LE CONTENU ACTUEL DES DROITS ET LIBERTÉS
Les droits et libertés fondamentaux (DHLF) forment un socle essentiel de la vie démocratique moderne. Le lien entre droits de l’Homme et démocratie est indissociable. Une démocratie ne peut exister sans garantir les droits fondamentaux, et ces derniers ne peuvent se concrétiser que dans un cadre démocratique. Leur développement s’explique par deux facteurs principaux :
- Une revendication croissante des citoyens : les individus, mieux informés et plus conscients de leurs droits, exigent une reconnaissance accrue de leurs libertés et une protection renforcée contre les abus.
- Un développement continu de l’État de droit : ce cadre juridique garantit l’application de ces droits de manière égale et cohérente.
Libertés publiques : définition et nature : Les libertés publiques désignent un ensemble de droits reconnus aux individus et protégés par l’ordre juridique. Ces droits peuvent être classés selon leur mode de mise en œuvre :
- Libertés passives : l’État se limite à protéger les individus contre les atteintes à leurs droits. Exemple : la liberté d’expression, où l’État veille à ce qu’elle ne soit pas restreinte de manière arbitraire.
- Libertés actives ou créances : l’État intervient directement pour garantir leur mise en œuvre, comme le droit à l’éducation ou à la santé.
Les défis actuels des droits et libertés
- Le juge constitutionnel, protecteur des droits et libertés
- La justice, protectrice des droits et libertés fondamentales
- Les institutions non-juridictionnelles de protection des droits et libertés
- Le régime de protection des droits et libertés en temps normal
- Les atteintes aux libertés en temps de crise
- Les libertés fondamentales dans la hiérarchie des normes
- La classification des droits et libertés fondamentales
- L’équilibre entre sécurité et liberté : Avec la montée des menaces sécuritaires (terrorisme, cybercriminalité), les États sont souvent tentés de restreindre certaines libertés au nom de la sécurité. Le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) insistent sur le principe de proportionnalité pour éviter les abus.
- La protection des données personnelles : À l’ère numérique, le droit à la vie privée est mis à rude épreuve. Le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) adopté par l’Union européenne illustre les efforts pour protéger les citoyens face aux géants du numérique.
- L’accès effectif aux droits sociaux : Malgré leur reconnaissance juridique, les droits sociaux restent souvent inaccessibles pour une partie de la population en raison d’inégalités économiques ou de défaillances structurelles.
&1 – LE CRITÈRE DE LA PROTECTION JURIDIQUE
1. La protection juridique : un critère indispensable
Le terme « libertés publiques », longtemps utilisé, a cédé la place à celui de « droits et libertés », pour mieux refléter l’étendue des garanties juridiques. Toutefois, le critère central demeure : un droit ou une liberté doit bénéficier d’une protection juridique effective pour être considéré comme tel.
- Exigence de l’effet protecteur :
- Une protection juridique n’a de sens que si les textes sont directement invocables devant une juridiction. En d’autres termes, les individus doivent pouvoir se prévaloir de ces droits dans le cadre d’un litige.
2. Une protection de haut niveau : la constitutionnalisation
La constitutionnalisation des droits et libertés garantit leur protection optimale grâce à la rigidité de la Constitution.
- Rigidité de la Constitution :
- Une révision constitutionnelle nécessite une procédure complexe, empêchant une modification par une simple loi.
- Exemple : En France, l’article 89 de la Constitution encadre strictement le processus de révision, renforçant ainsi la stabilité des droits et libertés inscrits dans le texte.
- Autorité du Conseil constitutionnel :
- Les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent à toutes les autres juridictions nationales.
- Exemple : Le Conseil a affirmé que toute restriction à la liberté d’expression doit être nécessaire, adaptée et proportionnée à l’objectif poursuivi (décision du 28 février 2012). Ce triple test constitue désormais un standard de contrôle.
- Place des traités internationaux :
- En vertu de l’article 55 de la Constitution, les traités internationaux ratifiés ou approuvés ont une valeur supérieure à la loi.
- Exception : La condition de réciprocité, souvent invoquée dans les relations internationales, ne s’applique pas aux droits de l’Homme. Ainsi, un État ne peut se soustraire à ses obligations en prétextant qu’un autre État viole les mêmes normes.
