Le blanchiment de capitaux en droit marocain

LE BLANCHIMENT DE CAPITAUX

Présentation du cadre légale la loi 43-05 et la loi 13-10 ANTI BLANCHIMENT

La nouvelle loi 43-05 promulguée par dahir n° 1-07-79 du 17 avril 2007 et publiée au BO N°5522 du 3 mai 2007 relative à la lutte contre le blanchiment d’argent vient compléter l’actuel code pénal et prévoit un ensemble de dispositions concernant le blanchiment de capitaux, en 2011 une autre loi n°13-10 promulguée par dahir n°1-11-02 du 20 janvier 2011 (BO n°5911 bis du 24 janvier 2011)

Cette réforme traduit dans notre droit interne les engagements pris antérieurement par le Maroc dans un cadre international. pour cette raison, l’ensemble législatif nouveau ne se limite pas à la définition de l’infraction, mais comporte également tout un ensemble de mesures destinées à assurer la nécessaire coopération internationale en la matière ( Elle s’inscrit dans le cadre du mise en harmonie des dispositions internes avec les conventions internationales ratifiées par le Maroc, notamment les conventions onusiens de lutte contre le blanchiment d’argent, du financement du terrorisme ainsi que les recommandations de la COMMISSION FINNACIERE DU FMI et du GAFI )

Cette loi est divisée en quatre chapitres :

Le chapitre I est réservé à la définition de l’infraction (éléments matériels de l’infraction décrits dans l’art 574 al 1 , l’article 574-2 énumère les infractions à l’origine du blanchiment de capitaux selon le législateur marocain, l’article 574-3 définit la peine de l’infraction, la tentative, l’article 574-4 énumère les circonstances aggravantes, l’alinéa 5 du même article prévoit les peines complémentaires.

Quant au deuxième chapitre, il est consacré aux mesures de prévention et de lutte contre le blanchiment d’argent.

Le chapitre III est consacré aux dispositions particulières aux infractions de terrorisme

Et enfin le chapitre IV prévoit des dispositions finales

I- LA PRÉVENTION DU BLANCHIMENT DE CAPITAUX

PERSONNES ET ORGANES IMPLIQUEES DANS LA LUTTE ANTI BLANCHIMENT :

A- PERSONNES ASSUJETTIES

Détermination des personnes assujettis à la loi anti blanchiment: professionnels impliquées par ces mesures et qui sont définies par l’article 2 du chapitre II étant des personnes physiques ou morales de droit publique ou droit privé à l’exception de l’Etat, qui dans l’exercice de leur mission ou de leur profession réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations entraînant des mouvements de capitaux susceptibles de constituer des infractions de blanchiment.

Aux termes de cet article, sont considérées comme personnes assujetties :

Bank al maghreb ;

Les établissements de crédit ;

Les banques et sociétés holding offshore ;

Les entreprises d’assurances et de réassurances, et intermédiaires en matière d’assurance et de réassurance.

Les sociétés de bourse;

Les compagnies financières ;

Les contrôleurs de comptes, comptables externes et conseillers fiscaux ;

Les sociétés d’intermédiation en matière de transfert de fonds

Les bureaux de change

Les sociétés gestionnaires d’actifs financiers.

Personnes membres d’une profession juridique indépendante :

*lorsqu’elles participent, au nom et pour le compte de celui-ci, à une transaction financière ou immobilière.

*lorsqu’elles assistent leur client dans la préparation ou l’exécution d’opérations relatives à :

a- l’achat et la vente de biens immobilier ou entreprises commerciales ;

b- gestion de fonds, de titres ou d’autres actifs appartenant au client ;

c- l’ouverture ou la gestion de comptes bancaires, d’épargne ou de titres ;

d- l’organisation des apports nécessaires à la constitution, la gestion ou à la direction de sociétés ou de structures similaires;

Les personnes exploitant ou gérant des casinos ou établissements de jeux de hasard y compris les casinos ou établissements de jeux de hasard sur internet.

Les agents intermédiaires immobiliers, lorsqu’ils effectuent des transactions pour leurs clients concernant l’achat ou la vente de biens immobiliers ;

Les négociants en pierres et métaux précieux lorsque l’opération effectuée en espèces et dont le montant est supérieur à 150.000 dhs ainsi que les personnes qui se livrent habituellement au commerce d’antiquités et d’œuvres d’art ;

Les prestataires de services intervenant dans la création, l’organisation et la domiciliation des entreprises.

