La cession de créances professionnelles par bordereau Dailly

Le bordereau de cession ou de nantissement des créances professionnelles (bordereau Dailly)

La cession de créances Dailly… Pourquoi « Dailly »? C’est une référence au nom du sénateur auteur de la loi correspondante/ La cession de créance Dailly est une convention en vertu de laquelle un créancier («le cédant») transmet sa créance, qu’il tient sur l’un de ses débiteurs («le débiteur cédé»), à des établissements de crédit (« cessionnaires »). Cette procédure est destinée à faciliter l’octroi de crédits aux entreprises par cessions de créances commerciales. Elle permet de réaliser des économies de gestion importantes par rapport à la mobilisation d’effets de commerce car le bordereau Dailly remis par le cédant au cessionnaire peut englober un grand nombre de créances.

Une entreprise remet à une banque un bordereau qui récapitule les créances commerciales qu’elle détient (factures, marchés et états d’avancement de travaux, reconnaissances de dette…). La remise de ce bordereau permet la cession ou le nantissement des créances au profit de l’établissement qui consent le crédit, sous la forme d’une avance ou d’un découvert autorisé à hauteur du montant des créances cédées. La mobilisation « Dailly » peut avoir lieu sous forme de nantissement ou de cession ferme au profit du banquier des créances cédées. Toutefois, dans le cas du nantissement des créances, le montant du crédit est déconnecté du montant des créances cédées en garantie. La cession Dailly intervient alors davantage comme une sûreté du crédit que comme un instrument de crédit.

L’origine du bordereau de cession de créances professionnelles remonte à la loi du 02/01/81, « Loi facilitant le crédit aux entreprises », loi DAILLY. On parle de bordereau DAILLY. La loi a été codifiée dans le code monétaire et financier (L313-23 et suivants). L’objectif était de fournir aux entreprises un nouvel instrument de crédit qui devait se substituer aux anciens instruments (lettre de change et billet à ordre), de simplifier les choses en allégeant la gestion sans sacrifier la sécurité. Ce bordereau doit permettre d’assurer un transfert global de créances professionnelles (« transfert en commun » de créances).

Qu’est-ce que le bordereau de cession de créances professionnelles : c’est un écrit par lequel une personne (le cédant) transfert à un établissement de crédit (cessionnaire) la propriété de créances professionnelles déterminées afin de garantir un crédit consenti au cédant par le cessionnaire.

  • Cession à titre d’escompte : le banquier avance des sommes à l’entreprise correspondant au montant des créances qui lui sont transmises. Il obtiendra remboursement par le jeu du paiement de ses créances.
  • Cession à titre de garantie. Les créances sont cédées au banquier et transmises pour garantir un crédit indépendant, consenti auparavant.

Section 1 : Conditions de la cession de créances professionnelles

  • &1 – Conditions de fond

A – Personnes

Le cessionnaire est forcément un établissement de crédit. Le cédant peut être une personne morale de droit privé ou public ou une personne physique qui agit dans l’exercice de son activité professionnelle. Entre les deux, il existe une convention de crédit. Les deux parties se mettent d’accord en détaillant les conditions des futures cessions DAILLY (contrat cadre).

Le débiteur de la créance cédée est dans la même situation que le tiré de la lettre de change. Il ne peut pas être un non professionnel.

B – Créances cédées

Il faut être face à une créance professionnelle. Peu importe l’origine (contractuelle, délictuelle), ses caractères (créance certaine, à terme ou qui existe déjà mais dont on ne connaît pas encore le montant exact). L’article L313-23 alinéa 2 énonce le disposition qui permet de céder une créance déjà échue.

  • &2 – Conditions de forme

Il faut un écrit qui doit comporter des mentions obligatoires. La législateur n’a pas fait preuve d’une grande rigueur.

Selon l’article L313-23 du code monétaire et financier, il faut :

  • La dénomination (indiquer qu’il s’agit d’un acte de cession de créances professionnelles, acte soumis aux dispositions du code monétaire et financier).
  • Le nom ou éventuellement la dénomination sociale de l’établissement de crédit bénéficiaire.
  • Créances cédées : il faut individualiser les créances. On indique les éléments déterminants de chaque créance (nom du débiteur, montant, échéance).

