Les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir : Les conditions relatives aux biens fondés du recours
Ce sont les différents moyens que l’on peut faire valoir auprès du juge à l’appui de la requête.
En d’autres termes, ce sont les différentes irrégularités qui peuvent entacher un acte administratif. On les appelle aussi les moyens d’annulation. N’importe quel moyen d’annulation ne peut être invoqué.
Et c’est au requérant de les soulever sauf s’il s’agit de moyens d’ordre public. ils doivent en principe être relevé d’office par le juge. En dehors de ce cas, cela veut dire que le juge ne peut statuer que sur les moyens qu’on a soulevé mais pas au-delà.
Mais il doit en revanche statuer sur tous les moyens soulevés.
Les moyens d’annulation sont regroupés, depuis un arrêt fondamental du 20 février 1953 du Conseil d’État, l’arrêt inter copie, en moyen de légalité externe et en moyen de légalité interne.
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Cette distinction présente l’intérêt fondamental au niveau de la procédure.
Elle consiste à considérer que les moyens de l’égalité externe et ceux de l’égalité interne reposent sur des causes juridiques distinctes.
Au point de vue procédural, les conséquences sont très importantes.
En effet, si le requérant invoque au moins un moyen de légalité externe pendant le délai du recours contentieux, il peut jusqu’au moment de l’audience invoquer tout autre moyen de légalité externe.
Et il en est de même en ce qui concerne les moyens de légalité interne.
Concrètement, les requérants soulèvent systématiquement dans le délai du recours contentieux au moins un moyen de légalité externe et un moyen de légalité interne.
Ce qui leur permet de soulever durant toute l’instance n’importe quel autre moyen.
Cela explique aussi le fait que parfois la motivation est un peu brève.
A) Les moyens de légalité externe :
Les moyens sont qualifiés ainsi car ils ne concernent pas la décision administrative en elle-même mais les conditions de son édiction (élaboration).
Il s’agit de l’incompétence et du vice de forme et de procédure.
3 moyens que l’on peut cité :
- -Incompétence.
- -Vice de forme.
- -Vice de procédure
- 1) L’incompétence de l’auteur de l’acte :
Historiquement, c’est le 1er cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir qui a été admis par le Conseil d’État.
Ce qui est en cause est le bon fonctionnement de l’administration.
Notion générale
Un acte administratif ne peut être indifféremment édicté par n’importe quelle autorité administrative.
Il ne peut l’être valablement que par l’autorité déterminée par la règle de droit.
Il s’agit d’une règle de bonne administration et ceci explique que les règles de compétence s’imposent à l’administration d’une manière très stricte.
Cette rigueur est très largement atténuée par plusieurs mécanismes dont le principal est la délégation.
La délégation, pour être régulière, doit répondre à 4 conditions.
- Elle doit être prévue par un texte.
- Elle doit être précise. La personne qui va déléguer doit dire précisément ce qu’elle délégue
- Elle doit être partielle : je délègue telle compétence.
- La délégation doit faire l’objet d’une mesure de publicité : elle a pour finalité d’informer l’administré.
Il y a deux formes de délégation :
- La délégation de pouvoir ou de compétence.
- La délégation de signature.
- La délégation de pouvoir ou de compétence : elle consiste pour une autorité à se dessaisir d’une fraction de ses pouvoirs à une autorité subordonnée.
La délégation de signature consiste pour une autorité à autoriser un ou plusieurs agents qui lui sont subordonnés à signer certains actes en son nom, lieu et place et sous son contrôle et sa responsabilité.
La différence entre les 2 mécanismes est importante.
En effet :
La délégation de compétence dessaisie l’autorité délégante de sa compétence et celle-ci ne peut plus exercer les compétences déléguées.
Il y a par conséquent une modification de la répartition normale des compétences.
Au contraire, la délégation de signature ne modifie pas la répartition des compétences.
Elle ne fait pas perdre à l’autorité délégante sa compétence qu’elle peut exercer à tout moment. On dit qu’elle peut évoquer l’affaire.
La délégation de pouvoir ou de compétence est impersonnelle.
Elle vise le titulaire d’un poste in abstracto et elle n’est pas affectée par les changements qui peuvent intervenir parmi les agents qui exercent les fonctions.
En revanche quand il y a une délégation de signature, celle-ci est personnelle. Elle est accordée à telle ou telle personne nommément désignée.