3. Technicité de la protection juridique
Tous les textes ne confèrent pas une protection juridique uniforme. Leur applicabilité dépend de leur précision rédactionnelle et de l’interprétation des juges.
- Textes flous ou abstraits :
- Certaines conventions internationales, comme le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ou la Convention de New York sur les droits de l’enfant, sont jugées trop générales pour être directement applicables.
- En France, la Cour de cassation refuse systématiquement d’appliquer la Convention de New York, tandis que le Conseil d’État procède à une analyse au cas par cas, reconnaissant parfois une applicabilité directe.
- Exemples d’applicabilité directe :
- La Charte de l’environnement, intégrée au bloc de constitutionnalité en 2005, est pleinement applicable et invocable par les citoyens. Dans une décision de 2008 (Commune d’Annecy), le Conseil d’État a reconnu son applicabilité.
- Imprescriptibilité de certains crimes :
- Certains crimes, qualifiés d’atteintes graves à l’humanité, ne peuvent être couverts par la prescription en raison de leur gravité.
- Exemple : Les crimes contre l’humanité, tels que définis par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, sont imprescriptibles. Cela signifie que les poursuites peuvent être engagées à tout moment, quels que soient les délais écoulés.
En résumé : Le critère de la protection juridique constitue la pierre angulaire des droits et libertés, garantissant leur effectivité. Si la constitutionnalisation assure une stabilité et une reconnaissance institutionnelle, la technicité des textes peut limiter leur invocation directe devant les juridictions. Néanmoins, des évolutions jurisprudentielles et législatives renforcent peu à peu l’accès des justiciables à une protection concrète et efficace.
&2 – LES CLASSIFICATIONS DES DROITS ET LIBERTÉS.
Les classifications des droits et libertés visent à organiser un ensemble complexe et évolutif de prérogatives. Elles permettent de comprendre les transformations des droits humains au fil des siècles, révélant notamment :
- Une évolution d’un individualisme prédominant vers des libertés collectives croissantes.
- Une adaptation aux besoins spécifiques de certaines catégories d’individus (droits des femmes, droits des enfants).
Bien qu’elles soient des constructions intellectuelles, ces classifications mettent en lumière des oppositions fondamentales : libertés publiques contre droits fondamentaux, libertés individuelles contre collectives, ou encore droits universels contre droits catégoriels. Elles reflètent également des évolutions majeures dans le cadre national et international.
A. Les trois générations de droits de l’Homme
1. Les « droits-libertés »
Les droits-libertés, ou droits de première génération, sont des droits civils et politiques :
- Caractéristiques générales :
- Exercés individuellement par l’Homme, sous la protection de l’État, qui doit empêcher que leur jouissance soit entravée.
- Ils se sont développés principalement aux XVIIIᵉ et XIXᵉ siècles, souvent parallèlement aux droits politiques.
- Ces droits continuent d’évoluer pour répondre aux besoins de la société contemporaine.
- Exemples principaux :
- Liberté : Affirmée dans la DDHC (1789), réaffirmée dans les préambules de 1946 et 1958, et l’article 66 de la Constitution.
- Égalité : Incluant l’égalité hommes-femmes (préambule de 1946, Principe particulièrement nécessaire à notre temps – PPNT).
- Droit de vote : Suffrage universel, égal et secret (DDHC, Constitution).
- Droit de propriété : Protégé mais encadré par l’utilité publique (DDHC).
- Droit à la sûreté : Interdiction des détentions arbitraires (art. 66 de la Constitution).
- Liberté d’expression : Incluant le droit de parler, écrire, publier (DDHC, Constitution).
- Liberté d’association : Loi de 1901 reconnue comme PFRLR (Conseil constitutionnel, 1971).
- Droit à la vie : Abolition de la peine de mort en 1981 (article 66-1 de la Constitution).
- Limites :
- Interdiction des abus (ex. diffamation, expropriation pour cause d’utilité publique).
- Possibilité de détention préventive, malgré la présomption d’innocence.
- Évolution : Ces droits s’adaptent aux évolutions technologiques et sociales, comme : La reconnaissance du droit de communiquer via Internet, affirmée dans le cadre des débats sur la loi HADOPI.
