Le recours administratif n’a pas d’effet suspensif

 Le caractère non suspensif des recours en procédure administrative contentieuse

 Résumé : Les recours juridictionnels n’ont pas d’effet suspensif. Dans le cadre de la procédure administrative contentieuse, les recours ne sont pas pourvus d’un effet suspensif. Le Conseil d’État considère comme une règle fondamentale du droit public le fait que l’exercice d’un recours ne possède pas d’effet suspensif sur l’exécution des décisions contestées. Ce principe permet d’éviter une paralysie de l’action administrative.

Le Conseil d’État dans un arrêt Huglo du 2 juillet 1982 a affirmé qu’il s’agissait d’une règle fondamentale du droit public français. Cela signifie que tant que le juge ne s’est pas prononcé au fond, une décision administrative produit tous ses effets.

Il y a en effet une présomption de conformité au droit des actes administratifs.

Cette règle a pour but d’éviter une paralysie de l’action administrative par l’exercice de recours dilatoires.

Cette règle présente cependant des gros inconvénients. En effet, jusqu’à une date récente, la justice administrative était lente et les jugements interviennent alors qu’une situation irréversible est créée.

Alors pour palier ces inconvénients, des mesures d’urgence peuvent être ordonnées à titre temporaire par le juge administratif. Et sur ce point, la loi du 30 juin 2000 relative aux référés a apporté des changements importants. Cette loi unifie l’ensemble des procédures d’urgence sans pour autant faire disparaitre un grand nombre de textes spécifiques, subsistent encore 19 procédures d’urgence différentes.

Depuis cette loi on peut estimer qu’il y a 2 types de procédure d’urgence : celles qui permettent de suspendre l’exécution d’un acte et celles qui permettent de prononcer des mesures conservatoires.

A.   Les procédures permettant de suspendre l’exécution d’un acte administratif 

 Jusqu’au 1er janvier 2001, date d’entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000, la principale procédure d’urgence était le sursis exécution. Son octroi était assorti de conditions extrêmement restrictives par le conseil d’état. Ce qui avait amené le législateur a institué de très nombreuses procédures spécifiques qui venaient se superposer au régime de droit commun.

La loi du 30 juin 2000 a modifié substantiellement le régime de droit commun en l’intégrant dans la procédure du référé sous le nom de référé suspension sans pour autant faire disparaître un grand nombre de textes spécifiques.

  • 1) Le régime normal du référé suspension :

 Le conseil constitutionnel dans sa décision du 23 janvier 1987, conseil de la concurrence, avait fait du sursis d’exécution une garantie essentielle des droits de la défense.

13 ans plus tard, le législateur a innové en confiant aux juges des référés la possibilité de suspendre un acte administratif.

La suspension est soumise à un certain nombre de conditions.

  1. Les conditions de la suspension
  2. Les conditions de recevabilité du recours 

 

Ces conditions sont au nombre de 3 :

1–          Elle tient à l’existence d’une décision administrative :

Le législateur a prévu que la suspension pouvait être prononcée aussi bien à l’égard d’une décision explicite ou qu’implicite, d’une décision positive ou négative.

Dans le système du sursis, il fallait qu’il s’agisse d’une décision positive.

2–          La demande de suspension doit être utile :

Cela signifie que la demande de suspension ne peut être formée que contre un acte, une décision qui a déjà été exécuté au moment où le juge statue.

3–          La demande de suspension doit être l’accessoire d’une demande principale :

C’est-à-dire que pour que celle-ci soit recevable, il faut qu’il y ait eu un recours au principal qui soit formé préalablement.

  1. Les conditions de fond

Elles sont au nombre de 2 :

  • –          Il faut qu’il y ait urgence :Il s’agit là d’une différence fondamentale avec la procédure du sursis. En effet, la demande de sursis n’était recevable que si l’exécution de l’acte était de nature à créer une situation irréversible, des conséquences irréparables.

La loi du 30 juin 2000 remplace cette condition d’urgence.

Les arrêts du CE montrent que l’urgence est appréciée objectivement et compte tenu des circonstances de chaque espèce.

Dans le cadre d’une sorte de bilan entre l’intérêt général qu’à l’exécution de l’acte et l’intérêt qu’il y a à suspendre l’acte du point de vue du requérant.

La jurisprudence est en nuance.