Cette délégation de signature prend automatiquement fin lorsque le délégant ou le délégataire quitte ses fonctions.
La délégation de pouvoir ou de compétence fait du délégataire l’auteur réel de l’acte.
La délégation de signature garde à l’autorité délégante la qualité d’auteur de l’acte.
Il faut ajouter que la technique de la subdélégation est également possible mais elle est très étroitement encadrée.
Elle ne peut jouer que dans un seul cas à savoir où le titulaire d’une délégation de compétence délègue à son tour sa signature.
La subdélégation pour être légale doit répondre aux mêmes 4 conditions que la délégation.
Les différentes formes d’incompétence
La compétence peut revêtir diverses formes. Traditionnellement on distingue l’incompétence négative de l’incompétence positive.
- L’incompétence négative :
On dit qu’il y a incompétence négative dans le cas où une autorité administrative invoque à tord son incompétence pour refuser de prendre une décision qu’elle a qualité pour prendre. Traditionnellement le juge assimile l’incompétence négative à une erreur de droit.
Ce type d’incompétence est assez rare.
- L’incompétence positive :
C’est le cas le plus fréquent. Il s’agit du cas où une autorité administrative prend une décision qui n’entre pas dans son champ de compétence.
Cette incompétence positive peut prendre plusieurs aspects :
Ce peut être tout d’abord une incompétence rationae materiae.
C’est le maire qui prend une décision à la place du préfet.
A coté de cette incompétence, on a l’incompétence rationae loci (en latin lieu) : une autorité prend une décision qui porte sur un territoire où elle n’a pas compétence.
Le maire ne peut pas prendre un arrêté sur le territoire de la commune d’à coté.
Et on a aussi l’incompétence rationae temporis : Une autorité n’est compétence qu’à compter de son investiture et elle ne l’est plus à compter de sa désinvestiture.
Par exemple, jusqu’à quand l’ancien maire est compétent ?
A la violation des règles de compétences proprement dites, le juge inclus dans le vice d’incompétence des irrégularités qui pourraient relever d’un vice de forme ou de procédure.
- Ainsi l’absence de signature sur un acte est considérée comme entachant l’acte d’incompétence.
Quand une mesure doit être prise sous la forme d’un arrêté interministériel, l’absence de la signature d’un des ministres entache l’acte d’incompétence.
Dans certains cas, la loi prévoit qu’un décret doit être pris après avis du Conseil d’État, cela veut dire que le président de la République ou le 1er ministre doit recueillir l’avis du Conseil d’État.
L’absence d’avis entraine l’annulation du décret pour vice d’incompétence.
L’effet de l’incompétence
L’incompétence est considérée comme un vice extrêmement grave et est considérée comme un moyen d’ordre public. C’est-à-dire que le juge peut d’office soulever ce moyen. L’incompétence entraine l’annulation de l’acte. L’incompétence ne peut être régularisée ultérieurement.
Le droit administratif est un droit peu formaliste.
Il y a de nombreuses dispositions formelles qui sont utilisées pour la présentation des actes administratifs mais qui sont considérés comme ne répondant à aucune obligation juridique.
Ce qui fait que leur violation n’est pas sanctionnée par le juge. C’est le cas des visas.
Ils sont facultatifs et les erreurs dont ils peuvent être entachés sont sans incidences sur la régularité de l’acte.
A l’inverse, certaines règles sont considérées comme des obligations minimales et leur non respect est sanctionné par le juge. Elles sont peu nombreuses.
Ces règles de forme concernent le contre seing ministériel tout d’abord.
Le défaut de contre seing est considéré comme un vice de forme et est sanctionné par le juge.
En revanche, l’absence de signature est assimilée au vice d’incompétence. Ceci dit on n’a pas l’occasion de contester très souvent l’absence de contre seing.
Le 2ème vice de forme qui est sanctionné est le défaut de motivation.
La motivation est la principale exigence de forme.
La motivation consiste dans la formulation des motifs de fait et de droit qui fondent les décisions administratives. En d’autres termes, la motivation consiste à indiquer les considérations de droit et de fait sur lesquelles l’administration s’est fondée pour prendre sa décision. Tout simplement, ce sont les raisons d’une décision.
La motivation relève de la présentation formelle de l’acte et donc de la légalité externe.
