La théorie des circonstances exceptionnelles
C’est une théorie d’origine jurisprudentielle qui a été élaborée par le Conseil d’État à l’occasion de la première guerre mondiale, à partir de 2 arrêts :
- – L’arrêt Heyriès du 28 juin 1918.
- – L’arrêt Dames Dol et Laurent du 28 février 1919.
Selon cette théorie, dans certaines circonstances, l’administration est toujours tenue de respecter la légalité mais les obligations qui pèsent sur elle sont beaucoup moins contraignantes. En d’autres termes, il y a un assouplissement du contenu de la légalité.
Ces pouvoirs exceptionnels qui sont reconnus à l’administration se distinguent de ceux définis par la Constitution, tel que l’Etat de siège (article 36), les pouvoirs exceptionnels confiés au Président de la République en application de l’article 16, ou encore de ceux qui sont reconnus par la loi comme l’Etat d’urgence.
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Ces pouvoirs issus de la théorie des circonstances exceptionnelles se distinguent de ceux qui sont issus des textes en ce sens qu’ils s’ajoutent à ceux-ci et permettent aux autorités administratives d’aller au-delà de ces extensions constitutionnelles et parfois législatives.
Section 1 : la notion de circonstances exceptionnelles
C’est une théorie dégagée à l’occasion de la première guerre mondiale et le Conseil d’État est parti de l’idée que toute l’organisation sociale est destinée à assurer la vie du pays et le fonctionnement des services publics. Le droit n’est qu’une technique qui a pour objet d’organiser les pouvoirs publics à cette fin supérieure.
L’administration doit dans certains cas pouvoir s’affranchir du respect de règles qui sont conçues pour des périodes normales. Ce qui prime c’est le fonctionnement des services publics.
Il y a là un danger évident pour les libertés publiques et individuelles. Le juge en a conscience et considère qu’il n’y a circonstances exceptionnelles que dans les cas où la légalité normale est totalement inadaptée et dans des cas où il faut alors substituer à cette légalité normale une légalité d’exception.
Le Conseil d’État n’admet considère qu’il faut la réunion de 2 conditions pour que la théorie s’applique :
– Il faut une situation profondément anormale.
Par exemple la guerre. Le Conseil d’État a estimé que toute la durée de la guerre ne constituait pas une période de circonstances exceptionnelles. En ce qui concerne la seconde guerre mondiale que seules certaines périodes comme l’exode et la libération étaient des situations exceptionnelles.
Ou encore un cataclysme naturel, par exemple une éruption volcanique ou la menace d’une éruption volcanique. C’est ce que le Conseil d’État a jugé dans l’arrêt Rhodes du 18 mai 1983.
En revanche les évènements de 1968 ne constituaient pas des évènements exceptionnels selon le Conseil d’État.
– Pour que la situation soit qualifiée de circonstance exceptionnelle, il ne suffit pas qu’elle soit profondément anormale. Il faut en plus qu’elle place l’administration dans l’impossibilité de respecter la légalité.
Exemple : l’affaire de la soufrière en Guadeloupe.
Section 2 : l’application de la théorie des circonstances exceptionnelles
§1. Les effets
La théorie des circonstances exceptionnelles trouvent son fondement dans les obligations générales qui pèsent sur les autorités administratives. Celles-ci ont pour obligation première d’assurer l’ordre public. C’est lorsque cette obligation première se trouve entravée par l’application de la légalité ordinaire que l’autorité administrative peut s’en affranchir.
La théorie des circonstances exceptionnelles se traduit par un assouplissement des règles de compétences. Cela se comprend car il faut agir vite et c’est l’autorité qui est en situation d’agir qui doit le faire.
La manifestation la plus remarquable à cet égard est celle qui résulte de l’application de la jurisprudence dite du fonctionnaire de fait. le Conseil d’État a admis que de simples particuliers qui n’appartenaient pas à la hiérarchie administrative pouvait s’ériger en fonctionnaire de fait en se substituant à l’administration défaillante.
En juin 1940, c’est l’exode sur les routes. Mais certaines personnes restent chez elles. Donc on va considérer qu’un conseiller municipal peut se substitué au maire.
On a un assouplissement des règles de forme et de procédure.
On a un assouplissement des règles de fond.
Des mesures qui en temps normales auraient été déclarées illégales sur le fond sont reconnues légales compte tenu des circonstances.
§2. Les limites et les contreparties
Le juge administratif enferme la théorie dans des limites très étroites et l’assortit de contrepartie. Le Conseil d’État considère tout d’abord que les mesures prises doivent être strictement limitées dans le temps à la durée des circonstances exceptionnelles.
Les mesures privent doivent être très exactement proportionnées au but à atteindre c’est-à-dire ordre public et fonctionnement des services publics, le juge exerçant un contrôle maximum.
En contrepartie de l’extension des pouvoirs reconnue à l’administration, le juge en cas de dommage éventuels engagera la responsabilité de l’administration sur le fondement de la rupture de la légalité devant les charges publiques, c’est-à-dire que les victimes de dommages éventuels n’auront pas à démontrer une faute de l’administration mais seulement qu’elles ont subi un préjudice anormal.