Éléments manquants :

  • Signature de celui qui cède le bordereau à l’établissement de crédit (L313-25 du CMF: la sanction n’est pas la nullité). En l’absence, le bordereau devrait être nul ou simplement inexistant selon la doctrine. La signature peut être manuscrite ou apposée par tout autre procédé.
  • Date : elle est prévue à l’article L313-25 du CMF. Elle est apposée par le cessionnaire, celui qui reçoit le bordereau. C’est la date de prise d’effet. En cas de contestation, le cessionnaire prouve l’exactitude de cette date.

Section 2 : Les effets de la cession de créances professionnelles

  • &1 – Les effets de la cession entre les parties

A – Le droit du cessionnaire sur la créance cédée

Il devient propriétaire de la créance cédée au jour correspondant à la date figurant sur le bordereau. Il acquiert les accessoires de ces créances. Celui qui a cédé la créance ne peut plus modifier l’étendue de cette créance (article L313-27 alinéa 2). Le cédant ne peut plus accorder d’échéance au débiteur. En principe, le cédant ne peut pus recevoir le paiement de la part du débiteur.

B – Garantie due au cédant

Le cessionnaire qui reçoit le bordereau bénéficie en principe de la garantie solidaire du cédant qui est tenu de payer si le débiteur ne paye pas lui-même. Le cessionnaire bénéficie de la solidarité mais le législateur prévoit le caractère subsidiaire du recours contre le cédant (il faut d’abord passer par le débiteur).

  • &2 – L’opposabilité aux tiers de la cession

Le débiteur a un statut particulier. Il est tiers mais particulièrement intéressé.

A – La situation du débiteur cédé

L’article L313-27 du CMF prévoit la règle fondamentale de l’opposabilité immédiate de la cession aux tiers à partir de la date apposée sur le bordereau.

1 – En cas de cession non notifiée

Le cédant n’a pas pris la peine d’informer le débiteur cédé. Dans ce cas, la créance cédée ne peut plus être modifiée à l’égard du débiteur. Pour le paiement, tant que la cession n’est pas notifiée, le débiteur cédé peut toujours payer entre les mains du cédant. Si le débiteur prend l’initiative de payer entre les mains du cessionnaire, il est libératoire, même si la cession n’est pas notifiée.

2 – En cas de cession notifiée

L’article L313-28 prévoit que l’on prend l’initiative d’informer le débiteur de la cession (le cessionnaire l’informe qu’il doit lui payer à lui et non plus à l’ancien créancier). La notification peut se faire par tout moyen tant qu’il y a un support écrit (lettre simple, fax, lettre recommandée…). Pour que l’information soit satisfaisante, l’écrit doit comporter des mentions obligatoires :

  • Référence aux articles pertinents du CMF (articles L313-23 et suivants).
  • Désigner le cédant.
  • Indiquer précisément quelle était la créance cédée.
  • Préciser l’interdiction de payer au précédent créancier.

Le débiteur cédé voit sa situation modifiée. Il y a des difficultés. Même s’il traite avec un nouveau créancier, il va pouvoir lui opposer toutes les exceptions opposables aux précédents créanciers.

3 – Hypothèses de la cession acceptée

Le cessionnaire peut se voir opposer des exceptions. Pour éviter cela, il faut accepter la cession de créances par le débiteur lui-même. Le débiteur peut s’engager à payer directement au cessionnaire, selon le CMF. L’intérêt est que le débiteur ne peut plus lui opposer une quelconque exception. Cela est rarement sollicité dans la pratique. Cela implique en effet une certaine lourdeur. On préfère choisir une solution qui engendrera plus de risques.

B – Le tiers autres que le débiteur cédé

On se fonde sur l’opposabilité immédiate. Pour les autre tiers, dès la date apposée par le cessionnaire sur le bordereau, ils doivent considérer que ce cessionnaire est propriétaire des cessions cédées. Les autres tiers seront les créanciers du cédant : ils ne pourront saisir la créance dès la date figurant sur le bordereau. Dans des situations frauduleuses, quand il y a deux cessions successives (pour mobiliser les fonds), en principe, le premier cessionnaire est toujours seul propriétaire des créances. Si le débiteur cédé a payé de bonne foi au second cessionnaire, il effectue un paiement libératoire. Si le débiteur savait qu’il y avait deux cessions et a malgré tout payé au second cessionnaire, il effectue un paiement non libératoire. Il devra payer une seconde fois au premier cessionnaire.