Ce qui est en cause ce n’est pas la valeur du motif, c’est uniquement l’indication des motifs.
Actuellement, il n’y a pas d’obligation générale de communiquer les motifs d’une décision.
Le Conseil d’État a estimé dans un arrêt de principe du 26 juillet 1973, « l’arrêt Lang », qu’il n’y avait aucun principe général de droit qui motivait l’administration a donné sa décision. Décision confirmée à de nombreuses reprises.
Il y a cependant un certain nombre de textes qui prévoit une telle obligation.
Le texte le plus important est la loi du 11 juillet 1979 : Mais cette loi ne fait peser une telle obligation qu’à l’égard des décisions administratives individuelles défavorables mais seulement de celles dont elle a dressé une liste et à l’égard des mesures dérogatoires.
Il y a donc de très nombreux actes administratifs qui restent en dehors de l’obligation de motivation.
Le Conseil d’État a appliqué avec beaucoup de rigueur les dispositions de la loi de 1979, interprétant dans un sens très restrictif la liste des décisions devant être motivées.
En revanche il a adopté une position plus favorable à l’égard des administrés en ce qui concerne le contenu de la motivation.
Il faut que le contenu soit explicite.
Le Conseil d’État assimile l’insuffisance de motivation au défaut de motivation.
De plus, il considère que le défaut de motivation ne peut être couvert ni par la motivation d’une décision confirmative, ni a posteriori (postérieurement) par un exposé des motifs à effet rétroactif.
Il y a une jurisprudence très abondante en ce qui concerne la motivation.
L’administration, quand elle prend une décision, elle ne peut le faire qu’en respectant des règles de procédure. C’est la procédure administrative non contentieuse.
Ces règles de procédure sont plus ou moins contraignantes mais elles sont essentielles.
Elles ont un double objectif :
- Protéger les droits des administrés
- Garantir l’intérêt général.
Ces règles sont organisées de façon très précise, sont extrêmement nombreuses et diversifiées.
Les règles les plus importantes sont celles qui concernent la procédure contradictoire et celles qui prévoit la consultation d’une autorité ou d’un organisme collégial.
C’est les règles de la procédure contradictoire et celles de la procédure consultative.
- Les vices de procédures contradictoires :
Le CE estime que lorsqu’une décision qui présente le caractère d’une sanction doirt être prise ma personne qui est visée doit avoir communication des griefs qui lui sont reprochés mais aussi le droit d’être entendue ainsi que le droit de se faire assister.
Dans l’arrêt du 5 mai 1944, « l’arrêt Dame Trompier Gravier » : Le Conseil d’État a estimé qu’il s’agissait d’un principe fondamental reconnu par les lois de la république. Mais son champ d’application est limité.
Le législateur a étendu l’application de ce principe aux décisions administratives qui doivent être motivées.
Dans de très nombreux cas, les autorités administratives ne peuvent prendre une décision qu’après avoir recueilli l’avis d’une autorité ou d’un organisme collégial mais elle le fait aussi souvent spontanément sans obligation.
Le Conseil d’État considère que la consultation qu’elle soit facultative ou obligatoire doit respectée un certain nombre de règles. Ainsi toute irrégularité dans le fonctionnement de l’organisme facultatif, dans la formulation de l’avis, entraîne automatiquement l’annulation de la décision administrative. Par ailleurs, la procédure de consultation peut être plus ou moins contraignante pour l’administration.
On a 3 situations différentes :
– Tout d’abord, celui où la consultation est purement facultative : La liberté de l’administration est totale pour consulter ou non. Si elle décide de consulter, elle doit veiller à ce que la consultation se fasse dans des conditions régulières. L’irrégularité de l’avis rejaillit sur l’acte. XXX
– Ensuite, le cas où la consultation est obligatoire : L’administration est tenue de prendre l’avis et cet avis comme dans le cas précédent ne lie pas l’administration.
Elle peut le suivre ou non.
Mais la décision qui est prise doit être celle qui a été soumise à consultation ou celle qui a été proposée ou modifiée par un organisme consultatif.
– Et enfin, on a le cas de la consultation avec avis conforme : C’est une pratique qui est moins fréquente, c’est-à-dire que l’autorité doit bien entendu recueillir obligatoirement un avis et cette autorité ne peut que suivre l’avis donné ou renoncer à prendre une décision.