Les obligations imposées aux personnes assujetties :

Il s’agit des obligations imposées aux personnes assujetties à la loi anti blanchiment, à savoir :

Obligation de vigilance :

Ces personnes sont tenues de recueillir tous les éléments d’information permettant l’identification de leur clientèle habituelle ou occasionnelle.

Obligation de déclaration de soupçon ;

Les personnes assujetties sont tenues de faire une déclaration de soupçon à l’unité de traitement de renseignement financier, concernant :

1- Toutes sommes ou opérations soupçonnées d’être liées au blanchiment de capitaux

2- Toutes opérations dont l’identité du donneur d’ordre ou du bénéficiaire est douteuse.

Obligation de veille interne :

Les intervenants mettent en place un dispositif de veille interne leur permettant de s’assurer de façon permanente de respect des règles relatives au devoir de vigilance ;

Le dispositif de veuille interne doit prévoir les modalités de suivi des opérations passées par les clients, particulièrement ceux présentant un risque élevé.

Le dispositif de veille interne doit prévoir un plan de formation spécifique à la lutte contre le blanchiment de capitaux et ce, au profit, des dirigeants et des membres du personnel.

INSTAURATION D’UNE UNITE DE TRAITEMENT DU RENSEIGNEMENT FINANCIER , chargée de :

De recueillir et de traiter les renseignements liés au blanchiment de capitaux et décider de la suite à réserver aux affaires dont elle est saisie.

De constituer une base de données concernant les opérations de blanchiment de capitaux ;

D’ordonner les enquêtes ou investigations à effectuer par les services d’enquêtes.

II-Les éléments constitutifs de l’infraction de blanchiment de capitaux:

L’élément matériel :

L’infraction de blanchiment étant une infraction de conséquence, elle consiste d’abord, à faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou revenus de l’auteur d’infractions ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect (fausses factures, faux contrats de travail, faux bulletin de paie ) ensuite, à intégrer le produit de l’infraction originaire, dans un circuit financier licite ou à faire perdre la trace de son origine illicite et ce par le biais des actes énumérés. Par l’art (574-1 Code Pénal Marocain)

Article 574-1[5] de la loi n° 13-10 modifiant et complétant le code pénal approuvé par le dahir n° 1-59-413 du 26 novembre 1962 :

constituent un blanchiment de capitaux, les actes ci-après, lorsqu’ils sont commis intentionnellement et en connaissance de cause :

– Le fait d’acquérir, de détenir, d’utiliser, de convertir, de transférer ou de transporter des biens ou leurs produits dans le but de dissimiler ou de déguiser la nature véritable ou l’origine illicite de ces biens, dans l’intérêt de l’auteur ou d’autrui lorsqu’ils sont le produit de l’une des infractions prévues à l’article 574-2 ci-dessous ;

– La dissimulation ou le déguisement de la nature véritable, de l’origine, de l’emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété des biens ou des droits y relatifs dont l’auteur sait qu’ils sont les produits de l’une des infractions prévues à l’article 574-2 ci-dessous ;

– le fait d’aider toute personne impliquée dans la commission de l’une des infractions prévues à l’article 574-2 ci-dessous à échapper aux conséquences juridiques de ses actes ;

– le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des produits de l’auteur de l’une des infractions visées à l’article 574-2 ci-dessous, ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect ;

– Le fait d’apporter un concours ou de donner des conseils à une opération de garde, de placement, de dissimulation de conversion ou de transfert du produit direct ou indirect, de l’une des infractions prévues à l’article 574-2 ci-dessous.

– Le fait de tenter de commettre les actes prévus au présent article.

Ensuite, l’alinéa 2 de l’article 574 (modifié par la loi 13-10 qui a élargi la liste des infractions) énumère limitativement les infractions que le législateur marocain considère comme infraction d’origine du blanchiment d’argent, qui sont les suivantes :[6]

