De la chute de la Monarchie de Juillet à la 2ème République

De la chute de la Monarchie de Juillet à la Deuxième République

On appelle cette période le « printemps des peuples ». La seconde république n’est pas le prologue du second empire, sauf dans ses dernières années. On peut dire que ce moment historique a eu lieu en trois temps : la chute de la monarchie de Juillet (I), le gouvernement provisoire (II), le recentrage de la République (III).

 

  1. I – La chute de la monarchie de Juillet

Ce régime (1830 – 1848) a réinséré la France dans la ligne de l’héritage modéré de 1789 et dans la marche du pays vers le parlementarisme. Mais ce régime, libéral mais aussi semi-autoritaire par moments, n’a guère évolué. Son immobilisme (A) et le hasard ont permis une révolution (B).

 

A / L’immobilisme sous Guizot

Guizot : président du Conseil en 1847. Historien universitaire protestant, qui agit en accord avec Louis-Philippe. Il voyait dans la monarchie de Juillet non pas un point de départ comme l’espéraient certains partisans du régime, mais un aboutissement, un équilibre quasi-parfait qu’il fallait conserver à tout prix. La stabilité politique est obtenue en favorisant l’élection de fonctionnaires, + le pays réel est ignoré. La barrière censitaire est abaissée de 300 à 200F d’impôts directs (on passe de 90 000 électeurs à 166 000). Si le nombre d’électeurs a augmenté, c’est aussi parce que les petites bourgeoisies se sont enrichies et ont pu ainsi accéder au droit de vote. La souveraineté de la nation a été reconnue en 1830, mais Guizot préfère l’idée d’une souveraineté de la raison.

 

En matière sociale, la situation ne s’arrange pas : révolution industrielle qui produit une situation difficile pour les ouvriers. Ce sont des catholiques et les premiers théoriciens socialistes qui s’efforcent de sensibiliser l’opinion à la misère des ouvriers ; l’État quant à lui intervient peu.

 

B / Une Révolution chanceuse

La Révolution de 1848 sera d’abord et avant tout une révolution politique. Néanmoins, les conditions socio-économiques étaient favorables à une révolution : disette de 1846 (dernière de l’histoire de France), + situation particulièrement préoccupante à Paris (ville d’un million d’habitants qui souffre d’un urbanisme archaïque où beaucoup de provinciaux déracinés sont venus s’installer et vivent dans la misère). Les oppositions au régime ont concentré le débat sur le seul point qui fasse l’unanimité sur les diverses oppositions : la réforme électorale ; en effet, le cens électoral n’a pas bougé depuis 1830.

 

En 1847, les opposants organisent des banquets où l’on réclame l’abaissement du cens voire le suffrage universel : la « campagne des banquets » (cf les journaux Le national et La réforme). Le régime à l’époque n’est pas menacé. Pourtant, les événements vont s’accélérer : un banquet est interdit à Paris, les manifestants sont dispersés par la police le 22 février 1848.

 

Louis-Philippe remplace Guizot par un personnage plus accommodant : Molet, le 23 février 1848. Contre toute attente, le régime semble vaciller sur ses bases. Le 24 février 1848, Paris croule sous les barricades, un gouvernement provisoire se forme et se prononce pour la République. Face à cette insurrection, Louis-Philippe fuit en Angleterre.

 

→ La monarchie de Juillet est née par hasard, elle tombe donc aussi par hasard. Le régime n’a pas su faire naître en sa faveur un sentiment de loyalisme monarchique ; mais ce régime aurait très bien pu survivre s’il avait été un peu plus à l’écoute de son époque et si le sang n’avait pas coulé.

 

  1. II – Le gouvernement provisoire

Les républicains s’abandonnent pour une fois à un grand élan passionnel qui a marqué les esprits. La postérité a plus conservé le souvenir des mesures prises (B) que le souvenir des hommes qui les ont prises (A), bien qu’elle ait souffert néanmoins d’une amnésie partielle (C).

 

A / Les hommes

= Les « quarante-huitards ». Le gouvernement provisoire a été créé par des hommes sans grande expérience. Composition étrange : des ministres membres du gouvernement, des membres du gouvernement qui ne sont pas ministres, des ministres qui ne sont pas membres du gouvernement. Un complexité qui traduit l’inexpérience du pouvoir de ces hommes de 48. Entre autres Lamartine, l’avocat Ledru-Rollin (républicain radical), + deux jeunes socialistes : Louis Blanc, Albert. La dominante est socialisante mais plutôt modérée.

 

B / Les grandes mesures

Le gouvernement prend en quelques semaines des décisions d’une importance capitale pour l’avenir, sur le plan symbolique, dans l’imaginaire de la gauche française. Mesures que l’on peut articuler autour des notions de « liberté, égalité, fraternité », devise écrite dans la Constitution de 1848.

