Comment s’organise l’élection du Président de la République?

L’élection présidentielle.

 

L’élection présidentielle en France a connu des évolutions significatives depuis son introduction en 1848. À cette époque, Louis-Napoléon Bonaparte devient le premier président élu au suffrage universel direct masculin. Sous les IIIe et IVe Républiques, ce mode de désignation est abandonné au profit d’une élection indirecte par le Parlement, ce qui limitait considérablement la légitimité populaire du président.

La Ve République, fondée en 1958, rétablit l’autorité présidentielle, d’abord par une élection au suffrage indirect, avant que le référendum de 1962 introduise l’élection présidentielle au suffrage universel direct.

&1. Les opérations préparatoires.

Les opérations préparatoires à l’élection présidentielle française sont strictement encadrées pour garantir la transparence, l’équité entre les candidats et la conformité aux principes républicains.

A. La date du scrutin

Article 7, alinéa 2 de la Constitution : le gouvernement est chargé de fixer la date du scrutin présidentiel et de convoquer le corps électoral.
Article 7, alinéa 3 précise que l’élection doit se tenir :

  • Au moins 20 jours et au plus 35 jours avant la fin du mandat du président en fonction.
  • En cas de vacance ou d’empêchement du président, après la proclamation officielle de cette vacance par le Conseil constitutionnel.

Empêchement d’un candidat : les règles introduites en 1976

Une révision constitutionnelle en 1976 a complété l’article 7 pour répondre à des hypothèses d’empêchement, en établissant trois scénarios possibles :

  1. Avant la clôture des candidatures :
    Si un candidat potentiel décède ou est empêché dans les 7 jours précédant la date limite de dépôt des candidatures, le Conseil constitutionnel peut décider de reporter l’élection. Cependant, cette décision dépend souvent de l’importance politique du candidat.

  2. Avant le premier tour :
    Si un candidat officiellement enregistré est empêché avant le premier tour, le Conseil constitutionnel doit obligatoirement reporter le scrutin.

  3. Entre les deux tours :
    Si un candidat en lice pour le second tour est empêché, l’ensemble de l’élection est annulé et le processus recommence à zéro.

B. Les conditions d’éligibilité

1. Les conditions de fond

Pour se présenter à l’élection présidentielle, un candidat doit remplir les conditions suivantes :

  • Nationalité française : être Français, sans obligation d’être né Français.
  • Âge minimum : depuis la loi de 2011, le seuil d’éligibilité est fixé à 18 ans révolus (contre 23 ans auparavant).
  • Capacité civique et politique :
    • Être électeur, c’est-à-dire jouir de ses droits civils et politiques.
    • Ne pas avoir été privé de ces droits par une décision de justice.
  • Service civique : les hommes doivent être en règle avec les obligations de service national ou civique.

2. Les conditions de forme

  • Parrainages :
    Introduite par la loi de 1976, cette règle impose aux candidats de présenter 500 parrainages d’élus (maires, conseillers départementaux, régionaux, députés, sénateurs, etc.). Ces parrainages doivent respecter certains critères :

    • Ils doivent provenir d’au moins 30 départements ou collectivités d’outre-mer différents.
    • Aucun département ne peut fournir plus de 50 parrainages.
    • Depuis 2016, la liste complète des parrains est publiée pour garantir la transparence.
  • Déclaration de patrimoine :
    La loi organique du 11 mars 1988 impose aux candidats de déposer une déclaration de patrimoine auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Depuis la loi de 2013, cette exigence a été renforcée pour lutter contre les conflits d’intérêts et garantir l’intégrité des candidats.

C. Examen des candidatures et lancement de la campagne officielle

  • Les dossiers de candidature doivent être transmis au Conseil constitutionnel avant une date limite fixée.
  • Ce dernier vérifie :
    • La validité des parrainages.
    • La conformité de la déclaration de patrimoine.
    • Le respect des conditions de fond et de forme.

Une fois cette vérification achevée, le Conseil constitutionnel publie la liste officielle des candidats au Journal officiel. À partir de ce moment, la campagne officielle débute, avec des règles strictes concernant :

  • L’égalité du temps de parole dans les médias audiovisuels publics.
  • Le plafonnement des dépenses électorales, contrôlé par la Commission nationale des comptes de campagne (CNCCFP).
  • L’affichage électoral, limité à des emplacements et formats spécifiques.