  • 1- trafic illicite de stupéfiants et de matières psychotropes ;
  • 2- trafic d’être humains ;
  • 3- trafic d’immigrants ;
  • 4- trafic illicite d’armes et de munitions,
  • 5- corruption, concussion, trafic d’influence et détournement de deniers publics et privés ;
  • 6- infractions de terrorisme ;[7]
  • 7- contrefaçon ou falsification des monnaies ou effet de crédits publics ou d’autres moyens de paiement.
  • 8- L’appartenance à une bande organisée, formée ou établie dans le but de préparer ou de commettre un ou plusieurs actes de terrorisme ;
  • 9- L’exploitation sexuelle ;
  • 10-Le recel de choses provenant d’un crime ou d’un délit ;
  • 11-L’abus de confiance,
  • 12-L’escroquerie ;
  • 13-Les infractions portant atteinte à la propriété intellectuelle ;
  • 14-Les infractions portant atteinte aux droits d’auteur et droits voisins ;
  • 15-Les infractions contre l’environnement ;
  • 16-L’homicide volontaire et voies de fait volontaires ;
  • 17-L’enlèvement, la séquestration ou la prise d’otage ;
  • 18-Le vol et l’extorsion ;
  • 19-La contrebande ;
  • 20-La fraude sur la marchandise et les denrées alimentaires ;
  • 21-Le faux, l’usage de faux et l’usurpation ou l’usage irrégulier de fonctions, de titres ou de noms.
  • 22-Le détournement, la dégradation d’aéronefs ou des navires ou de tout autre moyen de transport, la dégradation des installations de navigation aérienne, maritime et terrestre ou la destruction, la dégradation ou la détérioration des moyens de communication ;
  • 23- Le fait de disposer, dans l’exercice d’une profession ou d’une fonction, d’informations privilégiées en les utilisant pour réaliser ou permettre sciemment de réaliser sur le marché une ou plusieurs opérations ;
  • 24- L’atteinte aux systèmes de traitement automatisé des données.

Enfin, il convient de préciser que le législateur Marocain a bien expliqué le concept de capitaux faisant l’objet de blanchiment en utilisant : « produits » et « biens »

Par produit, il s’agit de tous biens provenant directement ou indirectement de l’une des infractions prévues à l’article 574-2.

Par biens, il s’agit de tous les types d’avoirs corporels ou incorporels, meubles ou immeubles, divis ou indivis, ainsi que les actes juridiques ou documents attestant la propriété de ces avoirs ou des droits qui s’attachent.

L’élément moral :

Le blanchiment de capitaux est une infraction intentionnelle,

III- LA RÉPRESSION :

L’article 574-3 prévoit deux sanctions :

* pour les personnes physiques, de cinq à vingt ans de réclusion et d’une amende de 500.000 à 2.000.000 de dirhams ; 3

* pour les personnes morales, d’une amende de 1.000.000 à 5.000.000 de dirhams, sans préjudice des peines qui pourraient être prononcées à l’encontre de leurs dirigeants ou agents impliqués dans les infractions.

Peines complémentaires :

L’article 574-5 prévoit à l’encontre des personnes coupables de blanchiment une ou plusieurs des peines complémentaires :

  • – Confiscation ;
  • -Dissolution ;

La tentative est passible des mêmes peines.

Circonstances aggravantes :

La peine est portée à dix ans et à trente ans de réclusion et l’amende au double :

  • – lorsque les infractions sont commises en utilisant les facilités que procure l’exercice d’une activité professionnelles;
  • – lorsque les infractions sont commises en bande organisée;
  • – en cas de récidive[8]. :La loi de 2007avait prévu : Pour les personnes physiques, l’emprisonnement d’un an à cinq et une amende de 20.000 à 100.000 dirhams.Quant aux personnes morales, elles sont punies d’une amende de 500.000 à 3.000.000 dirhams, sans préjudice des peines qui pourraient être prononcées à l’encontre de leurs dirigeants et agents impliqués dans les infractions.


Selon le même article « est en état de récidive l’auteur qui commet les faits dans les cinq ans suivant une décision ayant acquis la force de la chose jugée pour les infractions prévues à l’article 574-1

Sanction à l’encontre des personnes assujetties

Article 28 de la loi n° 43-05 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux promulguée par le dahir n° 1-07-79 du 17 avril 2007

Sans préjudice des sanctions pénales plus graves et des sanctions prévues par les législations qui leur sont appliquées, les personnes assujetties et, le cas échéant, leurs dirigeants et agents, qui manquent à leurs obligations prévues aux articles 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 13, 13.1, 16 et 33 du chapitre II de la loi n° 43-05 susvisée, peuvent être condamnées à une sanction pécuniaire allant de 100.000 à 500.000 dirhams qui leur est infligée par l’organe sous le contrôle duquel elles sont placées et selon la procédure qui leur est applicable pour manquement à leurs devoirs ou aux règles et à la déontologie professionnelles.

Lorsque la personne assujettie n’a pas d’autorité de supervision et de contrôle, la sanction pécuniaire est prononcée par l’Unité.

Les décisions prises par l’Unité en application du présent article peuvent faire l’objet de recours devant e tribunal administratif compétent.