Toute erreur au niveau de la formulation de l’avis rejaillit sur la décision qui est prise. Le système est autoritaire et pour le compenser on consulte des organisations qui expriment le point de vue des intéressés. Cela permet de prendre l’avis de la profession et de se retrancher derrière l’avis des intéressés même s’il est mal formulé.
B) Les moyens de légalité interne :
Le juge examine d’abord les moyens de légalité externe et dans un second temps les moyens de légalité interne.
Il y a 2 moyens de légalité interne :
- Le détournement de pouvoir.
- La violation de la règle de droit.
Le détournement de pouvoir au sens du droit, consiste pour une autorité administrative à prendre un acte ou une décision dans un but autre que celui pour lequel des pouvoirs lui ont été conférés.
Le détournement de pouvoir peut revêtir plusieurs formes :
Tout d’abord, c’est la violation du but d’intérêt général qui est assigné à toute compétence.si une autorité ne peut agir que dans un but d’intérêt général, si elle ne le fait pas il y a détournement de pouvoir.
Puis, la deuxième forme c’est la violation du but spécifique assigné à l’activité en cause.
Exemple : concerne le pouvoir de police administratif général. Le maire d’une commune dispose d’un pouvoir de police considérable. Il peut règlementer énormément de choses. Mais il ne peut agir que dans un seul but : le maintien de l’ordre public. S’il agit dans un autre but qui peut même être valable, la décision est annulée.
Puis la 3ème forme est le détournement de procédure : le juge l’assimile au détournement de pouvoir.
Mais ce détournement cesse d’être un motif d’annulation en cas de compétences liées. Cela veut dire que l’auteur de l’acte est tenu de prendre la décision, peu importe la finalité de la décision. En cas de pluralité de buts, si l’un des buts visés est légal la décision est légale. Le détournement de pouvoir a un caractère subjectif et il est souvent difficile de prouver le détournement de pouvoir.
Le juge annule rarement pour détournement de pouvoir sauf quand il veut sanctionner un comportement choquant ou malhonnête.
C’est un terme très général.
Ce qui est en cause à travers la violation de la règle de droit, ce sont les irrégularités relatives à l’objet même de la décision et à ses motifs.
Et là, ce qui est en cause, c’est la légalité interne.
C’est la décision en elle-même qui est illégale.
C’est une situation tout à fait objective, c’est la non-conformité de la décision au regard de la réglementation.
Exemple : c’est une taxe édictée qui ne correspond pas au tarif légal.
Et puis, une autre irrégularité et l’erreur de droit et l’erreur de fait. Ici, le juge sanctionne tout d’abord l’erreur de droit. Ce qui est sanctionné, c’est un vice de raisonnements. Ainsi l’application erronée d’un texte, l’application d’un texte illégal, l’application d’un texte autre que celui est normalement applicable.
Le juge sanctionne ce qu’il appelle l’erreur de droit, mais aussi selon les cas d’espèces, les motifs juridiquement erronés ou encore les motifs qui ne sont pas au nombre de ceux qui pouvaient légalement justifier la décision.
A coté de l’erreur de droit, il y a l’erreur de fait.
Le juge pendant très longtemps a refusé de contrôler les mesures de fait. Cela sous prétexte que le juge est le juge du droit et non des faits. Cela limitait la portée du contrôle juridictionnel.
Ici, ce qui est sanctionné, c’est le motif de fait, c’est-à-dire la ou les considérations de fait sur lesquelles l’administration s’est fondée.
Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le contrôle des motifs de fait est un contrôle d’intensité variable.
Et selon les cas, ce contrôle est dit minimum, normal (majorité des cas) ou maximum.
Il y a des limites notamment en cas de pluralité des motifs.
Le Conseil d’État distingue entre les motifs déterminants et les motifs surabondants.
Quand une décision a été prise par plusieurs motifs parmi lesquels certains sont erronés en droit ou en fait tandis que d’autres sont matériellement exacts ou de nature à justifier cette décision, le juge recherche si l’autorité compétente aurait pris la même décision en se fondant sur des motifs légitimes.
Si un motif déterminant est illégal, la décision est illégale. Si le motif est légal, la décision l’est.
Arrêt d’assemblée du 12 janvier 1968, l’arrêt Dame Perrot.
Si un motif surabondant est illégal, la décision est jugée légale.
Loi de 1981 sur la presse donne un pouvoir discrétionnaire au ministre.