  • –          Il faut que le requérant invoque un moyen de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l’acte contesté.

Là encore, il y a un assouplissement considérable par rapport à la procédure du sursis. En effet, l’octroi du sursis était conditionné à la condition que l’illégalité de l’acte soit manifeste et de nature à justifier l’annulation de la décision.

 Les tribunaux administratifs sont souvent très libéraux alors que le conseil d‘état fait preuve de beaucoup plus de rigueur en ce qui concerne ces 2 conditions de fond. C’était déjà le cas en matière de sursis exécution.

  1. Le prononcé de la suspension.

Sur ce point  il n’y a pas de changement en ce sens que si les 2 conditions de fond sont remplies, le juge n’est pas tenu de prononcer la suspension. Il n’y a à son égard aucune obligation, le juge tient compte des intérêts en présence.

  1. La procédure de la suspension.

 Alors que le sursis était prononcé par une formation collégiale, statuant après les conclusions du commissaire du gouvernement la loi du 30 juin 2000 a entendu faire bénéficier le justiciable de la rapidité de la procédure des référés.

 

A savoir que la suspension est prononcée par un juge unique. La procédure est allégée.

L’audience est bien entendue publique de façon à assure un débat contradictoire, mais avec dispense des conclusions du rapporteur public et avec possibilité d’élimination des requêtes manifestement abusives et par exception au caractère écrit de la procédure, il y a oralité des débats.

 

La décision est rendue par les Tribunaux Administratifs en premier et dernier ressort.

 Cela veut dire qu’il n’y a pas d’appel mais uniquement un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État.

  • 2) Les régimes spéciaux de suspension 

 On va se contenter d’évoquer les 3 principales procédures d’urgence. Ces 3 procédures ont toute en commun d’écarter expressément la jurisprudence « association Notre Dame » en obligeant le juge à prononcer la suspension de l’acte lorsqu’il y a un doute sérieux quant à la légalité de cet acte.

 

Les 3 procédures sont :

  •   Obligation de prononcer la suspension en cas d’absence ou d’insuffisance de l’étude d’impact.
  •   La suspension instituée par la loi de décentralisation du 2 mars 1982 : c’est une procédure qui est réservée au préfet et qui s’inscrit dans le cadre du contrôle de la légalité des actes des collectivités locales.
  •   C’est la suspension instituée en matière d’enquêtes, en cas de conclusions défavorables du commissaire enquêteur.

B.   Les procédures permettant le prononcé de mesures conservatoires 

 Là encore la loi du 30 juin 2000 a apporté des innovations en modifiant des procédures qui visent à permettre au juge de statuer à titre provisoire en ordonnant des mesures propres à assurer les droits du demandeur.

Ces procédures sont au nombre de 5 :

  • –          Le référé constat
  • –          le référé instruction
  • –          le référé provision
  • –          le référé conservatoire
  • –          le référé liberté. Ce dernier est de loin le plus important.

 

Le référé liberté constitue la principale innovation de la loi du 30 juin 2000.

Il s’agit d’une avancée fondamentale du droit français. Pour la première fois, le juge administratif s’est vu reconnaître un véritable pouvoir d’injonction à l’égard de l’administration avant que le litige ne soit tranché sur le fond.

Il permet au juge administratif qui est saisi par tout intéressé d’ordonner la suspension dans un délai de 48 heures de toutes les mesures portant atteinte à une liberté fondamentale par une personne publique ou une personne privée, gestionnaire d’un service public.

Mais surtout le juge peut ordonner à l’administration de prendre toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale.

 

Et le Conseil d’État a entendu la notion de liberté fondamentale dans un sens extrêmement large : liberté de réunion, liberté de culte, droit de propriété, le droit de mener une vie familiale normale mais aussi par extension certains principes d’organisations sociale comme le principe de libre administration des collectivités territoriales ou encore le principe du pluralisme de l’expression des courants de pensée.

Ce type de référé est très utilisé et il est d’une grande efficacité.

 

Le juge administratif, dans un tel cas, dispose d’un pouvoir d’injonction qui peut être complémentaire à celui du juge judiciaire en matière de voie de fait.

C’est une procédure qui est dispensée du ministère d’avocats.

La décision qui est rendue par le juge du référé peut faire l’objet d’un appel devant le président de la section du contentieux du Conseil d’État.

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