La Common Law

La tradition de Common Law.

On distingue : la tradition civiliste et la Common law

  • la tradition civiliste apparait encore aujourd’hui dominante, bien qu’elle soit fortement concurrencée par la tradition de Common Law, en raison du poids économique et politique des USA.
  • Cette tradition de la Common Law est née en Angleterre et s’étend aujourd’hui en Irlande, aux USA, Canada, Australie, Nouvelle Zélande et dans des pays non occidentaux, Asie, Inde, Malaisie, en Afrique, Kenya, Tanzanie ou Nigéria (pour les questions qui ne sont pas de l’ordre du statut personnel).

C’est la matrice du droit Anglais, qui a un statut privilégié dans les pays de Common Law. Car de nombreuses matières restent directement soumises à l’influence du droit Anglais (on peut ainsi invoquer un précédent Anglais devant un juge Canadien).

Et si des juges de common law rejoignaient les juridictions parisiennes ?, Contentieux - Les Echos Executives

A. La naissance de la Common Law.

La date de naissance de la tradition est facile à déterminer, c’est 1066, année de la conquête de l’Angleterre par les Normands. A leur arrivée, le droit est de type autochtone. L’Angleterre du 1er au début du 5ème siècle a été sous domination romaine, mais le droit romain y a laissé peu de traces. Par la suite, le pays a été conquis par diverses tribus d’origine germanique (Jutes, Danois, Saxons, etc), le droit anglo-saxon qui s’y est développé était de type coutumier. Puis avec le développement de la féodalité on est passé d’un système personnaliste à un système territorialiste. Les coutumes varient d’un lieu à un autre.

En 1066 l’arrivée des Normand ne va pas immédiatement changer cet état de fait. Lorsque Guillaume le conquérant accède au trône il ne va pas balayer ce droit local, mais va confirmer son caractère applicable. Le premier changement est surtout l’arrivée d’un pouvoir central fort et très bien organisé, c’est le premier état moderne en Europe. Ce système politique Normand est à première vue caractéristique du moyen-âge, car il repose sur la féodalité, mais cette féodalité est différente de celle observable sur le continent et notamment en France. Les seigneurs Normands sont des seigneurs étrangers, ce qui explique ces différences, ils ne partagent ni la langue ni les coutumes ni les mœurs des peuples conquis, et ainsi ils restent groupés autour de leur souverain, n’osant pas se désolidariser de lui, contrairement aux seigneurs français avec leur roi. En outre Guillaume a veiller à distribuer les territoires conquis à ses alliés sans constituer des fiefs trop vastes de façon à empêcher le développement de pouvoirs concurrents au sien. Une loi de 1290 va priver les seigneurs du droit d’avoir leurs propres vassaux, ce qui favorisera la constitution d’un état central fort.

C’est ainsi que se constitue un pouvoir central fort. Ce pouvoir aurait pu changer le droit en instituant un nouveau corps de règles, mais il ne le fit pas. En revanche le pouvoir royal a mis en place peu à peu un ensemble de juridictions royales qui vont progressivement concurrencer les juridictions locales, à tel point qu’elles vont les éliminer. La mise en place des cours royales s’est faite progressivement ; à l’origine c’est le roi lui-même qui rendait la justice, mais que pour certains litiges très importants, comme les différents menaçant la paix du royaume et les différents qui ne pouvaient pas être tranchés de façon adaptées par les cours locales. Au sein de cette cour du roi, ou Curia Régis,, le roi statuait assistés de ses proches les plus puissants. Les autres litiges demeuraient la compétence des cours locales, car on ne concevait pas que le roi puisse se mêler des affaires locales.

C’est seulement à partir du 13ème siècle que certaines formations de la cour du roi vont prendre leur autonomie et fixer leur siège à Westminster ; leurs compétences vont rester limités à celle qui relevaient du pouvoir royal.

Il y en a 3 :

  • · Les finances royales
  • · Propriété foncière et possessions immobilières
  • · Affaires criminelles menaçant la paix du royaume.

