Le gouvernement : formation, fonctionnement, statut des membres du gouvernement.
Le Premier ministre, nommé par le président de la République, forme un gouvernement chargé de déterminer et de conduire la politique de la Nation (article 20). Il dirige l’action gouvernementale, assure l’exécution des lois et dispose de l’administration et de la force armée (article 21).
Les ministres sont nommés par le président sur proposition du Premier ministre (article 8). Le gouvernement a l’initiative des lois et peut, via l’article 49.3, faire adopter un texte sans débat parlementaire.
Le gouvernement inclut :
- Ministres d’État (titre honorifique, rarement utilisé),
- Ministres de plein exercice (dirigent des départements),
- Ministres délégués (sous l’autorité d’un ministre principal),
- Secrétaires d’État (chargés de thématiques spécifiques).
La composition et les compétences des ministres sont fixées par le président et le Premier ministre selon les priorités politiques.
- Droit constitutionnel
- Comment le Parlement contrôle l’action du Gouvernement?
- Comment le Parlement discute et vote la loi?
- Quel est le fonctionnement et l’organisation de l’Assemblée et du Sénat?
- Comment est élu un parlementaire? Quel est son statut?
- Comment fonctionne le Gouvernement? Comment est-il formé?
- Quels sont les pouvoirs du Premier Ministre et des ministres?
Section 1. La formation et le fonctionnement du gouvernement.
Le gouvernement français est une institution clé de l’exécutif, avec une composition et un fonctionnement structurés pour répondre aux priorités politiques et administratives. Il repose sur le principe de solidarité gouvernementale, garantissant une action coordonnée et cohérente.
&1. La formation du gouvernement.
Nomination des membres
Les membres du gouvernement sont nommés par le président de la République :
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Nomination du Premier ministre :
- Le président de la République nomme librement le Premier ministre, sans nécessité de contreseing (article 8 de la Constitution).
-
Nomination des autres membres :
- Les ministres, ministres délégués et secrétaires d’État sont nommés par le président sur proposition du Premier ministre, avec son contreseing.
Composition et structure
La composition et la structure du gouvernement sont fixées de manière discrétionnaire par le président et le Premier ministre.
-
Nombre de membres :
- Il n’existe aucune limite constitutionnelle ou législative concernant le nombre de ministres.
- Exemple : Le gouvernement d’Élisabeth Borne, formé en juillet 2022, compte 41 membres, dont :
- Le Premier ministre,
- 28 ministres (dont 6 ministres délégués),
- 13 secrétaires d’État.
-
Structure du gouvernement :
- Les ministres dirigent leur ministère et participent aux grandes orientations gouvernementales.
- Les ministres délégués gèrent un département sous l’autorité d’un ministre ou du Premier ministre.
- Les secrétaires d’État ont des responsabilités plus spécifiques et ne participent au Conseil des ministres que sur convocation.
Évolution de certaines catégories
Certaines catégories de membres du gouvernement ont perdu en importance ou ont été abandonnées :
- Les ministres d’État :
- Ce titre honorifique, qui reflétait une reconnaissance particulière au sein du gouvernement, est aujourd’hui moins utilisé.
- Les secrétaires d’État :
- Leur rôle est souvent limité à des fonctions techniques ou spécialisées. Ils n’assistent au Conseil des ministres que sur demande.
Hiérarchie au sein du gouvernement
- Le Premier ministre est le chef du gouvernement et assure la coordination de l’action gouvernementale.
- La hiérarchie des ministres (numérotation symbolique) est déterminée en fonction de leur importance politique ou stratégique.
- Exemple : Dans le gouvernement Ayrault (2012), Laurent Fabius (Affaires étrangères) était numéro 2, suivi de Vincent Peillon (Éducation nationale).
Fin des fonctions
Les fonctions ministérielles peuvent prendre fin de manière collective ou individuelle :
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Collective : À la suite d’élections législatives, d’une motion de censure adoptée par l’Assemblée nationale ou d’une démission du Premier ministre.
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Individuelle : Sur décision du président, à la demande du Premier ministre, souvent pour :
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- Des raisons politiques (désaccords majeurs),
- Des raisons judiciaires (exemple : Jérôme Cahuzac, contraint de démissionner en 2013 pour une affaire de fraude fiscale),
- Une démission volontaire (doctrine dite « Chevènement » : un ministre en désaccord profond avec la politique gouvernementale démissionne, comme Jean-Pierre Chevènement à plusieurs reprises).
-
&2. Les organes de la solidarité gouvernementale.
Le gouvernement fonctionne de manière collégiale grâce à plusieurs organes de coordination. Ces instances permettent d’assurer une solidarité gouvernementale et une cohérence dans l’action publique.
1) Le Conseil des ministres
Le Conseil des ministres est l’instance centrale de décision :
- Composition : Il regroupe l’ensemble des membres du gouvernement ayant rang de ministre.
