Le bordereau Dailly (ou bordereau de cession de créance professionnelle)
Le bordereau Dailly est une convention par laquelle un créancier (le cédant) transmet sa créance, qu’il tient sur l’un de son débiteur (le débiteur cédé), à un établissement de crédit (cessionnaire). Le bordereau Dailly permet :
- soit de céder à sa banque ses créances sur ces clients afin d’obtenir du crédit
- soit de céder ces créances à titre de nantissement pour garantir un crédit.
Le bordereau Dailly est un instrument cambiaire constitue les instruments de crédit les plus sophistiqués, les plus sûrs mais ils présentent des inconvénients pratiques majeurs :
- – support papier : coût de traitement, délai qui peuvent freiner l’activité commerciale.
- – pour mobiliser une créance, il est nécessaire d’émettre un effet de commerce.
Les effets de commerce ne permettent pas la mobilisation d’une pluralité de créances.
Pour pallier ces différents inconvénients, la pratique s’est orientée dans deux voies :
- Cours de Droit des instruments de paiement
- Le chèque : émission, transmission, paiement
- La monnaie scripturale
- L’ordre de virement : condition de validité, preuve, effet
- L’opération de virement
- Les différentes formes de virement
- Le droit de la carte de paiement
- – la création de nouveaux instruments matérialisés permettant une cession globale de créance : bordereau de cession de créance professionnelle : c’est le cas du bordereau dailly
- – la dématérialisation des effets de commerce.
I – Définition, sources, fonctions du bordereau Dailly
Sources :
- – loi du 2/01/1981 pour faciliter le crédit aux entreprises,
- – modifiée par la loi de janvier 1984 et celle d’août 2003,
- – aujourd’hui régi par le CMF aux articles L313-23s.
Les fonctions :
Il permet de réaliser plusieurs opérations juridiques différentes.
La loi prévoit que le bordereau Dailly peut être utilisé pour céder des créances ou nantir des créances.
Le nantissement de créances par bordereau est très rare.
On l’étudiera donc que pour la cession de créance.
Mais quant il est utilisé pour céder des créances, cette cession peut correspondre à deux opérations juridiques différentes :
– la cession peut être une cession à titre d’escompte, en pleine propriété.
– la cession peut être une cession à titre de garantie : cession fiduciaire.
- cession de créances en pleine propriété :
Cession par la voie de l’escompte.
Le banquier paye au cédant le montant des créances dont la propriété est transférée.
L’inscription au crédit du compte de son client cédant correspond au paiement par le banquier du prix des créances cédées, diminuées de la commission perçue par le banquier.
Comme dans tout contrat de vente, le prix doit être déterminé ou au moins déterminable, à l’aide de facteurs objectifs.
Cela permet que les créances cédées dans le cadre d’une cession-escompte doivent être certaines, le montant doit être déterminable, leur date d’exigibilité doit être connue.
La seule différence avec la lettre de change est la possibilité de céder plusieurs créances sur un même bordereau.
- cession de créances à titre de garantie :
Dans le cadre d’une cession qualifiée de fiduciaire.
Le lien entre les créances cédées et la créance garantie disparaît.
Donc le crédit du compte du client, l’avance de fond que fait le banquier est « décrochée juridiquement » des créances cédées.
Le banquier, d’une part, consent un prêt ou une avance à son client, d’un certain montant qui se matérialise par le crédit du compte de son client.
Et d’autre part, le banquier reçoit en garantie des créances détenues par son client.
Cela permet que le crédit du compte ne corresponde pas au paiement des créances, il n’est pas nécessaire que les créances cédées en garantie ait un montant déterminé ni déterminable.
Il suffit que la créance soit certaine en son principe, peu importe qu’elle ne soit pas exigible ou pas liquide.
C’est là, le principal intérêt de la cession Dailly : pouvoir transférer à titre de garantie un volume global de créances futures.
II : Les conditions de la cession de créance professionnelle :
Il y a généralement une convention cadre de service entre le banquier et son client.
Cette convention détermine généralement le nature de la cession, c’est à dire, cession en pleine propriété ou à titre de garantie.
