Condition potestative et critères de validité des conditions

Critères de validité d’une condition :

  • Le principe est que, pour être valable, une obligation conditionnelle doit être subordonnée à la réalisation d’un événement indépendant de la volonté des parties. Cela signifie que la réalisation de l’obligation conditionnelle ne dépend pas de la volonté des parties au contrat, mais de l’occurrence d’un événement extérieur au contrat.

Ce principe est issu du droit des obligations et vise à protéger les parties au contrat en leur permettant de ne pas être tenues à des obligations qui dépendent de leur seule volonté. Il vise également à garantir la validité et la sécurité juridique des obligations conditionnelles.

  • Il existe cependant une exception à ce principe : lorsque l’obligation conditionnelle est subordonnée à la volonté d’une des parties au contrat, elle peut être considérée comme valide. Cette exception concerne les obligations conditionnelles potestatives, c’est-à-dire celles qui dépendent de la volonté d’une des parties au contrat. Par exemple, dans un contrat de vente, si la vente est conditionnelle à l’obtention d’un prêt par l’acheteur, l’obligation est potestative et donc valable.

1. Situation générale

En premier lieu, l’on considère traditionnellement qu’un élément essentiel à la formation d’un contrat ne peut être érigé en condition même si aucun texte ne l’interdit expressément.

Par exemple, un acte de vente signée sous la condition qu’une partie confirme son engagement n’est pas valable. En effet, aux termes de l’article 1583, la vente est parfaite dès qu’il y a accord sur la chose et le prix. Alors, l’on ne peut conditionner le consentement en condition suspensive car cela reviendrait de greffer sur un contrat un effet particulier qui dénature le contrat lui-même.

La clause qui subordonne la cession d’un bail à la signature d’un nouveau bail, qui interviendrait entre le cessionnaire et le propriétaire, doit être réputée non écrite car elle porte sur un élément essentiel du contrat (1ère civ. 22 oct. 2015).

Cela s’explique car cette condition est une modalité accessoire qui vient se greffer au contrat. Un auteur disait que « la condition ne peut guère exister au contrat dont elle influence les effets ». Ainsi, elle ne peut scier la branche contractuelle dont elle a besoin pour s’asseoir.

 

En second lieu, la condition doit être licite à peine de nullité (art. 1304-1 civ). Elle est illicite si elle permet l’accomplissement d’un acte qui est contraire par une disposition légale impérative, la règle valant tant pour les actes à titre gratuit qu’onéreux (art. 1304-1 et art. 900 civ.).

Par exemple, une donation de bien présent fait par un époux à son conjoint ne peut être assortie d’une condition résolutoire qui est liée au prononcé du divorce ou à une demande divorce puisque les dispositions de l’article 267 du Code civil sont impératives.

Par un arrêt 1ère civ. 14 mars 2012, la Cour a fait remarquer qu’une telle condition résolutoire serait illicite.

Concernant les actes onéreux, la loi interdit certaines conditions comme a condition suspensive de non préemption par la SAFER lorsqu’elle est insérée dans une promesse de vente d’un terrain agricole.

 

L’art. 1304-2 du Code civil interdit les conditions purement potestatives (la réalisation dépend de la volonté du seul débiteur). Certaines atténuations à la nullité existent :

 

Dans le cas où la condition est potestative de la part du débiteur, la nullité ne peut plus être invoquée si la condition a été exécutée en connaissance de cause. Il y a une confirmation de l’acte nul.

Si la condition potestative dépend de la volonté du créancier, elle est valable et il n’y a aucune nullité possible. Exemple : Le préteur prévoit qu’il ne demandera le remboursement du prêt que s’il le veut bien.

 

Concernant la portée de la nullité en cas de condition illicite, cela est source de difficulté car les textes ne donne pas de solution claire mais contradictoire.

L’article 900 prévoit que la condition illicite est seule annulée, l’acte à titre gratuit peut conserver sa validité à partir du moment où on l’a débarrassé de la condition illicite : la nullité est partielle.

L’article 1304-1 laisse entendre, comme l’ancien article 1172, que l’illicéité entraine la nullité de l’obligation en général.

Par conséquent, la jurisprudence n’applique pas véritablement ces textes mais statue en fonction de l’importance de la condition aux yeux des parties. La nullité sera totale si la condition illicite était déterminant du consentement des parties. Au contraire, la nullité sera partielle dans le cas contraire.

 

S’agissant de la condition impossible, avant la réforme de 2016, le fait de stipuler une telle condition rendait nul le contrat. Ainsi, la notion de condition impossible et sa sanction liée ont disparu du Code civil. Aujourd’hui est admis qu’un contrat ne produira jamais ses effets en cas d’une telle condition impossible. Il est voué à la caducité.

Par exemple, un commerçant, qui s’engage à importer de l’étranger un produit pour lequel la licence n’est plus délivré.

 

Est également admis qu’un contrat ne sera jamais remis en cause s’il est assorti d’une condition résolutoire impossible. En effet, l’obligation contractée est une obligation pure et simple.

