Benjamin Constant et le système politique de l’Etat

Section 3- Le système politique des modernes

Benjamin Constant, était un militant politique suisse-français et un écrivain sur la théorie politique et la religion.

Républicain engagé dès 1795, il a soutenu le coup d’État du 18 Fructidor, (4 septembre 1797) et celui qui a suivi le 18 brumaire, (9 novembre 1799). Pendant le Consulat, en 1800, il devient le chef de l’opposition libérale. Ayant contrarié Napoléon et quitté la France pour aller en Suisse puis au Royaume de Saxe, il se range néanmoins du côté de Napoléon pendant les Cent-Jours et redevient politiquement actif pendant la Restauration française. Il est élu Député en 1818 et reste en poste jusqu’à sa mort en 1830. Chef de l’opposition libérale, dite des Indépendants, il fut l’un des plus remarquables orateurs de la Chambre des députés de France, en tant que partisan du système parlementaire. Pendant la Révolution de juillet, il est partisan de l’accession au trône de Louis Philippe Ier.

Il est l’auteur de nombreux essais sur des thèmes politiques et religieux, et écrit également sur l’amour romantique, comme l’autobiographique Le Cahier rouge (1807) qui rend compte de son amour pour Madame de Staël, dont il est devenu le protégé et le collaborateur, notamment dans le cercle de Coppet, et une nouvelle à succès, Adolphe (1816).

 

P1- Le rôle de l’Etat

 

Constant est libéral mais ne va jamais jusqu’au quasi refus de l’Etat. Cependant, au XIXe siècle, il y a des hommes qui pensent la société sans l’Etat : Thomas Paine, Godwin, Frédéric Bastiat. Chez Constant, il y a la place d’une réflexion positive sur l’Etat. Les formes de l’Etat sont relativement indifférentes chez Constant mais il se fixe sur quelque chose de central, le caractère constitutionnel et représentatif de l’Etat et du pouvoir. Il s’intéresse donc à la structure et la répartition des pouvoirs pour avoir ce gouvernement constitutionnel et représentatif.

 

L’autorité sociale n’est pas l’Etat mais un ensemble plus vaste. L’approche négative de Constant est le refus de la multiplication des lois. Pour lui, c’est un symptôme de la volonté des gouvernants de toujours gouverner. Il adresse deux critiques à cela. D’abord, il dit que c’est une gène pour la moralité des individus et donc c’est l’idée que la multiplication des lois va faire que la loi va se substituer à la morale de l’individu pour déterminer ce qui est bien et mal. Il n’y aurait donc plus de jugement moral personnel. Par ailleurs, la multiplication des lois risque de multiplier les conflits entre la morale législative et la morale naturelle. Seconde critique, la multiplication des lois est un pseudo avantage car elle manifeste une multiplication des agents de la loi et donc une multiplication des risques de l’arbitraire.

 

L’approche positive est de connaître les attributions réservées à l’Etat. Il reprend l’idée d’Etat veilleur de nuit qui vient de Mirabeau. Constant disait que « les gouvernants sont ces sentinelles placées par les individus qui s’associent précisément pour que rien ne trouble leur repos, ne gène leur activité ». Il y a deux arguments justifiant les limites de l’intervention de l’Etat. Constant fait remarquer d’abord que l’intérêt particulier est mieux éclairé que le pouvoir collectif. Ensuite, il critique l’argument de la méchanceté des hommes et donc les lois sont nécessaires pour arrêter cela en disant que donner des lois aux méchants c’est leur donner du pouvoir. C’est donc un portrait classiquement libéral de l’Etat.

 

Ensuite, l’Etat est véritable dans ses attributions. Limiter les attributions de l’Etat ne signifie par organiser un pouvoir faible. Constant dit que mieux le pouvoir de l’Etat est circonscrit dans ses attributions mieux il est efficace. Ce qui compte n’est donc pas la puissance de l’Etat mais le champ d’intervention de l’Etat. Chez Constant, l’Etat est créé pour les besoins de la société. Selon Constant, l’Etat doit être puissant dans le cadre de ses fonctions propres.