- Compétences :
- Délibération des projets de loi,
- Adoption de certains décrets importants,
- Discussion sur les grandes orientations politiques.
- Participation des secrétaires d’État : Leur présence est fixée par décret, mais ils ne participent qu’exceptionnellement, sur convocation.
2) Le Conseil de cabinet
Le Conseil de cabinet réunit l’ensemble des membres du gouvernement sous la présidence du Premier ministre.
- Rôle : En période de cohabitation, il joue un rôle prépondérant en coordonnant l’action gouvernementale indépendamment de l’influence présidentielle.
- Particularité : Ce conseil n’a pas d’existence formelle en période de convergence politique entre le président et le gouvernement.
3) Les conseils interministériels
Ces conseils restreints sont présidés par le président de la République.
- Composition : Ils regroupent les ministres directement concernés par un dossier spécifique.
- Rôle : Ils permettent d’approfondir les débats sur des questions complexes nécessitant une coordination étroite.
- Exemple : Le Conseil de défense et de sécurité nationale, activé régulièrement pendant la pandémie de COVID-19, est un conseil interministériel restreint.
4) Les comités interministériels
Les comités interministériels sont présidés par le Premier ministre.
- Rôle : Ils assurent la coordination entre plusieurs ministères sur des sujets transversaux, comme l’aménagement du territoire ou la transition écologique.
5) Les réunions interministérielles
Ces réunions préparatoires regroupent les collaborateurs des ministres :
- Présidence : Elles sont dirigées par le secrétaire général du gouvernement ou un membre du cabinet du Premier ministre.
- Objectif : Elles visent à régler les détails techniques avant les délibérations au Conseil des ministres ou dans d’autres instances gouvernementales.
Section 2. Le statut des membres du gouvernement.
&1. Le régime des incompatibilités (article 23 de la Constitution).
L’article 23 de la Constitution établit des règles strictes pour éviter les conflits d’intérêts et garantir la disponibilité totale des membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions. Ces incompatibilités concernent les mandats parlementaires, les responsabilités locales, et d’autres fonctions professionnelles.
Les membres du gouvernement se voient imposer des règles déontologiques plus strictes, notamment avec l’adoption de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui contrôle les déclarations d’intérêts des ministres avant et après leur mandat.
1. Incompatibilités avec les mandats parlementaires nationaux, européens et internationaux
Lorsqu’un parlementaire est nommé membre du gouvernement, il doit choisir entre son mandat parlementaire et ses nouvelles fonctions ministérielles :
- Il dispose d’un délai d’un mois pour faire ce choix.
- Les cumul des fonctions est strictement interdit.
Rétablissement du mandat parlementaire
Depuis la révision constitutionnelle de 2008, un membre du gouvernement qui quitte ses fonctions peut retrouver son mandat parlementaire :
- Cette restitution est automatique si l’intéressé en fait la demande explicite.
- Exemple récent : Après avoir quitté le gouvernement, certains ministres comme Élisabeth Moreno ont repris des fonctions dans le champ public ou politique, bien que ce mécanisme soit moins fréquent parmi les ministres issus de l’Assemblée nationale.
2. Incompatibilités avec les mandats locaux
Bien que l’article 23 ne vise pas directement les mandats locaux, une charte de déontologie adoptée en 2012 impose des restrictions supplémentaires :
- Un membre du gouvernement ne peut pas présider ou diriger un exécutif local (commune, département, région).
- Cette disposition, bien que non contraignante légalement, est suivie dans les faits.
- Exemple récent : En 2020, Édouard Philippe, Premier ministre, a quitté ses fonctions pour reprendre la mairie du Havre après la fin de son mandat à Matignon.
3. Incompatibilités avec d’autres fonctions professionnelles
- Représentation professionnelle : Les membres du gouvernement ne peuvent exercer de fonctions en tant que représentants professionnels à caractère national, notamment les dirigeants syndicaux ou représentants des organisations patronales.
- Emplois publics. : Les membres du gouvernement ne peuvent occuper un emploi public autre que leurs fonctions ministérielles.
- Activité professionnelle privée : Les membres du gouvernement doivent s’abstenir d’exercer toute activité professionnelle privée pendant leur mandat.
- Reprise d’activité privée après la fonction ministérielle
- Une période de 6 mois de carence est imposée après la fin des fonctions ministérielles avant de reprendre une activité privée.
- Cette restriction vise à prévenir les conflits d’intérêts ou les situations de pantouflage.
- Exemple récent : En 2021, l’ancien ministre Jean-Baptiste Djebbari, après son départ du gouvernement, a été scruté pour ses relations avec le secteur privé du transport aérien, suscitant des interrogations sur les limites entre fonctions publiques et opportunités privées.
&2. La responsabilité des membres du gouvernement.