2. Les « droits-créances »
Les droits-créances, ou droits de deuxième génération, se distinguent des droits-libertés par leur caractère revendicatif et collectif :
- Caractéristiques générales :
- Ils nécessitent une intervention active de l’État pour se concrétiser, sous forme de prestations ou de services.
- Ils traduisent des revendications sociales et économiques, reflétant l’évolution des besoins humains.
- Apparition au XXᵉ siècle, surtout après la Seconde Guerre mondiale, inscrits dans les textes constitutionnels des IVᵉ et Vᵉ Républiques.
- Exemples principaux :
- Droit à l’éducation : Garantie par un service public laïque (préambule de 1946, PPNT).
- Droit à l’emploi : Comprenant un revenu minimum garanti (préambule de 1946, PPNT).
- Droit à la santé : Accès à un système de soins (préambule de 1946, PPNT).
- Droit au repos et aux loisirs (préambule de 1946, PPNT).
- Droit à l’asile : Inscrit à l’article 53 de la Constitution.
- Pluralisme de la presse : Mentionné à l’article 34 de la Constitution.
- Participation des travailleurs dans l’entreprise : Affirmée dans le préambule de 1946.
Ces droits-créances traduisent une volonté d’assurer une justice sociale et un équilibre économique, plaçant l’individu dans une posture revendicative vis-à-vis des institutions publiques.
3. Les droits de troisième génération
Apparus à la fin du XXᵉ siècle, les droits de troisième génération reflètent des préoccupations internationales et contemporaines :
- Caractéristiques générales :
- Ils transcendent les États pour s’inscrire dans une démarche mondiale.
- Ce sont souvent des droits collectifs, axés sur des enjeux sociaux, environnementaux, et scientifiques.
- Ils traduisent une prise de conscience globale des défis partagés par l’humanité.
- Exemples principaux :
- Droit à un environnement sain : Affirmé en France par la Charte de l’environnement, adossée à la Constitution en 2004.
- Droit à la paix : Une aspiration essentielle pour la stabilité internationale.
- Protection contre les dérives scientifiques : Encadrée par le principe de précaution (Charte de l’environnement).
-
Objectifs :
Ces droits visent à donner un fondement juridique aux actions collectives et individuelles en faveur de la justice sociale, de la préservation de l’environnement, et de la paix.
B. Les autres classifications des droits et libertés
Au-delà des générations, d’autres classifications permettent d’analyser les droits et libertés selon divers critères :
1. Distinctions classiques
- Libertés publiques / droits fondamentaux :
- Les libertés publiques désignent les droits individuels garantis par l’État, tandis que les droits fondamentaux incluent également des droits collectifs ou socio-économiques.
- Libertés physiques / libertés intellectuelles :
- Les libertés physiques concernent le corps (ex. droit à la sûreté), tandis que les libertés intellectuelles concernent l’esprit (ex. liberté de pensée).
- Libertés individuelles / libertés collectives :
- Les premières s’appliquent à l’individu isolé (ex. droit de propriété), tandis que les secondes s’exercent au sein de groupes (ex. liberté syndicale).
- Droits universels / droits spécifiques :
- Les droits universels s’adressent à tous (Human Rights), tandis que les droits spécifiques s’adaptent à des catégories (femmes, enfants).
2. La dignité humaine comme fondement commun
- La dignité humaine est le socle de nombreux droits et libertés, consacrée par des textes internationaux comme la CEDH ou la Loi fondamentale allemande.
- Certains droits sont qualifiés de noyau dur : liberté, propriété, sûreté, et résistance à l’oppression (DDHC, 1789).
3. L’impact de l’évolution institutionnelle
- La création du Défenseur des droits en 2008 a regroupé des missions jusque-là séparées (ex. Médiateur de la République, Défenseur des enfants).
- Cette centralisation, bien qu’efficace, a suscité des critiques, certains craignant un affaiblissement des protections spécifiques pour certaines catégories vulnérables.
En somme, ces classifications mettent en évidence une double dynamique :
- Une transition de droits strictement individuels vers des droits collectifs.
- Une spécialisation accrue des droits pour répondre aux besoins de groupes spécifiques, tout en cherchant à préserver une dignité humaine universelle.