L’exonération de la responsabilité contractuelle (art. 1231 Code civil)

 Les causes d’exonération de la responsabilité contractuelle 

La responsabilité contractuelle c’est demander réparation du dommage que l’inexécution a causé. Cette responsabilité contractuelle est traitée par le Code civil aux articles 1231 et suivants. Il s’agit de la reprise à droit constant des anciens textes sur la responsabilité contractuelle. Pourquoi ? L’idée du législateur est que la responsabilité contractuelle doit être réformée avec la responsabilité extracontractuelle. 

1. Généralités sur la responsabilité contractuelle

A. Le débat sur l’existence de la responsabilité contractuelle

Il y a eu tout un mouvement doctrinal durant les années 90 qui a critiqué la notion même de la responsabilité contractuelle en disant que c’était un faux concept. L’idée de responsabilité est celle de la réparation d’un dommage. Ces auteurs ont soutenu que la responsabilité contractuelle n’est pas de la responsabilité. D’ailleurs le code ne parle pas de responsabilité en matière de responsabilité contractuelle. Pendant tout le 19ème, on ne parlait jamais de responsabilité contractuelle. Pour ces auteurs les Dommages & Intérêts, c’est en réalité la forme que prend l’obligation contractuelle si jamais le créancier ne veut pas ou ne peut pas recourir à la contrainte. Ces Dommages & Intérêts sont finalement l’exécution par équivalent de l’obligation. Le créancier ne demande pas la réparation de son préjudice mais demande l’équivalent en argent de l’obligation dont il est créancier. 

Ca a des conséquences très concrètes. Mais on peut pousser la réflexion encore plus loin que ces auteurs, la responsabilité contractuelle, en réalité, mélange deux fonctions. 

Il y a effectivement une fonction de paiement. Elle permet au créancier d’obtenir une exécution par équivalent du contrat. La responsabilité contractuelle ne peut pas être limitée à cette première fonction. 

Mais, il y a aussi une fonction de réparation. La responsabilité contractuelle assure aussi la réparation des dommages causés par l’inexécution. Il est tout à fait normal que le débiteur soit condamné à la réparation de ce préjudice consécutif à la réparation. Exemple : un restaurateur fait appel à un artisan pour réparer sa cuisine. Travaux fait n’importe comment. A cause de ça, le restaurant ne va pas pouvoir rouvrir tout de suite, le restaurateur va devoir faire appel à d’autres professionnels. Le restaurateur va pouvoir réclamer l’exécution par équivalent, mais aussi beaucoup plus que cela : il va pouvoir réclamé de l’argent qu’il a perdu du fait qu’il n’a pas pu rouvrir son restaurant. 

Ces deux facettes sont donc intimement liées, on a d’ailleurs du mal à faire la distinction. On a donc tout intérêt à admettre le concept de responsabilité contractuelle. Il permet d’indemniser de manière complète la victime. 

L’ordonnance ne tranche par le débat. L’avant projet de réforme de la responsabilité contractuelle la consacre, il voit dans cette responsabilité une véritable responsabilité. 

B. Responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle (=extra contractuelle)

Il y a une parenté très forte entre ces deux responsabilités. D’ailleurs, les conditions sont les mêmes. Il faut un fait générateur, un préjudice et un lien de causalité entre les deux. 

La responsabilité délictuelle est en quelque sorte la responsabilité de principe, ie celle qui va régir les rencontre de hasard entre les gens qui sont tiers l’un par rapport à l’autre. Exemple : je rentre de la fac et je renverse un piéton

La responsabilité contractuelle est une responsabilité spécifique, car elle ne concerne pas deux personnes qui se sont rencontrées par hasard, mais deux personnes qui sont unies par un lien contractuel. Le fait qu’il y ait un contrat à la base appelle nécessairement à un régime spécifique, adapté, car le contrat est un acte de prévision. Il va falloir respecter ces anticipations. 

Conséquences :  Ces deux régimes de responsabilités sont exclusifs l’un de l’autre. Il n’y a pas de choix entre ces deux régimes de responsabilité. Il s’agit du principe de non cumul de responsabilité contractuelle et délictuelle. L’expression est mal trouvée, en réalité c’est le principe de non option entre ces deux responsabilités. 

2. Les causes d’exonérations

A. La force majeure

Il faut un événement qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat. Il s’agit de la consécration de la condition d’imprévisibilité de la force majeure. 

