La cessation des paiements, condition d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire
L’article L631-1 du Code de commerce énonce que la procédure de redressement judiciaire est ouverture à l’encontre d’un débiteur qui se trouve en état de cessation des paiements. La même exigence est requise en matière de liquidation à un détail près, contenu dans l’article L640-1 alinéa 1er du Code de commerce, à savoir que la liquidation concerne un débiteur en état de cessation des paiements dont le redressement est manifestement impossible.
Définition de la cessation des paiements : La cessation des paiements est une notion juridique qui s’explique de la manière suivante : il s’agit, pour une entreprise ou un entrepreneur du fait de ne pas pouvoir faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Autrement dit, on ne parvient plus à honorer ses dettes ou leurs échéances avec les revenus dont on dispose..
A- La définition de la cessation des paiements
L’article L631-1 alinéa 1er du Code de commerce définit la cessation des paiements comme l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
- Droit des Procédures Collectives
- Qu’est-ce qu’une liquidation judiciaire et ses effets ?
- Liquidation judiciaire : réalisation de l’actif, paiement du passif
- Qu’est-ce qu’un plan de redressement ?
- La période d’observation en redressement judiciaire
- Les nullités pendant la période suspecte
- Plan de sauvegarde : exécution et modification du plan
La formulation n’est pas nouvelle, elle emprunte à la fois à la matière juridique et à la matière comptable. L’ordonnance du 18 Décembre 2008 a toutefois complété l’article L631-1 pour tenir compte des réserves de crédit ou des moratoires dont pourrait bénéficier le débiteur.
Trois éléments sont envisagés.
1- L’étude d’un passif exigible
Cela peut se défini comme l’ensemble des dettes certaines, liquides et exigibles. Sont exigibles au sens juridique du terme, les dettes échues au jour du jugement au jour de la procédure.
Le passif en plus d’être exigible doit- il être exigé ? La Chambre commercial 27 février 2007 répond à la négative. Ainsi elle conforte l’objectif du législateur qui est d’appréhendé le plus tôt possible les difficultés rencontrés par l’entreprise.
Par dette certaine on entend une dette qui ne connait pas d’obstacle à sa réclamation judiciaire. Autrement formulé, les dettes litigieuses ne seront pas prises en compte pour établir la consistance du passif exigible. Si cette triple condition concernant la nature de la dette est remplie, à savoir quelle soit liquide, certaine et exigible, il importe peu qu’elle ait un caractère civil ou commercial.
Par ailleurs le passif échu et payé peu parfois être pris en compte pour établir la cessation des paiements, en effet la jurisprudence assimile au non paiement des dettes échues le paiement de dettes par des moyens frauduleux. Il peut s’agir notamment d’un emprunt qui aurait été souscrit avec un taux d’emprunt excessif.
2- L’insuffisance de l’actif disponible
Ce définit comme l’actif réalisable à court terme, la Cour de Cassation chambre Commerciale a rappelé dans un arrêt rendu le 13 février 2007, que la consistance de l’actif disponible doit être établi lors de l’ouverture de la procédure collective. L’actif disponible comprend les liquidités, c’est à dire les soldes créditeurs des comptes bancaires, il comprend également les effets de commerce échus. Par contre il ne comprend pas l’actif immobilisé, c’est à dire les biens qui ont vocation à être utilisé de manière durable par les entreprises, soit comme moyen d’exploitation, soit comme instrument de travail. Cet actif ne comprend pas non plus les stocks, et il ne comprend pas non plus les immeubles, comme l’a rappelé la chambre commerciale dans une décision rendue le 27 février 2007. Le fait qu’un immeuble ait fait l’objet d’un droit de préemption ne modifie pas son exclusion de l’actif disponible.
Dans une décision rendue le 23 avril 2013 la chambre commerciale a également considéré que le capital social non libéré d’une société, qui est certes une créance de la société contre ses associés, ne peut être assimilé à un actif disponible. La chambre commerciale retient cette position, faute d’être réalisable à très court terme. Pour certains auteurs l’actif disponible ne doit pas se réduire aux seules composantes comptables mais doit également prendre en compte d’autres données de l’entreprise. L’élément le plus rencontré en pratique sont les comptes courants de l’entreprise. L’entreprise peut disposer d’une réserve de crédit tel que l’avance en compte courant consentie par un associé à la société. La Chambre Commerciale 12 mai 2009, dans laquelle elle a précisé qu’une avance en compte courant consentie à une société par l’un de ses associés constitue un actif disponible si elle n’est pas bloquée et si son remboursement n’a pas été demandé.
3- L’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible
Plusieurs observations pour dire que la comparaison qui doit se faire entre les deux masses permet de distinguer la cessation des paiements de notions voisines. Ainsi la cessation de paiements se distingue de l’incident de paiement isolé puisque la Chambre Commerciale a pu considérer 25 février 1997, que le défaut de règlement d’une seule créance est insuffisant en lui même, pour établir l’état de cessation de paiement du débiteur. Et surtout, la cessation des paiements se distingue de l’insolvabilité. Autrement formulé une entreprise peut être solvable, c’est à dire avoir un actif supérieur à son passif, tout en étant en cessation des paiements. Enfin et surtout, un débiteur peut être en cessation des paiements, sans être dans une situation irrémédiablement compromise. L’entreprise dont la situation est irrémédiablement compromise ne pourra elle, pas bénéficier d’une situation de redressement.