&2. La campagne électorale.

La campagne électorale commence à compter du jour où la liste officielle est publiée au JO et s’achève le vendredi précédent le 1er jour de scrutin à minuit. La campagne électorale présidentielle française est encadrée par des règles strictes visant à garantir une égalité de traitement entre candidats, la transparence des financements, et la régularité des opérations électorales. 

 

A. Le déroulement de la campagne

La campagne officielle débute le jour où la liste des candidats est publiée au Journal Officiel et s’achève à minuit le vendredi précédent le premier tour du scrutin. Elle est encadrée par des règles précises qui concernent à la fois la propagande électorale et le financement des campagnes.

1. Propagande électorale

La propagande officielle se compose de documents pris en charge par l’État pour garantir une égalité entre candidats. Chaque candidat dispose d’un financement pour :

  • Deux affiches électorales officielles.
  • Une profession de foi adressée aux électeurs.

En parallèle, une propagande non officielle est souvent mise en œuvre par les candidats via leurs partis, leurs soutiens ou les médias. Ce processus est soumis à des règles strictes, notamment en matière d’accès aux médias audiovisuels, contrôlé par l’ex-CSA (aujourd’hui remplacé par l’Arcom, Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique).

Les trois périodes médiatiques :
  1. Période préliminaire (avant la liste officielle des candidats) :

    • Temps d’antenne (discours et commentaires des journalistes) et temps de parole (interventions directes des candidats ou de leurs porte-paroles) doivent être équitables.
    • Les critères incluent la notoriété, l’appartenance à un grand parti, ou une candidature antérieure.
  2. Période intermédiaire (après la liste officielle des candidats) :

    • Temps de parole : doit être égal entre les candidats.
    • Temps d’antenne : reste équitable, sans obligation d’égalité stricte.
  3. Période officielle (14 jours avant le scrutin) :

    • Temps de parole et d’antenne doivent être strictement égaux pour tous les candidats.

2. Financement des campagnes

Le financement des campagnes est encadré pour garantir la transparence et éviter les abus.

Règles financières :
  • Avance financière de l’État :
    Chaque candidat officiellement enregistré reçoit une avance de 153 000 € pour débuter sa campagne.

  • Plafonnement des dépenses :

    • Premier tour (2022) : 16,851 millions d’euros maximum.
    • Second tour (2022) : 22,509 millions d’euros pour les deux finalistes.
  • Dons :

    • Les personnes morales (entreprises, associations) ne peuvent financer les campagnes, sauf les partis politiques sous forme de prêts.
    • Les personnes physiques peuvent donner jusqu’à 4 600 € au total à un candidat.
  • Mandataire financier :
    Chaque candidat doit désigner un mandataire, soit une personne physique soit une association. Ce dernier est chargé :

    • D’ouvrir un compte bancaire dédié à la campagne.
    • De tenir le compte de campagne, retraçant l’ensemble des dépenses et des recettes.
Examen des comptes de campagne :

Les comptes doivent être transmis à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).
Trois issues possibles :

  • Approbation des comptes.
  • Réformation des comptes : modification demandée.
  • Rejet des comptes : entraîne la perte du remboursement forfaitaire des dépenses par l’État. Exemple célèbre : Nicolas Sarkozy en 2012, dont les comptes furent rejetés pour des dépassements liés à des événements organisés sous sa présidence.
Remboursement forfaitaire des dépenses :
  • Candidats ayant obtenu moins de 5 % des suffrages : remboursement limité à 4,75 % du plafond (environ 800 000 €).
  • Candidats éliminés ayant obtenu plus de 5 % : remboursement jusqu’à 47,5 % du plafond (environ 8 millions €).
  • Finalistes du second tour : remboursement jusqu’à 47,5 % du plafond du second tour (environ 10,7 millions €).
Interdictions spécifiques :

Depuis la loi du 19 juillet 1977, il est interdit de publier des sondages ou des estimations après minuit le vendredi précédant le scrutin.