Apparaissent alors 3 cours qui chacune correspondent à ces compétences :

  • · La cour de l’échiquier (finances royales)
  • · La cour des plaids communs (droit des biens)
  • · La cour du ban du roi (affaires criminelles)

Puis leurs compétences respectives vont fusionner, chacune des cours pouvant traiter des compétences des autres.

Par la suite leurs compétences vont continuer de s’étendre grâce à 2 facteurs :

  • Le pouvoir royal est désireux de voir son pouvoir juridictionnel s’étendre.
  • Les justiciables vont être attirés par les cours royales, car ces cours rendent des décisions plus efficaces car revêtues de l’autorité royale. Ces cours suivent aussi une procédure plus moderne notamment en matière de procédure de preuve.

C’est ce droit développé par les cours royales qu’on appellera Common Law, premier droit commun à l’ensemble du territoire de l’Angleterre en opposition aux coutumes locales.

B. Le statut de la Common Law.

Les cours locales vont être de moins en moins sollicitées, tant est si bien que les cours royales demeureront les seules à administrer la justice à la fin du moyen-âge. Formellement les cours royales demeurent cependant des juridictions d’exception et non de droit commun, y recourir est un privilège qu’on obtient en en sollicitant l’octroi à l’autorité royale.

Pour saisir une juridiction royale, il faut obtenir du chancelier un « writ » qui ordonne que l’affaire soit tranchée en justice. Seuls certains types de litiges peuvent donner lieu à la délivrance d’un « writ ». Si le justiciable ne parvient pas à identifier une forme d’action appropriée, il ne parviendra pas à obtenir de writ. L’extension de la compétence des juridictions royales va passer par une augmentation du nombre des formes d’actions admises. En 1227 il y avait 56 formes d’action, en 1232 il y en avait 76, donc fort peu cependant. Chaque formule type correspond alors à une catégorie de litige du point de vue substantiel mais aussi procédural. Le droit est donc très procédural et très formaliste. Le droit substantiel ne se développera que dans les interstices de la procédure (parallèle avec les actions de la loi du droit romain). Ces contraintes formelles vont conduire le droit à se développer souvent de façon artificielle.

Il faut comprendre l’histoire du développement de chaque forme d’action pour comprendre le droit Anglais. Ainsi en droit des contrats, le droit Anglais ne reconnait pas que le fait de rompre un engagement contractuel soit une faute susceptible d’être sanctionnée en justice, en revanche, si un locataire, un dépositaire, un emprunteur ou un transporteur refuse de rendre la chose louée, déposée, prêtée ou transportée à son vrai propriétaire, ils pourront être poursuivis seulement pour le fait qu’ils détiennent sans titre une chose appartenant à autrui. On utilise ici un « Writ » de détention et qui permet d’assurer la sanction. De même il existe un « Writ of debt » qui permet au demandeur de réclamer le paiement de sa créance seulement si le débiteur a reconnu dans un acte formaliste être tenu par le demandeur. On ne s’intéresse pas au fond mais seulement à la forme de l’acte de reconnaissance de dette.

Ces Writ, vont se révéler insuffisant pour couvrir toute la palette des hypothèses existantes. Ainsi, on s’est alors servi d’un autre Writ Le Writ of Trespass, qui va permettre d’étendre la sanction des engagements contractuels. A l’origine il servait à sanctionner les atteintes à la personne ou aux biens des individus et sera donc étendu ensuite aux engagements contractuels en cas de mauvaise exécution. Ensuite, on l’a encore étendu aux cas de non-exécution. La sanction s’est autonomisé avec l’action d’Assumpsit ; on suppose que le défendeur avait pris un engagement express d’exécuter son engagement contractuel, puis on l’a étendu à tous les engagements, les cours y voyant un engagement implicite de respect. On parle alors Indebitatus Assumpsit (création d’une action autonome qui va permettre de libérer l’action en Responsabilité contractuelle des contraintes liées à la délictuelle).