 

Liberté de presse et de réunion / égalité : abolition des titres de noblesse + abolition de l’esclavage le 4 mars 1848 (confirmée dans le décret d’avril 1848). Dans la DDHC : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux entre eux. » Cependant, rétablissement de l’esclavage de 1802 par Bonaparte. Entre temps (en 1794), les esclaves étaient devenus citoyens français.

 

Le droit au travail a failli être proclamé, mais on n’est pas allé jusque là ; néanmoins, l’idée est dans l’air et c’est dans cet esprit que l’on crée les ateliers nationaux, destinés à trouver du travail.

 

Suffrage universel masculin qui fait passer les électeurs de 240 000 à 9 millions = naissance d’une religion politique.

 

Le retour en force de certains thèmes de 1793 pouvaient inquiéter ; ainsi, plusieurs mesures du GP visent à rassurer (ex: le drapeau tricolore est conservé). + Volonté de faire comprendre qu’on ne retournera pas dans la Terreur : la peine de mort est abolie en matière politique / on ne retombera pas dans l’inflation : la Banque de France doit donner un plafond d’émission.

 

C / Les premières difficultés

Les milieux d’affaires ne font pas confiance à cette République improvisée. En Révolution, les impôts rentrent mal = dès le 16 mars, le GP est amené à augmenter les impôts directs de 45%. Au bout de 3 mois, on constate que les ateliers nationaux, qui permettent de rémunérer des chômeurs, les rémunèrent pour des travaux inutiles (≈ simple assistance).

  1. III – Le recentrage de la République

Passée l’euphorie des premières semaines, la République s’embourgeoise.

 

A / L’Assemblée constituante

Élections le 23 avril qui donnent lieu à une participation phénoménale de 84%. C’est en cela que consiste l’événement, beaucoup plus que le résultat qui montre la victoire des républicains modérés.

 

Le 4 mai 1848, l’Assemblée constituante peut proclamer officiellement la République. Le 10 mai, elle désigne une commission exécutive qui remplace le Gouvernement provisoire.

 

B / Le tournant de juin 1848

Les socialistes savaient qu’ils seraient très peu nombreux à l’Assemblée constituante. Désavoués largement par le suffrage, ils cherchent à prendre le pouvoir autrement. Le 15 mai 1848, émeute durant laquelle ils envahissent l’Assemblée constituante. Les leaders du mouvement (Albert, Blanqui, Barbès) s’enfuient, mais l’incompréhension grandit. L’Assemblée se décide à fermer les ateliers nationaux ; le 23 juin 1848, la moitié Est de Paris se soulève. La commission exécutive démissionne, l’Assemblée constituante donne les pleins pouvoirs au général Cavaignac qui devient Président du Conseil le 28 juin 1848.

 

Ces journées de juin ont joué un rôle capital en matière politique : aggravé la haine sociale en France, la répression sera sévère (5 000 morts + des milliers de déportation). + Conséquences directes : la journée du travail, précédemment réduite, va être rallongée à 12h/jour. Le moment 48 est passé, ou presque.

 

C / La Constitution et l’élection présidentielle

La Constitution républicaine du 4 novembre 1848 écarte tout parlementarisme. La Constitution marque un coup d’arrêt : on revient au schéma révolutionnaire de l’assemblée unique. L’exécutif est confié à un président, lui aussi élu au suffrage universel. Régime présidentiel, sans responsabilité ministérielle ni droit de dissolution.

 

Mais on commet une grave erreur en 1848 (// Constitution de l’an III) : aucun mécanisme juridique n’était prévu pour résoudre les éventuels conflits entre le président et l’assemblée.

 

On songeait à Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de l’empereur, d’autant plus qu’il venait d’être élu député. On adopte le principe de l’élection du président au SUD. Le SUD est adopté par principe, scrupule démocratique. Cependant, il a conduit la répression sanglante de juin. Mais le 10 décembre 1848, il est élu avec presque les ¾ des voix contre moins de 20% à l’homme en place. Les autres candidats (Lamartine, Ledru-Rollin…) obtiennent un score très faible.

 

→ Louis-Napoléon Bonaparte a fortement bénéficié de son nom. De plus, il a pris position au dessus des partis ; il a donc recueilli des voix provenant de toutes les tendances politiques, y compris à l’extrême-gauche où l’on pouvait se souvenir qu’en 1844, Louis-Napoléon en prison avait publié une brochure s’intitulant Extinction du paupérisme. Si le neveu de Napoléon a réussi à tirer profit de la légende napoléonienne, c’est dû à son époque, naissance du SU, choc de 1848, etc.

 

Après 1848, la page est cependant bien tournée. L’Assemblée législative va avoir une majorité monarchiste, qui va s’attacher à démanteler l’édifice de 1848 ; elle va se discréditer en restreignant l’exercice du droit de suffrage par la loi du 31 mai 1850. Dès lors, Louis-Napoléon va pouvoir se poser en sauveur, rétablissant le SU. = Coup d’État du 2 décembre 1851.