 

2. Situation particulière : la condition potestative :

Avant la réforme de 2016, le Code civil distinguait la condition casuelle, celle qui dépend du seul hasard (art. 1169 anc.), la condition mixte qui dépend, à la fois d’une volonté d’une partie et de celle d’un tiers (une vente subordonnée à la condition suspensive de l’obtention d’un prêt) et la condition potestative (art. 1170 anc.) qui est reprise par le nouvel art. 1304-2.

Aujourd’hui il n’existe que la condition potestative qui dépend de la seule volonté du débiteur.

En présence d’une telle situation, l’obligation souscrite est nulle. Si l’on admettait le contraire, l’on admettrait qu’une personne puisse à la fois s’engager et se désengager.

 

Trois analyses doctrinales ont été proposées pour réduire la nullité :

 

Pour la première analyse, seule la condition suspensive potestative entrainerait la nullité mais pas la condition résolutoire. En effet, la condition résolutoire ne suspend pas la naissance de l’obligation.

En présence d’une condition résolutoire potestative, le débiteur serait valablement engagé mais pourrait remettre en cause son engagement en faisant survenir l’évènement. C’est le cas de la vente avec faculté de rachat (à réméré). L’article 1659 prévoit que la faculté de rachat est un « pacte par lequel le vendeur se réserve de reprendre la chose vendue moyennant la restitution du prix » pendant les cinq ans consécutifs à la vente.

La jurisprudence a toujours considéré que la condition résolutoire rend nulle l’obligation de manière générale. Il s’agissait d’une relation d’affaire entre un fabricant et un concessionnaire qui fabriquait des objets. Une clause avait été inséré et prévoyait la résiliation du contrat sur simple dénonciation du concessionnaire au cas où il ne parviendrait pas à écouler chaque année 2.000 appareils. Le fabricant a demandé la nullité du contrat en raison de la condition potestative insérée par le concessionnaire. Il a obtenu gain de cause puisque la Cour a estimé que l’on était en présente d’une condition résolutoire potestative en faveur du concessionnaire. Le concessionnaire avait la faculté de refuser de prendre livraison des appareils par une appréciation subjective et unilatérale sans que le fabricant ne puisse exercer aucun contrôle.

A partir du moment où l’art. 1304 ne prévoit pas de différence entre la condition potestative suspensive et résolutoire, il n’y a aucune raison d’accorder une situation plus favorable dans le dernier cas.

 

La deuxième analyse considère que la nullité devrait être écartée en présence d’un contrat synallagmatique parce que dans un tel contrat, chacune des parties est à la fois débitrice et créancière. Or, l’article 1304 ne vise que la condition potestative de la part du débiteur. Cette analyse n’a pas convaincu la jurisprudence.

En matière de PSV, la Cour a décidé qu’elle est nulle si son exécution dépend d’une condition que seul l’acquéreur du fonds peut faire survenir ou empêcher. Il était prévu, en l’espèce, que le paiement du prix était subordonné à la réitération par l’acquéreur de son intention d’acquérir le fonds.

La solution est approuvée en doctrine car l’article 1304-2 ne distingue pas entre les différents contrats.

Si l’on décide d’écarter cette solution en présence de contrat synallagmatique, il y a très peu de chances d’appliquer la règle.

 

La troisième analyse, pour minimiser l’impact de la sanction, consiste à faire le débat entre la condition purement potestative et celle simplement potestative. Dans la première, cela dépend de la seule volonté du débiteur tandis que dans la seconde, cela dépend de la volonté du débiteur et d’élément extérieur.

La jurisprudence contemporaine a tendance à se placer au stade de l’exécution du contrat et en prenant en compte des facteurs objectifs : les influences qui ont orienté le choix du débiteur, sous contrôle du juge.

Exemple : Un contrat est signé entre une clinique et des médecins qui officient auprès de celle-ci. Il est prévu que le contrat prendrait fin sans indemnité si la clinique cessait son activité. La clinique a été vendu pour une somme de 12 millions de francs. Les médecins ont saisi le juge pour lui demander de constater que la clause était illicite car potestative. Pour les juges du fond, la clause ne pouvait être potestative car elle n’avait été mise en œuvre que sous la pression d’événements économiques irrésistibles. A partir du moment que c’est sous la pression des circonstances que la clinique a été vendu, la Haute Cour a considéré qu’elle ne relevait pas de la volonté délibérée de son propriétaire de faire une plus-value. La clause était valable.

Remarque : L’article 1304-3 prévoit que la condition est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement. C’est la sanction du réputé accompli puisque le débiteur empêche la réalisation de la condition. A titre de sanction, l’on fait comme ci qu’elle est arrivée. Ladite sanction a pour but de combattre la potestativité de manière plus adéquate. En effet, dans le cas de la sanction réputée accomplie, le débiteur devra des dommages-intérêts ou sera engagé. Lorsqu’elle est qualifiée de potestative, la sanction se traduit par la nullité de l’obligation.

 

Si aujourd’hui la sanction de nullité pour potestativité est en recul, c’est parce que l’on a constaté que c’est « un truc pour contractant de mauvaise foi », comme le dirait le Pr. MALAURIE.

Une manière plus simple permet de combattre le fait d’empêcher la condition de se réaliser : le réputé accompli.