B. Contrôle de la campagne

Plusieurs institutions interviennent pour veiller à la régularité des élections et au respect des règles :

  1. La Commission nationale de contrôle :

    • Constituée de 9 membres issus de la Cour de cassation, du Conseil d’État, et de la Cour des comptes.
    • Elle garantit l’égalité entre candidats et la conformité des pratiques électorales.
  2. L’Arcom (ex-CSA) :

    • Veille au respect des temps d’antenne et de parole dans les médias audiovisuels.
    • Ne contrôle pas les médias numériques, qui bénéficient d’une plus grande liberté.
  3. Le Conseil constitutionnel :

    • Juge électoral selon l’article 58 de la Constitution.
    • Avant l’élection : peut décider de reporter un scrutin en cas de problème grave.
    • Pendant l’élection : supervise les bureaux de vote et les observateurs.
    • Après l’élection : proclame les résultats et traite les contentieux liés aux comptes de campagne.

 

&3. Le scrutin.

 

A. Le mode de scrutin

Depuis la réforme constitutionnelle de 1962, l’élection présidentielle se déroule au scrutin uninominal majoritaire à deux tours et au suffrage universel direct. Ce mode garantit une légitimité forte au Président de la République, élu par l’ensemble des citoyens.

1. Le premier tour : majorité absolue requise

Pour être élu dès le premier tour, un candidat doit obtenir la majorité absolue des suffrages exprimés (article 7, alinéa 1 de la Constitution). En cas d’échec, un second tour est organisé 14 jours après le premier.

2. Le second tour : les deux candidats en tête

Seuls les deux candidats ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages au premier tour peuvent se présenter au second tour, sauf en cas de désistement. La victoire revient au candidat ayant obtenu la majorité relative des suffrages exprimés.

3. Élections depuis 1962

Voici les résultats des élections présidentielles organisées selon ce mode :

  • 1965 : Charles de Gaulle bat François Mitterrand.
  • 1969 : Georges Pompidou élu contre Alain Poher.
  • 1974 : Valéry Giscard d’Estaing bat François Mitterrand.
  • 1981 : François Mitterrand l’emporte face à Giscard d’Estaing.
  • 1988 : Mitterrand réélu face à Jacques Chirac.
  • 1995 : Jacques Chirac bat Lionel Jospin.
  • 2002 : Jacques Chirac écrase Jean-Marie Le Pen.
  • 2007 : Nicolas Sarkozy devance Ségolène Royal.
  • 2012 : François Hollande bat Nicolas Sarkozy (51,6 % contre 48,4 %).
  • 2017 : Emmanuel Macron l’emporte face à Marine Le Pen (66,1 % contre 33,9 %).
  • 2022 : Macron réélu face à Le Pen (58,5 % contre 41,5 %).

B. Les recours et la proclamation des résultats

Le Conseil constitutionnel, conformément à l’article 58 de la Constitution, joue un rôle central dans la validation du processus électoral et la proclamation des résultats.

1. Rôle du Conseil constitutionnel

Le Conseil examine :

  • Les réclamations concernant les opérations électorales (préparatoires ou de dépouillement).
  • Les contestations des résultats.
  • Les décisions qu’il prend lui-même dans le cadre de ses missions.

Le délai pour formuler un recours est de 48 heures après l’annonce des résultats provisoires. Le Conseil peut :

  • Valider les résultats.
  • Annuler des votes en cas d’irrégularités avérées, mais sans conséquence sur le résultat global.
2. Proclamation et installation du Président élu

Après examen des éventuels recours, le Conseil constitutionnel proclame les résultats officiels.

  • Le nouveau Président prend ses fonctions au plus tard le dernier jour du mandat de son prédécesseur.
  • La cérémonie d’investiture marque la passation des pouvoirs, généralement accompagnée d’un discours inaugural.

Conclusion

  • L’élection de 2022 a vu une mobilisation accrue des jeunes électeurs et une progression notable des votes blancs et nuls (près de 8,5 % des suffrages).
  • Le Conseil constitutionnel continue d’assurer un contrôle rigoureux, notamment avec l’essor des campagnes numériques, qui nécessitent des ajustements dans la surveillance du respect des règles.
Isa Germain

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