La convention prévoit généralement la faculté pour le banquier de rejeter, après examen du bordereau, tout ou partie des créances présentées.
La convention prévoit également un mandat à la charge du client : mandat de recouvrer le montant des créances cédées.
- &1°)- les conditions de fond :
La cession de créance, par bordereau Dally, déroge dans le fond et la forme à la cession de créance de droit commun.
Son champ d’application est limité quant aux parties et à l’objet de l’opération.
A)- les conditions tenant aux parties :
CMF ; L313-23.
1°)- conditions tenant au cédant :
Il doit être une personne morale de droit privé ou de droit public, ou une personne privée, dans l’exercice de son activité professionnelle.
2°)- conditions tenant au cessionnaire :
C’est nécessairement un établissement de crédit ou assimilé.
B)- les conditions tenant aux créances cédées :
La créance doit revêtir trois caractères :
– elle doit être professionnelle, aussi bien pour le créancier que pour le débiteur (pour la cession par bordereau de créances sur les consommateurs).
Cette exigence est présumée satisfaite lorsque les deux parties sont des personnes morales.
– les modalités de la créance :
CMF ; L313-23.
Peuvent être cédées les créances résultant d’un acte déjà intervenu ou à intervenir dont le montant ou l’exigibilité ne sont pas encore déterminés.
Il suffit pour que la créance soit cédée, qu’on en connaisse le fondement judiciaire, que la créance soit identifiable.
– disponibilité de la créance :
Le cédant ne peut céder que des créances disponibles, dont il a droit de disposer.
Art. 13 de la loi 1975 sur la sous-traitance offre un exemple typique de l’indisponibilité de la créance : l’entrepreneur principal ne peut céder ou nantir les créances résultant du marché et du contrat passé avec le maître de l’ouvrage qu’à connaissance des sommes qui lui sont dues au titre des travaux qu’il effectue principalement.
A contrario, cela signifie, que l’entrepreneur principal ne peut céder la créance correspondant aux travaux qu’il sous-traite.
Celle-ci est en effet indisponible entre les mains de l’entrepreneur.
L’origine de la créance est indifférente depuis la loi de 1984, elle peut être d’origine contractuelle ou délictuelle.
- &2°)- les conditions de forme :
A)- l’établissement du bordereau :
Le bordereau doit être établi sur support papier.
Il doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires. CMF ; L313-23 et L313-25.
1°)- les mentions exigées par L313-23 :
– Le bordereau doit comporter la mention « acte de cession professionnelle » et indication que soumis à L313-23 à -34 ; CMF.
– Le nom ou la dénomination sociale de l’établissement de crédit, le bordereau ne peut être au porteur.
Il peut être stipulé à ordre, mais sa transmission n’est possible qu’à un autre établissement de crédit.
– Les indications permettant d’individualiser les créances cédées : indications du débiteur, du lieu de paiement, une évaluation de la créance et l’échéance de la créance.
Pour ces trois mentions, sanction en cas d’omission, L313-23 : l’acte ne vaut pas comme acte de cession de créance professionnelle.
Le cessionnaire ne pourra pas se prévaloir du régime juridique de la cession Dally.
2°)- les mentions de L313-25 :
La signature du cédant, apposée par sa main ou par tout autre procédé non manuscrit, comme la griffe.
La date, apposée par le cessionnaire au moment où le cédant lui remet le bordereau, mention essentielle : à cette date, la cession devient opposable aux tiers.
En cas d’omission, le législateur ne prévoit pas de mention.
Cour de cassation ; 14/06/2000 : à défaut de mention de la date, l’acte ne vaut pas comme acte de cession de créance professionnelle, non opposable aux tiers et pas d’effet entre les parties.
La Cour de cassation semble donc retenir les mentions sanctions que pour L313-23.
Mais l’acte peut valoir reconnaissance de dette, commencement de preuve par écrit, cession de créance de droit commun, si mentions réunies.
B)- la remise du bordereau :
La cession résulte de la simple remise du bordereau au cessionnaire, pas besoin d’accomplir d’autres formalités : mode simplifié de cession de créance.