B – La preuve de la cessation des paiements
1- L’administration de la preuve
Le débiteur ne pourra être placé en redressement, ou en liquidation judiciaire, si la démonstration est apportée par l’auteur de la saisine du tribunal de l’état de la cessation de paiement. Concrètement cette preuve peut résulter de plusieurs éléments tels que l’existence d’impayés ou encore des incidents de paiement, ou encore des interdits bancaires.
Cette preuve sera plus facilement rapportée lorsque c’est le débiteur lui même qui aura saisi le tribunal en déposant son bilan, car ce dépôt au greffe du tribunal doit s’accompagner de la production de pièces comptables, dont la liste est énumérée par l’article R 631-1 du Code de Commerce. Ces pièces comptables accréditeront sans difficulté l’état de cessation des paiements.
Le débiteur doit en principe demander l’ouverture de la procédure de redressement dans les 45 jours qui suivent la cessation des paiements. A moins que dans l’intervalle il ait demandé de bénéficier d’une procédure de conciliation. Si la demande est présentée plus de 45 jours après la cessation des paiements, le débiteur s’expose à une interdiction de gérer. Si l’auteur de la saisine est un créancier, la plupart du temps l’état de cessation des paiements résultera du non paiement de la créance, peut importe la nature de la créance qu’elle soit chirographaire ou privilégié, dès lors qu’elle est certaine, liquide et exigible. La demande introductive d’instance prend la forme d’une assignation qui doit préciser la nature et le montant de la créance impayée. La preuve de la cessation des paiements devra être rapportée au jour où le tribunal statue. Enfin le Ministère Public peut saisir le tribunal aux fins d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire (RJ), il doit lui présenter une requête, indiquant les faits qui ont motivé sa démarche.
2- La portée de la preuve de la cessation des paiements
La portée de la preuve a été précisée par l’arrêt rendu par la Chambre Commerciale le 3 juillet 2012 dans l’affaire Sodimédical. Dans cette décision la Cour de cassation va effectuer un double rappel tout d’abord elle va préciser à nouveau que la cessation des paiements doit être déterminé objectivement. En l’espèce, une filiale avait un passif exigible 4,5 millions d’euros, or cela représentait le montant du compte courant de la société mère, et le groupe avait décidé de ne plus soutenir la filiale et avait demandé l’ouverture d’une procédure collective. La Cour de cassation rappel donc que dans le cadre d’un groupe de société, l’état de cessation des paiements est apprécié pour chaque société, prise de manière individuelle. Cette solution en son principe renvoi à une décision rendue le 26 juin 2007 vis à vis du Redressement Judiciaire. En réalité l’intérêt de la décision doit être recherché sur un autre terrain, en effet les juges du fond, avaient rejeté la demande d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire (LJ), en relevant que cette demande avait pour seul objectif de permettre des licenciements dont la cause économique avec l’ouverture de la procédure ne pourrait dès lors être contestée. La société aurait instrumentalisé la demande pour procéder à ces licenciements. La cour de cassation ne souscrit pas à cette approche et considère que dès lors que le débiteur est en état de cessation des paiements la demande d’ouverture de la procédure ne peut être rejetée en raison des mobiles du débiteur. Rappel l’arrêt cœur défense à propos de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde (PS). La justification est une fois de plus sans appel, car retenir l’examen des mobiles du débiteur présenterai 2 inconvénients :
- rajouter une condition à la loi qu’elle ne prévoit pas
- retarder par l’examen des mobiles qu’elle suppose, l’efficacité de la procédure
Quoiqu’il en soit l’argumentation n’évacue toutefois pas le risque d’instrumentalisation des procédures. Mais finalement ce risque pourrait être sanctionné postérieurement à l’ouverture de la procédure soit par le biais d’une action en responsabilité pour insuffisance d’actif soit par le biais d’une action en responsabilité à l’encontre du dirigeant ayant commis une faute, ayant contribué à la cessation des paiements en Redressement Judiciaire. Cette dernière action est prévue par l’article L631-10-1 du Code de Commerce issu de la loi du 12 mars 2012.
C – La fixation de la date de cessation des paiements
3 éléments sont à prendre en considération :
Le tribunal dans la décision d’ouverture de la procédure fixe la date de cessation des paiements, à défaut de date contraire, la date retenue est celle du jugement lui même. Mais cette date peut être reportée ou plus exactement remontée dans le temps. L’action en report dans le temps, est une action attitrée qui appartient à l’administrateur, au mandataire, au liquidateur en cas de liquidation où encore au Ministère Public. Elle doit être effectuée dans l’année qui suit le jugement d’ouverture. Par exception ce délai sera prolongé si la procédure de sauvegarde est convertie en Redressement Judiciaire. Le délai courra alors à compté du jugement de conversion, et uniquement si l’état de cessation des paiements, préexistait à l’ouverture de la Procédure de Sauvegarde. En tout état de cause la date de cessation des paiements ne peut être remontée plus de 18 mois avant le jugement d’ouverture de la procédure. Pourquoi un tel report ? La période qui sépare la date de cessation des paiements et la date d’ouverture de la procédure est dénommée : période suspecte. En réalité on soupçonne le débiteur d’avoir effectué des actes qui auraient pu avoir pour conséquence de rompre l’égalité entre les créanciers. Cette perspective justifie que la période suspecte soit justifiée en matière de liquidation. Technique de reconstitution du patrimoine du débiteur : d’où la nullité des actes de la période suspecte, nullité de plein droit ou facultative. A partir du jugement d’ouverture : période d’observation et fin de la période suspecte.