 

Aussi, il en résulte que les individus ont des devoirs à l’égard de l’autorité sociale. Problème classique posé par Constant, il se demande ce que l’individu doit faire face à un pouvoir absolu empiétant sur ses droits naturels. Apparemment, les hommes sont devant une alternative selon Constant : obéir à la loi même injuste (théorie de Blaise Pascal) & autoriser toutes les résistances même les plus insensées (théorie de Babeuf). Constant estime que ceux qui sont les plus optimistes  et positivistes excluent l’obéissance absolue sur le terrain le plus sensible pour eux, notamment Blaise Pascal suspend sa théorie de l’obéissance en matière religieuse. Il se demande comment respecter en le droit positif et en même temps le droit naturel. Une des solutions est le fait que le droit naturel n’existe plus car les juristes n’y croient plus. En réalité, Constant donne une réponse en plusieurs étapes. Première étape, l’obéissance à la loi est un devoir relatif et donc il faut obéir à la loi dans la mesure où elle est légitime et ne dépasse pas ses limites. Cependant, les limites sont sujet à discussion sans fin. Deuxième étape, il s’agit donc de savoir à quoi on reconnaît une loi légitime. Constant tente d’avoir des critères objectifs comme la non rétroactivité (contraire au pacte social), la non prescription d’actions contraires à la morale,… Constant ne répond donc pas ç la question et la déplace car il ne veut pas reconnaitre le droit de résistance par respect des citoyens c’st-à-dire en réalité qu’il dit que la résistance a un risque de guerre civile. Cette peur est d’ailleurs l’argument de Hobbes dans le Léviathan. Constant propose une distinction complète : si la loi est injuste on lui oppose une inertie (donc ne pas l’utiliser) & si la loi est immorale il faut désobéir.

 

Cette position pragmatique de Constant n’entraine ni révolution ni désordre mais en même temps il ne voit aucune raison de prêter main forte à la loi immorale.

 

P2- Un régime représentatif

 

 Concernant la nature du régime, Contant est indifférent à la nature politique du régime. Ainsi, quelque soit la nature du régime, il y a des éléments centraux pour tous. Il veut un régime constitutionnel donc un régime où l’autorité sociale ne sort pas de ses limites.

 

Concernant le régime représentatif comme découverte des modernes, Constant disait que « plus l’exercice de nos droits politiques nous laissera de temps pour nos intérêts privés, plus la liberté nous serra précieuse ». Il n’est donc pas question que l’homme y passe la totalité de son temps à la politique. Le système représentatif permet donc de concilier la vie privée et la garantie politique.

 

Le régime doit être constitutionnel et Constant est un des premiers théoriciens du droit constitutionnel. Il s’agit d’un régime organisé par le Droit et issu de la souveraineté du peuple. Sous la restauration, il publie de nombreux textes comme en mai 1814 au moment où Louis XVIII revient il écrit un texte sur les garanties du pouvoir. Dans ce texte, il y a l’idée qu’une constitution est l’œuvre du temps et donc on ne peut pas imposer au peuple quelque chose sur le temps. Deuxième idée, Constant estime qu’une constitution écrite est nécessaire et il faut qu’elle soit rigide avec donc une procédure de révision différente de celle de la loi. Troisième idée, il vaut mieux avoir une assemblée constituante au lieu d’octroyer la constitution. La constitution ne doit contenir que la proclamation et la garantie des droits individuels et les garanties du pouvoir.

 

P3- Un régime d’équilibre des pouvoirs

 

Constant fait un apport original car il développe une théorie du pouvoir neutre qui est une tentative de réponse à un problème qui s’est posé tout au long de la Révolution : la division des pouvoirs de Montesquieu contient le risque d’un conflit des pouvoirs. Il y a deux solutions face à ce problème : coalisation de deux pouvoirs contre le troisième & équilibre des pouvoirs.

 

Le pouvoir neutre est un quatrième pouvoir mais qui est d’une nature différente des trois autres. Son rôle unique des de garder la constitution au sens où ce pouvoir est uniquement chargé de veiller à ce que le pouvoir respecte ses compétences. C’est donc une fonction d’arbitrage. Mais on peut estimer que ce quatrième pouvoir pourrait lui même prendre le pouvoir. Selon Constant, ce pouvoir n’est pas actif et donc il n’a pas de contact avec la société. Son seul pouvoir est le droit de dissolution de l’assemblée ou la possibilité de prononcer la démission du gouvernement. Il peut donc jouer uniquement sur ces deux facultés et donc il s’agit seulement d’un jeu de politique pour tenter d’équilibrer les forces.

 

Le rêve du pouvoir neutre de Constant est de résoudre deux paradoxes : arriver à maintenir un équilibre des pouvoirs alors que la logique des rapports de force l’interdit & arriver à rendre responsable le pouvoir alors que sa tendance naturelle est d’échapper à toute responsabilité. En réalité, Constant dépasse ce problème car on peut se demander si ce pouvoir est vraiment neutre.

 

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