Les formes d’action ont été abolies au 19ème siècle. Leur influence se fait cependant encore ressentir dans la structure même des droits de Common Law ; les concepts formés autrefois ont continué d’être utilisés par l’obligation de se référer aux précédents. Le droit Anglais est donc pauvre en grands principes généraux et est formé de régimes spéciaux. On n’y trouve donc pas d’équivalent aux art.1382 ni 1383 de notre code civil sur la responsabilité civile.

De manière générale le droit de RCD de Common Law est enfermé dans des nomenclatures, car aucun principe général. Pas de force obligatoire contractuelle non plus.

Sur le plan de la formation des juristes, on n’y suivait pas de formation théorique, mais pratique centrée sur des questions de procédures, elle se faisait à l’école du barreau et non à l’université, ceci a contribué à empêcher la réception du renouveau du droit romain.

L’existence des formes d’action et leur rigidité pouvait conduire à des injustices.

Dans un premier temps les cours royales étaient d’exception et on pouvait alors se tourner vers les cours locales, mais ensuite avec l’importance croissante des cours royales, le problème a été plus important, et s’est alors développée une justice concurrente dite d’équité.

C. La Common Law un droit concurrencé par une justice d’équité.

Les justiciables ont fini par se tourner vers le roi pour lui demander de corriger les décisions les plus choquantes rendues par les 3 cours royales. A l’origine ces recours étaient exceptionnels, puis ils se multiplièrent, dès lors le roi délégua le plus souvent le pouvoir de trancher au chancelier. C’est notamment au 15ème siècle que cela se fit, alors que l’Angleterre était absorbée par des guerres, et se développera alors une cour autonome, celle du chancelier, qui établira un corps de règles autonomes, qui constitueront « l’equity ». La procédure suivie par cette cour est inspirée du droit canonique, procédure écrite, secrète et inquisitoire, qui ne recommande pas de recourir au jury. Ce fait va rendre cette cour intéressante pour les justiciables, la vérité pouvant s’y établir plus facilement. Cette cour présente aussi un intérêts du fait que les remèdes y sont plus efficaces (injonctions sous peine d’emprisonnement et d’amende, qui n’existent pas dans les autres cours). Les rapports entre le chancelier et les cours de Common Law vont devenir de plus en plus difficiles. Cette concurrence va être rude, à ce point que les cours de Common Law vont finir par déclarer que le plaideur, condamné à une peine d’emprisonnement pour non-respect d’une décision du chancelier, a agi en état de légitime défense même s’il s’oppose avec violence à la sentence du chancelier et même s’il tue l’agent chargé de l’exécution du jugement.

Le roi (dès 1615) décidera que les décisions d’equity priment sur celles de Common Law. Il établira une hiérarchie entre cour du chancelier et cours de Common Law. Les chancelier vont se montrer plus prudents, ils se soumettront à la règle du précédent et ils vont se comporter plus en juriste qu’en autorité morale. Les rois vont éviter de créer de nouvelles juridictions susceptibles de s’opposer aux cours de Common Law. Coexisteront 2 branches, La Common Law et l’Equity qui apportera à la Common Law des correctifs lorsqu’elle est trop rigide et qui la complète aussi.

D. Les réformes du droit Anglais au 19ème siècle.

Ce siècle va marquer une refonte et une modernisation du droit Anglais sur le plan procédural notamment. Les formes d’action vont être abolies. En 1832 va être établie une procédure unique pour toutes les actions personnelles. Pour les actions réelles et mixtes, une loi arrivera en 1833 qui abolies ces formes d’action. En 1852 on abandonne toute exigence de la mention de la forme d’action dans le Writ.

Va également disparaitre la distinction entre cours de Common Law et d’Equity, en 1873. Cependant, la distinction entre les règles développées par ces cours respectives va demeurer. Toutes les cours peuvent désormais appliquer les règles de Common Law et d’Equity.