre. La question que Constant et tous les révolutionnaires se posent est de connaitre le facteur de l’échec de la Révolution. Il ne suffit donc pas d’avoir la République pour avoir la liberté car elle a tout de même conduit à la Terreur.
Constant retrouve ici une vieille affirmation de Montesquieu qui dit que la liberté politique ne se trouve que dans les gouvernements modérés et donc il n’y a pas de régime politique libéral par nature. Ainsi, Constant, pourtant républicain, est prêt à s’engager dans tout régime politique modéré. Constant dit donc qu’il y a des principes politiques indépendants de toute constitution applicables à tous les gouvernements. Il ne faut donc pas se fixer dans la forme du gouvernement car la liberté se trouve ailleurs.
Dès 1789, la Révolution se réclame de la liberté et la République proclame la souveraineté du peuple. Constant dit que la souveraineté est la question de l’autorité sociale. Il essaye de nous faire comprendre que ce n’est pas qu’une question de savoir qui va exercer le pouvoir car cela est dit dans la constitution. La souveraineté nous envoie vers quelque chose de plus profond. A partir du moment où en république l’ensemble des citoyens sont titulaires de la souveraineté, quelle est la nature du pouvoir que chaque citoyen a le droit d’exercer sur l’individu ? L’autorité sociale est donc la figure de la société quand elle exerce la République donc lorsqu’elle fait des lois et prescrit des comportements. Marx disait que l’homme est un être social car il est créé par la société. L’autorité sociale est l’autorité qui considère que l’homme est créé par la société, qu’il est placé dans une dépendance avec la société. Constant se demande donc si la société ne va pas demander sans cesse à l’individu de payer sa dette sociale.
P2- Le principe de la vérité de la souveraineté du peuple
Constant maintient la vérité de principe de souveraineté du peuple, même lorsqu’il se rallie à la monarchie. C’est un principe incontestable mais c’est un principe négatif.
C’est un principe incontestable car le seul pouvoir légitime est celui issu de la volonté générale, et donc il rejoint ici Rousseau. Cela peut s’expliquer par le fait que Constant assimile la loi à un acte de volonté et donc la déduction logique est que la seule volonté légitime est celle de tous. Si la loi est l’expression de quelque uns, elle serait alors violente.
Il dit que le principe de souveraineté du peuple convient à tous les régimes politiques. En réalité, Constant appelle volonté générale quelque chose de plus vague que chez Rousseau car en réalité cela signifie opinion. La souveraineté du peuple et donc une souveraineté de l’opinion et donc un gouvernement est légitime temps qu’il est soutenu par l’opinion publique.
C’est une vérité purement négative. Constant dit que dans une société fondée sur la souveraineté du peuple, il n’appartient à aucun citoyen de soumettre sa volonté particulière à tous car seule la volonté générale peut ordonner pour tous. Mais il dit qu’il est faux que la société toute entière possède sur ses membres une souveraineté sans bornes. La souveraineté n’appartient donc à personne car elle appartient exclusivement à tous. Or, le problème est que la totalité du peuple n’est jamais effectivement rassemblée. On a donc une dissociation fondamentale entre le pouvoir concret et le principe même de sa légitimité et donc il n’y a jamais de coïncidence entre le gouvernement et le peuple. Constant rappelle donc que personne ne peut capter à son profit la légitimité du pouvoir. Pour Constant, c’est une bonne chose que la volonté du peuple et la volonté du gouvernement ne se rejoignent jamais car cela permet une légitimité conditionnelle du gouvernement.
Il est impossible de surmonter la distinction entre le gouvernement et les administrés. On est donc obligé de confier le gouvernement à un certain nombre car on ne peut le confier à tous. On va donc donner du pouvoir à la majorité dans la démocratie. Constant dit qu’on ne peut pas faire autrement. Constant dit que la minorité triomphante est encore plus injuste alors que la majorité au moins concerne le plus grand nombre. Cependant, il y a une limite inhérente au principe majoritaire bien compris selon lui. Cela signifie que la majorité n’a pas intérêt à réprimer la minorité car nuire à un seul c’est nuire à tous. Aussi, Constant dit que la majorité n’est pas quelque chose de stable dans son contenu et donc la majorité d’aujourd’hui était la minorité d’hier ou sera la minorité de demain. Il est donc de son intérêt de ne pas nuire à la minorité.
« Par liberté, j’entends le triomphe de l’individualité tant sur l’autorité qui voudrait gouverner par le despotisme que sur les masses qui réclament le droit d’asservir la minorité à la majorité ». Ainsi, les libéraux se méfient du pouvoir politique traditionnel autoritaire mais aussi des masses car avec le principe majoritaire elles peuvent tout vouloir.
P3- Le principe de la souveraineté limitée
« La souveraineté n’existe que d’une manière limitée et relative au point où commence l’indépendance et l’existence individuelle s’arrête la juridiction de cette souveraineté ». L’expression « souveraineté limitée » est parfaitement contradictoire car par essence le souverain n’est limité en rien car c’est le dernier à parler et décider.
Dans cette expression, ce n’est pas la puissance qui cesse d’être souveraine. La limite vient de l’espace ou de l’endroit dans lequel la souveraineté a le droit de s’exercer.
A- La limitation de la souveraineté
Deux causes permettent de limiter la souveraineté. La première est l’existence des droits individuels qui définissent un espace social dans lequel la souveraineté n’a pas le droit d’entrer. La souveraineté n’a donc pas le droit d’entrer dans l’intimité du citoyen. Cependant, l’individu a beau avoir un domaine à lui, il fait quand même partie de la société et donc l’autorité sociale devrait pouvoir y avoir un rôle. La seconde est l’idée de justice et ici Constant se rattache au principe de droits naturels. Constant dit que l’obéissance à la loi cesse d’être due si la loi est contraire à la morale et même aux principes éternels de justice et de pitié. Autrement dit, Constant reconnaît au citoyen un droit à la désobéissance civile.
B- Les techniques de limitation de la souveraineté
Concernant les techniques de limitation, c’est ici que le libéralisme se forme. La loi n’est pas à elle seule suffisante, contrairement à ce que la Révolution voulait mettre en avant. Pour un libéral, il faut même imaginer de limiter la loi elle même car elle est l’expression de l’autorité sociale qui n’a pas nécessairement raison. Constant critique donc le positivisme juridique et considère qu’on ne peut pas se satisfaire des garanties formelles. Il faut donc une garantie matérielle. « Il y a des parties de l’existence individuelle sur lesquelles la société n’a pas le droit d’avoir une volonté ».
Deuxième technique, Constant attend beaucoup de la critique idéologique et donc la formation d’une opinion critique et sensible à la liberté. Troisième technique, on a la modération du pouvoir et donc une bonne distribution et balance des pouvoirs. Le véritable moyen de garantir la liberté est l’individualisme.