Les membres du gouvernement, comme tout citoyen, sont soumis à des régimes de responsabilité. Toutefois, ces régimes s’adaptent à la nature particulière de leurs fonctions. Ils relèvent de plusieurs types de responsabilités : politique, civile, financière et pénale.
A) La responsabilité politique
1) De droit : responsabilité devant l’Assemblée nationale
Les membres du gouvernement, en tant qu’entité collégiale dirigée par le Premier ministre, sont politiquement responsables devant l’Assemblée nationale, selon les articles 49 et 50 de la Constitution.
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Engagement de responsabilité sur une question de confiance (article 49-1) :
- Le Premier ministre peut solliciter un vote de confiance sur son programme ou une déclaration de politique générale.
- En cas de rejet, le gouvernement doit démissionner.
-
Engagement de responsabilité sur un texte législatif (article 49-3) :
- Le Premier ministre peut faire adopter un projet de loi sans vote, sauf si une motion de censure est adoptée.
- Exemple récent : En 2023, Élisabeth Borne a utilisé l’article 49-3 pour faire passer la réforme des retraites, suscitant plusieurs motions de censure qui ont été rejetées.
-
Motion de censure (article 49-2) :
- L’Assemblée nationale peut voter une motion de censure pour renverser le gouvernement.
- Pour être adoptée, la motion doit obtenir la majorité absolue des députés.
2) De fait : responsabilité devant le président de la République
En période de fait majoritaire, les membres du gouvernement sont également responsables devant le président de la République, qui peut mettre fin à leurs fonctions à tout moment.
- Exemple récent : En 2023, Pap Ndiaye a quitté ses fonctions de ministre de l’Éducation nationale lors d’un remaniement, sur décision d’Emmanuel Macron.
B) La responsabilité civile
Les membres du gouvernement sont civilement responsables des préjudices qu’ils causent, mais cette responsabilité varie selon le contexte :
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Hors exercice des fonctions : Les ministres répondent des actes dommageables sur leurs fonds propres.
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Dans l’exercice des fonctions : L’État est responsable des préjudices causés dans l’exercice des fonctions ministérielles, sauf en cas de faute personnelle détachable des fonctions.
C) La responsabilité financière
Les membres du gouvernement peuvent être responsables devant :
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La Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) :
- Cette juridiction juge les irrégularités financières commises par les responsables publics dans la gestion des fonds publics.
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La Cour des comptes :
- Si un ministre devient comptable de fait, il peut être poursuivi pour une mauvaise gestion ou des irrégularités budgétaires.
- Exemple récent : Des enquêtes menées par la Cour des comptes ont concerné des dépenses publiques liées à des projets gouvernementaux, bien qu’aucune condamnation ministérielle notable n’ait été rendue publique récemment.
D) La responsabilité pénale
1) Histoire de la CJR
- Avant 1993, les ministres étaient jugés par la Haute Cour de justice pour des crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions. Cette juridiction, jugée complexe et inefficace, a été remplacée par la Cour de justice de la République (CJR).
- Depuis la réforme de 1993 : compétence de la CJR (article 68-1) : La CJR est compétente pour juger les ministres ayant commis un crime ou un délit dans l’exercice de leurs fonctions. En dehors de leurs fonctions, ils sont jugés par des juridictions ordinaires.
3) Composition et fonctionnement de la CJR
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Composition :
- 15 membres :
- 3 magistrats de la Cour de cassation, dont le président,
- 6 députés et 6 sénateurs, désignés par leurs assemblées respectives.
- 15 membres :
-
Procédure :
- Une plainte peut être déposée par toute personne s’estimant victime.
- La commission des requêtes examine la recevabilité de la plainte.
- En cas de recevabilité, la commission d’instruction enquête sur les faits et peut :
- Rendre un non-lieu,
- Renvoyer le ministre devant la CJR pour jugement.
- La CJR statue à la majorité absolue des membres.
4) Procès récents devant la CJR
- 1999 : Affaire du sang contaminé :Laurent Fabius et Georgina Dufoix sont relaxés ; Edmond Hervé est condamné mais dispensé de peine.
- 2016 : Christine Lagarde, alors directrice du FMI, est reconnue coupable de négligence dans l’affaire Tapie, mais dispensée de peine.
- 2021 : Affaire COVID-19 :Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santé, est mise en examen pour mise en danger de la vie d’autrui en lien avec la gestion de la crise sanitaire.
5) Critiques et propositions de réforme
La CJR est souvent critiquée pour :
- Son fonctionnement jugé partial en raison de la présence de parlementaires parmi les juges,
- L’absence de possibilité pour les parties civiles de participer à la procédure.
Propositions récentes :
François Hollande et Emmanuel Macron ont envisagé de supprimer la CJR pour soumettre les ministres à des juridictions ordinaires, mais ces réformes n’ont pas été concrétisées.