Comment le juge interprète la loi en matière pénale?

L’INTERPRÉTATION STRICTE DES LOIS PÉNALES. 

Une ne loi ne sert à quelque chose que si elle est précise. Les raisonnements d’interprétation à fortiori, à contrario comportent de nombreuses incertitudes. Ces incertitudes ne sont pas acceptables en matières pénal car l’ampleur de l’interdit doit être prévisible à l’avance.

 

a)L’énoncé du principe. 

                 En vertu de l’article 111-4: la loi pénale est d’interprétation stricte: le juge doit donner au texte le maximum de sens donné par le législateur avec le raisonnement a contrario, par analogie ou a fortiori. Art 111-4 Code pénal= d’interprétation stricte : il est interdit au juge de combler les lacunes d’une incrimination sous prétexte que l’acte commis ressemble à celui qui est défini par le législateur.

            Exemple historique : avant 1873  —> Nous sommes sous l’empire de l’ancien code pénal avec l’infraction de vol et d’escroquerie. Une personne va dans un restaurant se faire servir an sachant qu’il ne peut pas payer.  Escroquerie = fait de prendre tout ou partie de la richesse d’un autre à l’aide manœuvres frauduleuses. Jusqu’en 1873, ce genre de comportement n’est pas condamné. Le législateur a réagi en créant le délit de filouterie d’aliment. En 1937 création de la filouterie d’hôtel, de transport. Remarque : avec un principe d’interprétation stricte, il y aura toujours des lacunes dans la loi mais c’est une garantie des libertés. Arrêt du 3 mai 2000, on assiste à une filouterie de conversation téléphonique par un loueur d’une chambre d’hôtel. Il a été relaxé car la filouterie de la chambre d’hôtel qui est condamnable  ne comprend pas le défaut de paiement de communication téléphonique.  Arrêt du 1 juin 1988 chambre criminelle N° 21 172 : distributeur d’essence qui ne comportait que 3 colonnes pour le paiement. L’individu a rempli des jerricans pour un montant supérieur = pas un vol, mais plutôt une aubaine. 

Pour assurer la moralisation de la vie sociale, il n’est pas toujours opportun de faire appel au droit pénal. Quand on retire des sommes qui excèdent les provisions du compte  —> pas du vol. Chambre criminelle du 24 novembre 1993. Faudrait-il la création de la filouterie d’argent ? Réponse ministérielle = pas opportun car l’infraction serait difficile à mettre en œuvre car il serait difficile de discerner les comportements intentionnels des comportements négligents. Il existe d’autres moyens : 

-Inobservation d’une obligation contractuelle = faute civile (pouvoir de retrait de la carte que possède l’établissement de crédit).

-Moyens techniques informatiques permettent de limiter la faculté de retrait au montant du solde créditeur (la technique a remplacée le droit).

Ce principe d’interprétation stricte est encore appliqué par les tribunaux quand la loi pénale n’était pas assez claire (a minima). Arrêt du 29 juin 2001 de l’assemblée plénière de la Cour de Cassation : accident de la circulation  sur une femme enceinte. 

La prescription sur blessure involontaire sur la femme était écoulée. A la suite de l’accident elle avait perdu l’enfant à naître. Elle plaide l’homicide involontaire sur autrui (ici l’enfant à naître). L’assemblée plénière considère que le terme autrui n’est pas clair et s’oppose à ce qu’il s’étende à l’embryon ou le fœtus. Cette interprétation est stricte. La CEDH a été saisie et déclare qu’il y a une marge des appréciateurs nationaux => elle n’a pas voulu se mouiller. 

C’est une question de politique législative et non au juge à déterminer. On voit bien ici la séparations des pouvoirs concernant les choix éthiques. 

Le législateur n’estime pas important de combler les lacunes de la loi. 

 

b)La portée du principe d’interprétation stricte. 

Ce principe s’applique à tout ce que la personne poursuivie a besoin de connaître avant. Il s’applique aux incriminations (ce qui est interdit) également aux sanctions (la punition). Arrêt de la Chambre criminelle 9 novembre 1993 : sanction de l’infraction de publicité trompeuse. Le juge peut décider ou de la publication de la décision dans un journal,  ou de la diffusion d’un message rectificatif aux portes du magasin. Les tribunaux ont condamné à cette 2nd sanction avec la publication de la décision sur la porte du magasin.  Elle ressemble aux deux sanctions mais ce n’est plus la même sanction. A chaque fois, ce rajout a donc été sanctionné par la chambre criminelle. Il faut savoir ce à quoi on risque d’être condamné. 

Mais ce principe d’interprétation stricte ne s’applique pas aux règles qui ne sont pas susceptibles de nuire à la personne poursuivie comme en matière de procédure sauf si exceptionnellement la sévérité s’exprimait par une règle de procédure. 

Il ne s’applique pas non plus aux règles qui établissent des causes de justifications, c’est ainsi que sous l’empire de l’ancien code pénal, la jurisprudence avait étendu le domaine de la  Légitime Défense, prévue une justification tenant à la permission de la loi. C’est la jurisprudence, sous l’empire de l’ancien, qui a crée une telle cause tenant à l’état de nécessité, nécessité dans laquelle se trouve une personne de commettre une infraction pour sauvegarder un intérêt supérieur à l’intérêt sacrifié par l’infraction (ex: vol de canoë pour sauver quelqu’un). 