Article 1231-1: « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »

On parle aussi de cas fortuit ou de cause étrangère. L’idée qui est à la base de la force majeure est le dicton suivant : « A l’impossible, nul n’est tenu ». Traditionnellement, pour qu’il y ait force majeure, il fallait que l’événement en cause remplisse trois caractères :

Imprévisible

Irrésistible

Extérieur

La jurisprudence a beaucoup évolué, et finalement dans un arrêt d’assemblée plénière du 14 avril 2006, la Cour de cassation a évincé la condition d’extériorité. L’ordonnance intervient en définissant la force majeure à l’article 1118 al1. Il ressort 3 éléments de cette définition :

Les conditions:  

Permettent d’éviter au débiteur l’engagement de sa responsabilité alors même que les conditions de la responsabilité sont réunies. L’événement doit être raisonnablement imprévisible. Rien n’est imprévisible. 

Il faut que les effets de cet événement ne puissent être évités par des mesures appropriés. C’est ici la condition d’irrésistibilité qui est ici consacrée. Des simples difficultés d’exécution ne suffisent pas. La jurisprudence est ici plutôt sévère. Exemple : un vendeur de pomme dont les entrepôts brule. Est-ce un cas de force majeure ? Non, ce n’est pas un événement irrésistible, il lui suffit de racheter des pommes à quelqu’un d’autre pour pouvoir exécuter son contrat et les livrer. 

C’est un événement échappant au contrôle du débiteur. C’est tout à fait nouveau. On s’interroge : n’est-ce pas un moyen de faire revenir la condition d’extériorité ? Cela permettra dans certain cas de faire revenir une partie de ce qui relevé auparavant de l’extériorité. 

 

C’est tout à fait délicat de savoir si un cas constitue ou non un cas de force majeure. L’appréciation sera faite par le juge au cas par cas. 

Les effets :   

En principe, la force majeure exonère totalement le débiteur de sa responsabilité. L’ordonnance en est tellement convaincu qu’elle le dit trois fois (article 1231-1, article 1218, article 1351 du Code). 2 précisions :

Il est tout à fait possible que le contrat mette à la charge du débiteur la force majeure. Les parties prévoient que le débiteur devra exécuter le contrat en toute hypothèse. C’est la liberté contractuelle, on parle dans ce cas là d’obligation de garantie (cela va encore plus loin que l’obligation de résultat). C’est envisagé par l’article 1351

La force majeure peut très bien avoir qu’un effet temporaire. Exemple : Vous deviez prendre l’avion, mais intervient une tempête. Le contrat dans ce cas là est seulement « suspendu » (article 1218). 

B. Le fait d’un tiers

L’ordonnance n’en parle absolument pas. Mais les solutions en jurisprudence sont bien établies : le fait d’un tiers n’est une cause d’exonération de la responsabilité du débiteur que s’il revêt les caractères de la force majeure

Exemple : Un passager dans un train se fait agresser par un autre. La victime agit contre la SCNF en responsabilité contractuelle pour manquement à l’obligation de sécurité. Est-ce que la SNCF peut s’exonérer de sa responsabilité en invoquant le fait d’un tiers ? OUI à condition que le fait du tiers revêt les caractères de la force majeure. La jurisprudence dit, qu’en l’espèce, ça n’a jamais les caractères de la force majeure. Il y a quand même un arrêt du 23 juin 2011, dans lequel, la Cour de cassation a fait preuve de plus de mansuétude à l’égard de la SNCF : deux passagers ayant un billet, l’un d’eux poignarde l’autre. 

C. Le fait du créancier victime

L’ordonnance, à nouveau n’en parle pas, mais ça ne vaut pas condamnations des jurisprudence antérieure. 

Ici, il faut distinguer :

Si le fait du créancier présente les caractères de la force majeure. L’exonération est donc totale pour le débiteur. Peu importe que le créancier soit fautif ou non. Exemple : le passager d’un train qui se jette sous le train. C’est un fait qui est imprévisible et irrésistible pour la SNCF, qui sera exonérée totalement de sa responsabilité.

Si le fait du créancier ne présente pas les caractères de la force majeure. Dans ce cas là, il y a exonération partielle du débiteur à condition  que le créancier ait commis une faute. Il s’agit la d’un partage de responsabilité, le débiteur ne versera qu’une partie des dommages et intérêts à la victime. 

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