Le rôle du CSA dans l’attribution des fréquences

Communication audiovisuelle et attribution de fréquence par le CSA

  • La loi 17 janvier 1989, qui remplace la CNCL par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), organisation administrative indépendante du pouvoir exécutif.
  • Le CSA a de nouvelles missions, notamment de délivrer les autorisations d’exploitation et d’émission des chaînes diffusées par voie hertzienne terrestre et satellitaire.
  • Il doit également veiller à reporter dans les conventions qu’il négocie avec les chaînes les nouvelles obligations de diffusion de films et d’œuvres audiovisuelles française et européennes, établies par décret.
  • Son pouvoir de sanction est élargi : il peut aller jusqu’au retrait de l’autorisation d’une chaîne.
  • Depuis la promulgation de la loi du 15 novembre 2013, le CSA, jusqu’alors autorité administrative indépendante, devient une autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale.

La justification d’un régime d’autorisation par la rareté des fréquences disponibles

La justification majeure du choix du régime de l’autorisation tient aux contraintes techniques liées au réseau hertzien et au poids des images de la télévision. Ce sont certes de très bonnes explications, mais le développement de la diffusion par satellite a considérablement allégé les problèmes techniques. Le régime d’autorisation en matière de communication audiovisuelle profite largement aux titulaires d’autorisation d’émettre qui bénéficient d’un principe de reconduction tacite.

L’autorité publique accorde le droit à un bénéficiaire d’exploiter une bande de fréquences hertziennes pour vendre un service au public. Ce droit d’usage est attribué par le Conseil supérieur de l’audiovisuel depuis 1989 mais il existe depuis 1986.

Le régime d’autorisation préalable permet d’exercer une liberté après avoir obtenu et demandé la permission de l’administration. En matière de communication audiovisuelle, l’autorisation préalable est soumise au respect de certaines conditions, le pouvoir de l’administration n’est qu’une simple compétence liée, les risques de contrôle et censure politique sont, en théorie, inexistants puisqu’il n’y a pas de pouvoir discrétionnaire (encore une fois en théorie). Ce régime constitue parfois un mode de protection satisfaisant lorsque d’autres modes de régulation n’ont pas été trouvés. Le régime préventif n’est donc pas toujours moins favorable aux libertés que le régime répressif.

Le contenu des autorisations provient d’une intervention concurrente du Gouvernement et du CSA. Le public doit disposer de programmes qui correspondent à la variété des sensibilités politiques, sociales et culturelles, et, dans le même temps, le pluralisme suppose également la diversification des opérateurs. En matière de radios notamment, l’instance de régulation doit favoriser l’accès des ondes au plus grand nombre possible afin de proposer un programme intéressant pour le public. Elle doit également participer au développement des réseaux tout en accordant une place aux radios participant à l’expression du pluralisme local.

La procédure de délivrance de l’autorisation d’émettre s’ouvre par un appel à candidatures lancé par le CSA pour finalement fixer, après réception des dossiers, une liste de candidats considérés comme recevables. En pratique, le CSA n’a jamais refusé d’autorisation, mais il a pu demander une modification du dossier en raison notamment du non-respect du pluralisme de l’expression des courants d’opinion. En revanche, lorsqu’il doit choisir entre différents opérateurs, il est bien sûr obligé de rejeter une ou plusieurs candidatures et c’est là qu’intervient le pouvoir discrétionnaire. Le titulaire de l’autorisation doit respecter un cahier des charges similaire à celui du secteur public, appelé convention. Il est contraint au respect de la protection de la dignité de la personne humaine, de la protection de l’enfance et de l’adolescence, de l’indépendance éditoriale, de l’indépendance de l’information pour les émissions d’information politique et générale, au respect du pluralisme politique, à la distinction information-divertissement, au respect de l’honnêteté de l’information, de la présomption d’innocence, de la non discrimination, de la vie privée… Cette procédure de conventionnement se superpose au respect des obligations légales et réglementaires.

L’autorisation est délivrée pour une durée de 10 ans pour la télévision (renouvelable tous les 5 ans), et 5 ans pour la radio.

Les autorisations peuvent être reconduites hors appel à candidatures, dans la limite de deux fois, et, chaque fois, pour cinq ans (vingt ans sans nouvel appel à candidature). Un an avant l’expiration de l’autorisation, le Conseil statue sur la possibilité ou non de reconduire l’autorisation délivrée. S’il statue positivement sur la possibilité de reconduire l’autorisation, il procède à la modification de la convention de l’opérateur. A défaut d’accord six mois au moins avant l’expiration de l’autorisation, une nouvelle procédure d’appel à candidature est lancée. Malgré les entorses au conventionnement, les reconductions d’autorisation sont quasi-automatiques[216]. Tel est le cas de l’autorisation délivrée à TF1, reconduite malgré les sanctions infligées à la chaîne pour manquement aux règles relatives à la protection de l’enfance et de l’adolescence, ainsi qu’à celles relatives à la publicité et au parrainage. Cette décision du CSA, attaquée par l’association « Changez la Une » devant le Conseil d’Etat, a été jugée légale par la Haute assemblée qui a considéré notamment qu’aucune des sanctions administratives infligées à TF1 n’aurait justifié le non renouvellement de son autorisation. La loi du 1er août 2000 ajoute des critères de non reconduction de l’autorisation. Il s’agit de la condamnation prononcée à l’encontre du titulaire de l’autorisation sur le fondement des articles 2 , 24 et 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou des articles 227-23 ou 227-24 du Code pénal et de la situation financière de l’intéressé. L’inscription de nouvelles incriminations dans la loi de 2000 n’a pas fait évolué le principe tacite de la reconduction automatique.

Que reste-t-il de l’argument tiré de la rareté des fréquences disponibles justifiant le régime d’autorisation ?

Il est vrai que la libéralisation ne laisse finalement que peu de place pour une énième chaîne concurrente, le réseau n’étant pas extensible à l’infini et les autorisations étant implicitement à vie, sauf fait rédhibitoire. Il est vrai que le contrôle effectué par le CSA au titre de ce régime d’autorisation est un gage de pérennité du paysage audiovisuel français.

D’ailleurs, le Conseil constitutionnel lors de son contrôle sur la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur[217], a rappelé dans le cadre d’une réserve d’interprétation qu’il appartient aux autorités compétentes (CSA, ARCEP, Conseil de la concurrence) à l’occasion de l’autorisation de nouveaux services numériques, de veiller au respect du pluralisme des courants de pensée et d’opinions compte tenu des ressources radio-électriques alors disponibles. Le passage au « tout numérique » qui a pour conséquence de libérer des fréquences et d’en multiplier les potentialités (on passe de 1 chaîne par canal à 8 chaînes), ne remet pas en cause l’argument de la rareté des fréquences disponibles.