 

c)Les exceptions apportées au principe. 

Parce que le législateur ne défini pas suffisamment précisément un interdit. Alors la place est laissée à l’interprétation des juges ==> donc il ne peut plus être interprété strictement.

Interprétations extensives des juges. 

Exemple du recel : chambre criminelle 24 août 1981. Le juge est sous l’emprise du code pénal. Recel = conservation d’un objet issue d’une infraction. S’est posée la question d’un individu qui se faisait transporter par une voiture volée. Pas de raisonnement par analogie : les tribunaux ont condamné pour recel. Dans le doute : interprétation stricte alors que l’on aurait du prendre l’interprétation la plus favorable à la personne interpellée. Aujourd’hui le législateur retient aujourd’hui le recel par détention et le recel par profit (ou par bénéfice tiré ; cf. nouveau cours)  art 321-1 Code Pénal.           Cour de Drouaix 14 octobre 2004 : quelqu’un circule dans un véhicule non volé, mais dont l’essence avait été obtenue à la suite d’une filouterie. L’homme a été condamné pour recel. 

Cour de Paris 24 mars 2005:un individu accède a plusieurs reprise à un site à caractère pédophile. Il ne télécharge pas les photos. Cependant, condamnation pour recel d’image pédophile. 

Chambre criminelle du 14 novembre 1989: un automobiliste se fait verbaliser pour défaut de port de la ceinture. Cependant, pour des raisons médicales il avait un certificat de dispense de port de la ceinture. Il le sort seulement devant les tribunaux. Il est alors poursuivi pour outrage à agent. Alors que l’outrage a agent suppose paroles ou gestes. On est alors sorti de l’interprétation stricte. 

Mais parfois, le texte est tellement général, que le principe d’interprétation stricte n’est pas applicable. En France on trouve des incriminations très larges, notamment relativement aux atteintes aux intérêts fondamentaux de l’état. Le délit d’aide à l’immigration clandestine est un autre exemple de définition large qui empêche une interprétation stricte. Les accords de Schengen obligent les pays concernés, relativement à l’immigration (entrée et séjour) clandestine, à imposer une infraction d’aide à l’immigration clandestine contre de l’argent. Lors de l’introduction de cette législation en France, on s’est rendu compte qu’échapperait l’hypothèse d’aide pour l’espionnage ou le terrorisme. Donc le législateur a décidé d’une définition plus large pour inclure ces cas là. Le problème est que tout motif peut tomber sous ce texte. Donc un est passé d’un extrême à un autre. Le législateur s’est rendu compte de ce problème, alors une immunité a été prévue en faveur des ascendants, descendants ou conjoint. Il n’empêche que même avec cette immunité, le texte reste extrêmement large. Alors on s’en sort avec le principe de l’opportunité des poursuites.

Depuis une décisions de 1981, le conseil constitutionnel s’est donné comme mission de vérifier la précision   de l’incrimination chaque fois qu’une loi qui crée une nouvelle infraction lui est soumise

.Définir les infractions de manière suffisamment claire et précise pour exclure l’arbitraire = obligation du législateur du fait du bloc de constitutionnalité et de la DDHC. Si le Conseil Constitutionnel contrôle la précision de l’incrimination c’est au titre du principe de l’interprétation stricte.  A ceci s’ajoute le principe de légalité. Ce principe de légalité est également inscrit à la convention européenne des droits de l’homme. Mais si il y a contradiction entre un texte interne et un article de cette convention, le juge doit écarter le droit interne (article 55 de la Constitution). Mais à propos d’un interdit qui concernait la liberté d’expression, les tribunaux ont commencer à utilise la convention européenne pour écarter une infraction qui leur paraissait imprécise. C’est un contrôle de conventionalité qui s’applique (et non pas un contrôle de constitutionnalité). Il y avait un texte qui interdisait la reproduction des circonstances d’un crime ou d’un délit. Or il y avait des journalistes qui avaient photographié les victimes d’un attentat avec publication. Ils ont été condamnés selon le fondement de cette infraction (délit). Le tribunal correctionnel, la cour d’appel et la cour de cassation les ont relaxé au motif que la formulation de l’infraction était imprécise et donc contraire au principe de légalité. Appui = la convention européenne. La chambre criminelle a donné une leçon de droit sur les raisons du principe de l égalité et d’interprétation stricte le  20 février 2001 Ch. Crim Dalloz 2001. « La possibilité de chacun d’apprécier par avance la légalité de son comportement touchant à l’exercice de liberté essentielle, implique une formulation particulièrement rigoureuse des incriminations et ne saurait résulter que de définitions légales claires et précises ». Le mot circonstance était foncièrement imprécis. A l’heure actuelle, l’expression n’a pas été modifiée. Mais le délit n’existe que s’il porte atteinte à la dignité de la victime.  Donc le problème n’est pas forcément résolut. Ce pouvoir de neutraliser au nom de la CEDH d’écarter une sanction pénale insuffisamment précise donne un pouvoir très étendu au juge. 

Tribunal correctionnel de Auch du 24 août 2006: un individu était poursuivi pour harcèlement moral au travail.  Le TC a considéré que le texte n’était pas assez précis. La CA a considéré que le texte était suffisamment précis.

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